Alors que se tenait hier une conférence à Istanbul sur la Syrie, les analystes du monde arabe au Moyen-Orient pensent qu’Assad a remporté une grande victoire. Jusqu’à quand?
La conférence d’Istanbul ne semble pas avoir produit de mesures concrètes permettant l’arrêt immédiat des violences en Syrie. La Russie a estimé que la réunion des “Amis de la Syrie” qu’elle a boycottée dimanche a été en contradiction avec “les objectifs d’un règlement pacifique du conflit” qui a fait plus de 10.000 morts en un an selon une ONG syrienne. La Syrie, comme l’Iran, a également reçu un témoin tacite des cinq grands pays emergents, les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du sud) qui ont déclaré communément suite à leur réunion à New Delhi en fin de semaine dernière que “seul le dialogue” pourrait venir à bout du conflit avec la Syrie (et avec l’Iran).
Mais surtout, la Syrie de Bachar el Assad peut compter sur l’Iran qui a menacé d’intervenir si Assad tombait, sur le soutien de la Russie et de la Chine, sur sa position géostratégique et géopolitique bien sûr, qui empêche toute intervention à la libyenne (rappelons-nous qu’avant l’intervention de l’OTAN en Lybie, Khadafi avait repris le dessus), et sur sa récente victoire à Homs et plus relativement à Idlib où Assad dit avoir triomphé des “terroristes” selon ses termes (les guillemets pouvant être néanmoins retirés tant l’implication d’Al Qaïda et des Frères musulmans apparaît de plus en plus clairement). Le pouvoir syrien a donc poursuivi hier et aujourd’hui ses bombardements et il devient de plus en plus dur de compter les morts. Les médias officiels syriens ont même raillé la conférence d’Istanbul la présentant comme un “nouvel échec” dans ses tentatives de faire plier le pouvoir déterminé à en finir avec la révolte populaire qui s’est militarisée au fil des mois.
La Syrie bientôt comme l’Algérie
Les médias en France ne font guère aujourd’hui concernant la Syrie, que de la compassion pour les victimes, comptant les morts en dénonçant Assad, qu’il n’avait pourtant jamais dénoncé avant, oubliant les victimes beaucoup plus nombreuses qui tomberaient si Al Qaïda prenait le dessus ou si les Frères musulmans plus à même de diriger (et qui ne sont guère qu’une version islamiste sunnite politique plus patiente), prenaient le pouvoir. Et il faut, pour comprendre un peu mieux la Syrie, sortir de l’hexagone. Une simple émission de télévision au Moyen-Orient permet d’y voir plus clair que n’importe quelle analyse dans un média classique en France. Et chaque jour, le conflit entre sunnites et chiites au Moyen-Orient, qui trouve son point central en Syrie, est explicité. Le professeur Kaïs Fiero, spécialiste de la Syrie et du Liban de l’université de Haïfa, comparait la situation en Syrie à l’Algérie. Selon lui, les données aujourd’hui montrent qu’Assad a remporté une victoire, mais les combats continuent et une guerre civile en Syrie, pourrait durer une dizaines d’années, comme en Algérie.