Si « la musique adoucit les moeurs », la thérapie par l’art en général est devenue une réalité un peu partout dans le monde, y compris en Algérie où elle commence à être adoptée comme moyen d’accompagnement et d’ »adoucissement » de maladies lourdes comme l’autisme.
L’exemple est donné par l’association Chem’s, à l’origine d’une expérience aussi inédite que remarquable dans le sens où les autistes sont impliqués dans une expérience thérapeutique qui stimule leur sensibilité, améliore leur stabilité et favorise leur intégration sociale.
De la musique, du théâtre, de l’expression corporelle, de l’expression écrite et plastique sont proposés à ces personnes en difficulté, encadrées par un personnel spécialisé qui a l’avantage d’avoir, de surcroît, exercé en milieu hospitalier.
L’intérêt de cette démarche consiste à mettre dans le même cours des autistes, des trisomiques et d’autres pathologies proches avec des personnes valides de tous les âges pour favoriser l’échange entre eux, explique le président de l’association Djamel Merahi, qui précise que des mères voire grands-mères de malades se sont inscrites dans la même séance.
La seule distinction est imposée par le degré de l’affection, les troubles de l’autisme variant d’un cas à un autre : « Pour la musique, il s’agit d’abord de stimuler leur éveil par des jeux musicaux, du bruitage avant qu’ils n’accèdent au palier de l’instrumentation, du chant, solfège, chorale, etc. »,explique Merahi.
Si l’objectif de ce programme n’est pas de faire émerger des Beethoven, ironise-t-il, il n’en demeure pas moins que des résultats surprenants sont parfois observés : c’est le cas d’un trisomique qui a évolué en musique au point de former à son tour des autistes. « Le chant est une activité orthophonique par excellence qui lui procure de l’assurance et est perçu comme un modèle par les autres », souligne-t-il.
« Lorsqu’ils apprennent la musique, ils sont plus réceptifs que s’ils étaient en milieu hospitalier face à une blouse blanche. Ils finissent par prendre goût à ces cours si bien qu’il est difficile pour eux de s’en passer », fait remarquer Merahi.
Sara, la maman de Yasser, 5 ans, abonde dans le même sens pour attester de « l’impact positif » de cette expérience sur le comportement de son fils autiste inscrit depuis novembre dernier en musique.
Yasser est devenu, selon les dires de sa maman, plus concentré, plus calme et surtout « moins angoissé ».
Sara envisage de l’inscrire dès l’année prochaine à la section théâtre et a convaincu Malika, également mère d’autiste, de faire de même.
L’intégration par le mélange…
Yassine qui souffre de retard mental et de problèmes de psychomotricité est accompagnée de sa maman. « Ce qui est particulier ici, dit-elle, c’est l’intégration que crée ce mélange ». Et d’ajouter : « Les malades sont tirés vers le haut. Moi-même, je me suis inscrite en cours de musique et fait partie de l’orchestre de l’association ».
Cette chorale fait la fierté de Merahi pour s’être produite dans diverses manifestations en Algérie et même en France (Lorraine) sur invitation de l’association « Turbulence » qui a été « impressionnée » par la démarche ludique et thérapeutique de Chem’s.
Le répertoire enseigné varie de l’arabe, au français, au kabyle mais aussi de l’international. « On ne peut imaginer le bonheur des parents lorsqu’ils voient leurs enfants sur scène en costume d’artistes. Un statut qui fait oublier pour un moment qu’ils sont différents ! », se réjouit Merahi.
Des artistes peintres sont également unanimes à relever l’effet positif que peut produire la peinture sur un autiste, comme le précise si bien le plasticien Farid Benyaa.
« L’être humain est généralement sensible à tout ce qui est positif », soutient-il en rappelant que la peinture se base sur la couleur, la forme et la texture, autant d’éléments qui interpellent les sens du malade notamment la vue.
L’attrait de la beauté, explique-t-il, contribue forcément à le faire sortir de sa bulle et à le rattacher à la réalité considérant qu’ « à chaque fois qu’on a fait appel à la peinture, les bienfaits se sont fait ressentir ».
La peinture peut être pour l’autiste un « moyen d’expression » qui contribue à améliorer ses performances sensitives et son « contact avec son environnement », ajoute-t-il.
En plus d’être complémentaire à la prise en charge médicale de l’autisme, le soutien par l’art est ainsi une démarche hautement bienfaisante et de nature à atténuer sensiblement les multiples contraintes liées cette maladie.
Chem’s, une association d’aide aux autistes (ENCADRE)
ALGER – Créée en 2008, l’association culturelle Chem’s pour les arts thérapeutiques s’est fixée comme objectif d’accompagner et de soutenir les autistes en proposant une activité culturelle diversifiée à des fins thérapeutiques.
L’association, qui accueille également les trisomiques, met à la disposition de ses adhérents des espaces multimédia et une bibliothèque, outre la programmation d’activités externes (excursions, commémorations, loisirs en milieu hospitalier, écoles, centres spécialisés).
Educateur spécialisé, son président, Djamel Merahi, a voulu mettre à profit ses connaissances et son expérience pour venir en aide à ces « malades » pas comme les autres.
Psychomotricien de formation et professeur de musique, il a d’abord exercé, en pédiatrie, dans le milieu hospitalier, avant de créer son association.
Dès le début 2013, 180 personnes ont pu s’inscrire, même si la demande reste en-deça de la capacité d’accueil, Chem’s étant sollicitée des différents quartiers d’Alger, voire au delà, d’où elle reçoit de plus en plus des demandes d’adhésion.
L’association a élu domicile, à titre provisoire, à l’étage supérieur de la Maison de jeunes de Kouba (à l’est d’Alger), attendant un siège plus spacieux qui lui permettrait de répondre à la demande de parents d’autistes et de trisomiques souvent dans un état de détresse .
Le président de l’Association Chem’s joint ses v£ux à ceux des parents qui souhaiteraient l’intervention des pouvoirs publics pour ouvrir des annexes de l’association au bénéfice des autistes, à commencer par ceux habitants Alger, en caressant le rêve de voir l’expérience de Chem’s essaimer dans d’autres régions d’Algérie.
Des subventions publiques sont également souhaitées, car le financement, de nature caritative et provenant actuellement de sources privées, ne suffit pas pour couvrir les frais de l’association, même si les ministères de la Solidarité et de la Culture apportent depuis deux ans leurs contributions, précise le président de Chem’s.