La question d’une nouvelle intervention étrangère dans ce pays charnière entre le Maghreb et le Machrek sera certainement sur la table de la Conférence internationale de soutien à la Libye, qui se tient aujourd’hui à Rome.
La Libye revit depuis le début de la semaine des journées de violences dans une nouvelle escalade du chaos sécuritaire. Dimanche, plusieurs députés ont été blessés lors de l’irruption de protestataires dans le siège du Congrès national général (CNG). Bastion de la révolution libyenne, qui a renversé en 2011 le régime de Mouammar Kadhafi, après plus de huit mois de conflit armé meurtrier, alimenté par les forces aériennes de l’Otan, Benghazi se débat dans un cercle de violences ponctuées d’assassinats et d’attaques contre les officiers de la police et de l’armée et contre des acteurs de la société civile qui ont fait 10 morts pour la seule journée de dimanche. Parmi ces victimes, figure un ingénieur français qui travaillait pour une société chargée de la réfection du centre médical de Benghazi, assassiné par balles en plein jour, tandis qu’un Egyptien a été blessé par un homme armé, alors qu’il se trouvait sur son lieu de travail dans un magasin de vente de légumes.
La semaine dernière, les corps de 7 Egyptiens tués par balles ont été retrouvés près de Benghazi. Face à cette violence ciblant des ressortissants égyptiens, Le Caire a demandé au gouvernement libyen d’assumer sa responsabilité et d’assurer la sécurité et de protéger les citoyens égyptiens se trouvant sur son territoire, ainsi que ceux qui s’y rendent, réclamant des résultats des enquêtes sur les assassinats de ses ressortissants.
La proclamation par le gouvernement de l’état d’urgence à Benghazi n’a pas diminué les violences qui frappent cette ville. Et l’insécurité persiste toujours dans d’autres villes et localités. Excédées par le chaos sécuritaire, les populations dénoncent l’incapacité du gouvernement et du parlement à assurer la sécurité et la stabilité du pays et à enrayer cette spirale de violence aveugle. Elles ont observé depuis samedi des actions de désobéissance civile en fermant routes et institutions étatiques. Les nouvelles autorités de transition n’ont pas réussi, trois ans après l’assassinant de Kadhafi, à mettre en place des organes de sécurité capables d’assurer l’ordre et la stabilité dans le pays. Des milices et groupes armés héritant de l’arsenal de guerre pillé dans les entrepôts de l’armée de Kadhafi font la pluie et le beau temps, défiant ouvertement les autorités et n’hésitant pas à utiliser leurs armes pour faire pression sur le pouvoir en place et sur les populations. Ces groupes d’obédience islamiste ne font pas dans le détail pour empêcher la construction du nouvel Etat. Ainsi, leur dernier fait d’armes, l’intrusion au sein du siège du parlement où des membres du CNG ont été pris à partie, bastonnés et blessés par balles, selon le président Nouri Bousahmein.
Même le mobilier du parlement n’a pas échappé à leur furie. L’assaut du siège du parlement s’est déroulé sur fond d’une profonde crise politique provoquée par la prolongation du mandat du CNG, qui a adopté une feuille de route dans ce sens. Des manifestations sont régulièrement organisées pour exprimer le rejet de la prorogation du mandat du CNG qui devait initialement s’achever le 7 février dernier.
En outre, les tiraillements politiques entre les blocs parlementaires au sein du CNG pour des questions liées à l’échec de la motion de censure contre le gouvernement de Ali Zeidan ont attisé les tensions. Et pour compliquer la situation, la fermeture depuis plusieurs mois des sites pétroliers dans l’Est plonge le pays dans une crise financière, exacerbant les rapports entre les Libyens qui se retrouvent sans revenu. L’échec de la transition démocratique fait craindre à Tripoli chez les rares patriotes que la deuxième conférence de soutien à la Libye à Rome ne serve de cadre dont profiteront certaines puissances étrangères pour demander une intervention armée en Libye, toujours sous la coupe du chapitre 7 du Conseil de sécurité de l’ONU. La résolution qui a autorisé les bombardements de l’Otan et de la France n’a toujours pas été levée ! A se demander pourquoi ? Il reste qu’aux yeux des Libyens et de leurs voisins, dont notre pays, toute intervention militaire étrangère ne fera que compliquer davantage la situation dans ce pays qui se transformerait en un Irak post-occupation occidentale
D. B