Les forces kurdes qui défendent Kobané ont renforcé leurs espoirs de vaincre le groupe Etat islamique en recevant une première livraison aérienne d’armes et en obtenant l’aide de la Turquie pour le renfort de Kurdes irakiens.
Ces deux initiatives ont été annoncées alors que les combattants kurdes ont réussi ces derniers jours à freiner l’avancée des jihadistes dans Kobané, grâce notamment à l’ augmentation des raids aériens de la coalition internationale. Pour la première fois depuis le début de l’offensive de l’EI, trois avions cargos C-130 américains ont largué à l’aube des armes, des munitions et du matériel médical, sur les positions des Unités de protection du peuple (YPG), qui contrôlent encore environ 50% de Kobané.
Ces armes vont être «d’une grande aide» pour ces combattants, s’est félicité le porte-parole des YPG, Redur Xelil. Elles sont «destinées à aider à la poursuite de la résistance», a expliqué l’armée américaine, en précisant que les équipements largués étaient fournis par les autorités kurdes d’Irak. Ces dernières semaines, les Kurdes avaient multiplié les appels à renforcer les moyens des combattants des YPG, moins nombreux et moins bien armés que ceux de l’EI qui veulent conquérir la troisième ville kurde de Syrie.
A la lumière des derniers développements, «l’équilibre des forces peut basculer à tout moment», a estimé l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (Osdh, basé en Grande Bretagne). D’autant que la Turquie a surpris en annonçant qu’elle aidait «les forces des +peshmergas kurdes+» d’Irak «à franchir la frontière pour aller à Kobané», selon le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu. Malgré les pressions de ses alliés, Etats-Unis en tête, le gouvernement islamo-conservateur d’Ankara a jusqu’à présent toujours refusé d’intervenir militairement pour venir en aide aux combattants kurdes syriens.
Mais, a assuré M.Cavusoglu, «nous n’avons jamais voulu que Kobané tombe» et «la Turquie a mené différentes initiatives pour l’empêcher». Dimanche encore, le président Recep Tayyip Erdogan avait rejeté catégoriquement tous les appels lancés à son pays pour qu’il fournisse directement des armes aux YPG, la branche armée du Parti de l’union démocratique (PYD) qu’il a accusé d’être une «organisation terroriste». La Turquie considère le PYD comme le pendant syrien du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), un mouvement qui mène depuis 1984 en Turquie une guérilla qui a fait quelque 40.000 morts.
Pour l’expert Sinan Ulgen, patron du Centre d’études politiques et économiques (Edam) d’Istanbul, «l’initiative des Américains facilite la tâche d’Erdogan» en lui «permettant de conserver la même rhétorique contre les +terroristes+ kurdes, comme il l’a répété encore hier, et d’éviter les critiques que les nationalistes turcs lui adresseraient s’il devait modifier ce discours».
Les avions de la coalition ont accru ces derniers jours les raids sur Kobané, ayant désormais frappé plus de 135 fois les positions de l’EI dans et autour de la ville depuis fin septembre, précise le Centcom. «Combinées à une résistance continue sur le terrain», ces frappes ont «tué des centaines de combattants (de l’EI) et détruit ou endommagé» de nombreux équipements de l’EI, a souligné le Centcom. Il a toutefois répété que la situation de Kobané restait «fragile».
Les jihadistes, qui avaient dépêché samedi de nouveaux renforts dans cette ville, ont tenté la nuit dernière d’avancer vers le centre-ville mais les combattants kurdes ont repoussé l’assaut, faisant au moins 8 morts dans les rangs de l’EI, selon l’Osdh. Regrettant que les frappes aériennes ne ciblent que les jihadistes, la Coalition nationale syrienne, principale force d’opposition en exil, a réitéré ses demandes d’intervention étrangère contre le régime de Bachar al-Assad, qu’elle accuse de «pratiquer le terrorisme d’Etat contre le peuple syrien».