La Syrie revient sur la scène internationale

La Syrie revient sur la scène internationale

Dans les luttes d’influence qui agitent le Moyen-Orient, Bachar Al-Assad peut se targuer d’avoir remporté une belle victoire en récupérant, au moins provisoirement, la place qu’avait jadis occupée son père, Hafez Al-Assad, celle de leader incontournable dans la région.

En atteste la visite, dimanche 26 juillet à Damas, de George Mitchell, l’envoyé spécial de la Maison Blanche pour le Moyen-Orient.

Le 14 juin, George Mitchell rencontrait déjà Bachar Al-Assad à Damas pour ce qui constituait alors la première visite officielle d’un diplomate américain de ce rang en Syrie depuis 2005.

En quatre ans, Bachar Al-Assad est parvenu à hisser la Syrie de statut d’Etat infréquentable au rang de puissance incontournable, courtisée par presque l’ensemble de la communauté internationale, sans pour autant avoir répondu concrètement aux exigences des uns et des autres.

Entre 2005 et 2008, le régime syrien apparaissait fragile, menacé par l’administration américaine de George Bush, boycotté par la France, l’Arabie saoudite et l’Egypte qui le suspectaient d’avoir partie liée à l’assassinat du premier ministre libanais Rafic Hariri en 2005.

Aujourd’hui, la situation du leader syrien est à ce point confortable qu’il peut appuyer verbalement l’aile dure de Téhéran, incarnée par l’ayatollah Ali Khamenei et le président Mahmoud Ahmadinejad, en pleine crise iranienne, tout en se voyant offrir par les Etats-Unis un signe tangible de normalisation avec le retour, annoncé le 24 juin et après quatre ans d’absence, d’un ambassadeur américain à Damas.

Le 3 juillet, M. Assad, décontracté, invitait, sur la chaîne britannique Sky News, son homologue américain Barack Obama à venir à Damas.

« Le président Obama est jeune. Le président Assad est aussi très jeune. Peut-être est-il temps pour ces jeunes dirigeants de faire une différence dans le monde », avait déclaré son épouse Asma.

L’Arabie saoudite, à l’instar des Etats-Unis, très préoccupée des ambitions nucléaires iraniennes, a elle aussi décidé de dépêcher un ambassadeur en Syrie, à un poste vacant depuis un an.

Sans avoir renoncé à soutenir ni le Hezbollah libanais ni le Hamas palestinien, deux menaces armées aux portes d’Israël, Damas a également repris langue, indirectement, avec Tel-Aviv, grâce à la médiation de la Turquie.

« Les Syriens possèdent la clé de la région », souligne le président turc, M. Abdullah Gül.

Le même constat avait été fait, en 2008, par la France qui, pour sauver le projet d’Union pour la Méditerranée (UPM) cher au président Sarkozy, avait initié le retour tangible de la Syrie dans les bonnes grâces internationales.

M. Assad figurait ainsi parmi les invités d’honneur au défilé du 14 juillet, en 2008.

L’élection d’un président libanais après des mois de blocage, l’échange de représentations diplomatiques entre le Liban et la Syrie et le bon déroulement des législatives libanaises du 7 juin ont été autant de démonstrations, selon la France, de la fiabilité de la Syrie.

Elle se voit récompensée pour sa « non-nuisance » dans le dossier libanais.

Ancien rôle d’arbitre

Les rapports entre Claude Guéant, le secrétaire général de l’Elysée, et le maître de Damas sont officiellement « constructifs », voire amicaux, en tout cas réguliers.

Le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, a aussi présidé dans la capitale syrienne une conférence régionale des ambassadeurs français le 11 juillet.

A cette occasion, il a rencontré les autorités syriennes, auxquelles il n’accordait pourtant que peu de crédit lors de ses premières tentatives de démêler l’écheveau libanais.

Le pari stratégique français visant à éloigner la Syrie de son allié iranien a montré ses limites.

En revanche, les bonnes dispositions françaises ont drainé ce que Damas espérait : une reprise des relations avec Washington.

La Syrie occupe aussi un rôle pivot dans la résolution de la crise interpalestinienne entre le Hamas et le Fatah.

Parce que la capitale syrienne est la base arrière des radicaux palestiniens. Mahmoud Abbas, le président palestinien, s’en va consulter très régulièrement Bachar Al-Assad.

Début juillet, Omar Suleiman, le chef des moukhabarrat égyptien, infatigable mécano du processus de réconciliation, a envoyé son adjoint et son directeur de cabinet à Damas.

Mais le rapprochement le plus spectaculaire, reste celui entamé avec l’Arabie saoudite en janvier, à l’occasion du sommet arabe du Koweït.

De sources informées, cette « réconciliation » a été décidée par le roi Abdallah, qui s’en est ouvert à Bachar Al-Assad dans un tête-à-tête en marge du sommet, sans avoir consulté au préalable son partenaire égyptien, Hosni Moubarak.

Une visite du roi Abdallah à Damas est attendue prochainement. Le sort d’un nouveau gouvernement libanais pourrait se jouer à cette occasion.

Ainsi la Syrie, dont l’armée avait été chassée sans ménagement du Liban après l’assassinat de Rafic Hariri, retrouve son ancien rôle d’arbitre des querelles libanaises.

Malgré la victoire du clan dit « anti-syrien » aux législatives du 7 juin.

L’importance de la représentation de l’opposition (dont le Hezbollah) dans le gouvernement libanais sera négociée sous l’égide de la Syrie.

Fortement symbolique de la « victoire » syrienne dans la région sera, enfin, la visite à Damas du nouveau chef du gouvernement libanais, Saad Hariri.

Il avait pourtant accusé la Syrie d’avoir assassiné son père. Mais comme tant de Libanais, avant lui, il devra reprendre l’éternel chemin de Damas.