La Syrie fait marcher la « planche à billets » via la Russie

La Syrie fait marcher la « planche à billets » via la Russie
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La Syrie a commencé à mettre en circulationde nouveaux billets imprimés en Russie, au risque d’alimenter l’inflation, pour financer un déficit budgétaire creusé par les difficultés économiques liées aux sanctions internationales contre le régime de Bachar al Assad, déclarent des banquiers de Damas.

Quatre banquiers damascènes ont déclaré à Reuters que de nouveaux billets de banque imprimés en Russie circulaient à Damas et à Alep, la deuxième ville du pays.

La Russie, partenaire économique majeur pour la Syrie, est l’un des rares pays à soutenir le régime syrien, tant sur le plan politique qu’économique.

Aucune sanction n’empêche à l’heure actuelle les entreprises russes d’imprimer des billets pour la Syrie.

« (Les Russes) ont envoyé de nouveaux échantillons de billets de banque qui ont été validés et la première commande a été passée. Je pense que de nouveaux billets ont été injectés sur le marché », a dit l’un des banquiers qui a requis l’anonymat.

Ces nouveaux billets sont destinés à remplacer l’ancienne livre syrienne et à régler les salaires des fonctionnaires du pays, selon les banquiers. Une telle mesure pourrait néanmoins augmenter l’inflation, qui frôle déjà les 30%, et aggraver la crise économique, selon les économistes.

La livre syrienne était auparavant imprimée en Autriche par une filiale de la banque centrale autrichienne, mais le contrat a été annulé l’an dernier en raison des sanctions européennes, a déclaré un porte-parole de la Banque d’Autriche.

Le ministre syrien des Finances sortant Mohammad al Jleilati a déclaré la semaine dernière que la Syrie avait évoqué la question de l’impression de billets de banque avec des responsables russes lors de discussions économiques organisées fin mai à Moscou. Mais la banque centrale syrienne avait démenti plus tard qu’une nouvelle monnaie était en circulation.

« DERNIER RECOURS »

Avec 27 milliards de dollars, le budget 2012 de l’Etat syrien est le plus important de l’histoire de ce pays de 21 millions d’habitants. Les banquiers expliquent ce regain de dépenses par la volonté du régime de créer davantage d’emplois de fonctionnaires et de préserver les subventions pour se maintenir au pouvoir et dissiper la contestation.

Le déficit budgétaire syrien a par ailleurs explosé avec la baisse drastique des recettes et les sanctions internationales qui interdisent les exportations de pétrole, autrefois génératrices de 75% des recettes à l’exportation.

Alors que le secteur privé part à vau-l’eau avec la multiplication des licenciements, les 2 millions de fonctionnaires (sur 4,5 millions d’actifs) du pays semblent relativement préservés par la crise. Ils ont pu conserver leur emploi et continuent à être payés malgré le gel des salaires.

« Vous ne pouvez pas laisser s’effondrer le secteur public », a déclaré l’un des banquiers. « Les gens (…) ne se plaignent pas tant qu’ils sont payés à la fin du mois. S’ils venaient à ne plus l’être, ce serait la crise. »

Les autorités ont par ailleurs donné la priorité aux subventions afin que le prix des services collectifs (électricité, eau) et de l’essence ne soit pas trop lourd à supporter pour les ménages.

Elles ont annoncé également qu’un contrôle des prix serait imposé aux produits de première nécessité.

Mais cette décision apparaît dans tous les cas comme une solution de « dernier recours » aux yeux de l’un des banquiers, alors que le financement des dépenses publiques est rendu de plus en plus impossible du fait que l’Etat a dépassé la limite de ses emprunts aux banques publiques.

« Il y a une limite à l’injection d’argent frais dans l’économie à une époque aussi incertaine. Une impression inconsidérée de billets pour obtenir un court répit pourrait conduire à un suicide économique », estime ce banquier.

Avec Fredrik Dahl à Vienne, Hélène Duvigneau pour le service français