La Tunisie s’enfonce dans la crise politique

La Tunisie s’enfonce dans la crise politique

La composition du nouveau gouvernement de transition, fragilisé déjà par la démission de quatre ministres (trois issus de l’UGTT), continue à agiter la rue tunisienne.

Plus de mille Tunisiens ont manifesté de nouveau hier matin dans le centre de la capitale, afin de protester contre le gouvernement de transition mis en place lundi, dans lequel figurent d’anciens ministres du régime du président en fuite Ben Ali.

D’autres manifestations se sont déroulées à Sidi Bouzid, Regueb, Ben Guedane, Kasserine et d’autres régions du pays qui ont été à la pointe de la révolte populaire. Le gouvernement a décidé d’alléger le couvre-feu de deux heures, en raison d’une «amélioration de la sécurité», alors que Tunis a renoué, constate l’AFP, avec les embouteillages et que de nombreux habitants repartaient au travail mercredi. Il s’appliquera dé-sormais de 20 heures à 5 heures. En revanche, les autres mesures de l’état d’urgence sont maintenues : interdiction de rassemblement sur la voie publique de plus de trois personnes et autorisation donnée aux forces de l’ordre de tirer sur les personnes prenant la fuite lors de contrôles. Le gouvernement provisoire, dit «d’union nationale», qui traverse une grave crise politique après le retrait de quatre ministres, tiendra son premier Conseil des ministres aujourd’hui, a annoncé hier le ministre des Affaires étrangères, Kamel Morjane, qui a quitté précipitamment le Sommet économique arabe de Charm el-Cheikh (Egypte). «Le point le plus important» de ce premier Conseil, affirme le responsable, sera «l’amnistie générale» promise lundi par le Premier ministre Mohammed Ghannouchi, lors de l’annonce de son gouvernement. L’autre sujet sensible à l’ordre du jour sera l’application du principe de la séparation de l’Etat avec l’ancien parti au pouvoir, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD).

L’UGTT ne reviendra pas sur sa position

La puissante centrale syndicale, l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), qui a joué un rôle crucial dans la révolte populaire d’un mois qui a provoqué la chute du président Ben Ali, a décidé de maintenir son refus de participer au gouvernement. Selon l’AFP, Abdelslam Jrad, secrétaire général de l’UGTT, a rencontré hier les responsables des partis politiques de l’ancienne opposition, puis le Premier ministre. M. Jrad a notamment discuté avec Mustapha Ben Jaâfar, président du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDLT, opposition), qui a «suspendu sa participation» au gouvernement. Objectif de ces discussions : décider sous quelles conditions les ministres qui se sont retirés du gouvernement le réintègreront ou non et si l’UGTT revient ou non sur sa décision annoncée lundi de ne pas reconnaître le nouvel exécutif.

En guise de réponse aux multiples slogans hostiles au nouveau gouvernement de transition, le président tunisien par intérim, Foued Mebazaa, et le Premier ministre Mohammed Ghannouchi, ont fini par répondre dans la soirée, par un geste symbolique : leur démission officielle du RCD, afin de «concrétiser une décision de séparation des organes de l’État et des partis politiques». Ainsi, réagissant aux départ des quatre ministres de l’UGTT, le RCD avait indiqué avoir radié de ses rangs Ben Ali et six de ses collaborateurs.

Ben Ali «interdit de toute activité»

Le ministre saoudien des Affaires étrangères, Saoud Al-Fayçal, a affirmé hier que le président tunisien déchu Zine El Abidine Ben Ali, réfugié dans le royaume depuis sa fuite vendredi sous la pression de la rue, y était «interdit de toute activité» contre son pays. Son accueil «ne peut conduire à une quelconque activité (de Ben Ali) sur la Tunisie depuis le territoire saoudien», a-t-il affirmé dans un entretien avec la télévision d’Etat saoudienne. La présence du président déchu dans le royaume s’accompagne «de conditions et de restrictions.

Aucune action ne sera autorisée (contre la Tunisie)», a-t-il ajouté. «Le royaume a agi selon une politique suivie depuis longtemps. Je ne crois pas que cela nuise au peuple tunisien et à sa volonté, comme cela ne représente pas une ingérence dans les affaires internes de la Tunisie», a-t-il ajouté. Il a assuré que l’Arabie saoudite se tenait «aux côtés du peuple tunisien» auquel il a souhaité «la stabilité, le développement, la prospérité et la liberté auxquels il aspire».

Une enquête judiciaire sur sa fortune

Une enquête judiciaire pour «acquisition illégale de biens mobiliers et immobiliers», «placements financiers illicites à l’étranger» et «exportation illégale de devises» a été ouverte contre le président déchu et sa famille. Elle vise nommément l’ancien chef d’Etat, sa femme, Leila Trabelsi, «les frères et gendres de Leila Trabelsi, les fils et les filles de ses frères», selon l’AFP.

Le clan Ben Ali-Trabelsi est accusé d’avoir mis en coupe réglée le pays depuis 23 ans. Ainsi, après que la France eut annoncé qu’elle surveillait tout mouvement de fonds suspects, la Suisse a également décidé hier de bloquer, avec effet immédiat, d’éventuels fonds illégaux appartenant à l’ex-président et à son entourage. Le gouvernement helvétique a également décidé «de bloquer les biens de ces personnes en Suisse», a précisé la même source.

Par Hocine L.