La Turquie d’Erdogan dans la tourmente

La Turquie d’Erdogan dans la tourmente

L’étau s’est resserré hier, autour du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, éclaboussé par un scandale politico-financier sans précédent qui a provoqué une vague de démissions dans son camp et de nouvelles manifestations réprimées par la police.

Hier, dans la soirée, les forces de l’ordre sont intervenues à Istanbul et à Ankara pour disperser, à grands renforts de canons à eau et gaz lacrymogènes, des milliers de personnes venues dénoncer la corruption du gouvernement islamo-conservateur et exiger le départ de son chef. «Gouvernement démission», ont scandé des centaines de personnes dans les rues d’Istanbul et d’une quinzaine d’autres villes de Turquie. «Toutes ces affaires de corruption, c’est de l’argent qui sort de notre poche. Cela fait 10 ans qu’ils font ce qu’ils veulent. On veut qu’Erdogan s’en aille», lance dans le cortège Semra, une publicitaire de 42 ans. «On en a assez des sales affaires d’Erdogan et de son gouvernement. Il faut qu’il parte», a, pour sa part, déclaré à l’AFP un manifestant stambouliote, Tolga. Au troisième jour de ces manifestations antigouvernementales, des échauffourées ont duré plusieurs heures à Istanbul. Des rassemblements qui font ressurgir le spectre de la fronde antigouvernementale de juin dernier. Place Taksim, les forces de l’ordre ont lancé des grenades lacrymogènes et utilisé des canons à eau. Aux cris de «gouvernement démission» et «la corruption est partout», certains manifestants ont riposté en visant la police avec des feux d’artifices. Deux manifestants ont été blessés et une trentaine de personnes ont été interpellées, d’après le barreau stambouliote. Selon le barreau stambouliote, au moins 31 personnes ont été interpellées lors de ces incidents. En tournée dans la même ville d’Istanbul, M. Erdogan, inflexible, a continué à se défendre bec et ongles en dénonçant encore une fois, devant des milliers de partisans réunis à l’aéroport international Atatürk puis dans le quartier d’Uskudar, un «complot» ourdi contre lui. Même s’il n’a pas nommé son adversaire, le Premier ministre a pointé à nouveau du doigt la responsabilité du mouvement du prédicateur musulman Fethullah Gülen, accusé d’être à l’origine de l’enquête anticorruption qui a provoqué la démission de trois de ses ministres. «Les récents développements sont une conséquence de l’affaire des écoles privées», a lancé M. Erdogan, qui a également reproché aux procureurs en charge du dossier d’avoir «stigmatisé» sans preuve son gouvernement. Dans la majorité, trois nouveaux députés ont claqué la porte de l’AKP, parmi lesquels l’ancien ministre de la Culture, Ertugrul Günay, portant à cinq le nombre de défections d’élus du parti au pouvoir depuis le début de la crise. «Il n’est plus possible de faire entendre quoi que ce soit au parti au pouvoir», a déploré M. Günay. A quatre mois des élections municipales, cette crise politique inédite fragilise la position de M. Erdogan, qui règne sans partage sur la vie politique turque depuis onze ans.

S.L