Bachar al-Assad indéboulonnable malgré trois ans de guerre civile. Dans le sillage des “printemps arabe”, une contestation pacifique réclamant des réformes politiques a éclaté en mars 2011 en Syrie, face à une répression implacable, elle s’est transformée en insurrection armée qui s’est progressivement islamisée et devenue très violente.
Aujourd’hui, cette rébellion et ses multiples soutiens et parrains étrangers assistent à l’organisation d’une élection qui aboutira au maintien au pouvoir du président syrien donné pourtant perdant, il y a deux années à peine. Lorsqu’à fin 2011, l’ONU s’était chargée de médiation entre la rébellion née dans le sillage des “printemps arabes”, tous les observateurs pensaient qu’il était impossible que le régime syrien se maintienne jusqu’aux élections de 2014.
La rébellion était bien plus forte quand la révolution a commencé, le mouvement pacifique important et les espoirs des populations grands. Mais, Ban Ki-moon, le SG onusien, a épuisé deux médiateurs, pour rien. Et pas des moindres, d’abord l’ex-SG de l’ONU, le Ghanéen Koffi Annan, qui a jeté l’éponge en moins d’une année face à l’intransigeance de Damas. Son successeur, Lakhdar Brahimi, spécialiste de missions de paix impossibles, lui est allé jusqu’au bout de sa médiation, démontrant à l’opinion internationale la détermination de Bachar al-Assad et de son clan de ne rien lâcher quitte à massacrer les civils syriens à plus grande échelle.
L’ambassadeur algérien a rendu public les blocages de Damas et de ses soutiens étrangers et avant de tirer sa révérence, il s’est excusé auprès des populations syriennes qui continuent de payer le prix de la guerre. La facture au jour d’aujourd’hui se rapproche des 200 000 morts, des enfants et des femmes en majorité. Et les tueries ne seront pas terminées tant que subsisteront des poches de résistance, s’enorgueillisent les responsables sécuritaires à Damas. Le scrutin présidentiel, qui ne se déroule que dans les régions tenues par le pouvoir, vise, par dessus tout, à démontrer que le système Assad a remporté la guerre.
Le mince espoir donc de parvenir à une solution politique, sous le couvert des Nations unies, n’a plus raison d’être et que, par conséquent, l’opposition armée ainsi que celle politique ne seront jamais considérées comme partie prenante et donc qu’elles sont exclues définitivement des jeux politiques chez les autorités damascènes. Deux raisons essentielles pour expliquer la remontée de Bachar al-Assad que Lakhdar Brahimi avait explicitement énuméré. Un, les divisions endémiques de l’opposition et l’absence de leadership. Deux, le manque de soutien en logistique militaire de la communauté internationale pendant que l’armée de Bachar al-Assad reçoit une assistance militaire et financière de Moscou et Téhéran.
Le soutien à la rébellion de ses parrains qatari, saoudien, turc ou occidental a été pour le moins chaotique, dès que sont apparues des maquis djihadistes en Syrie. Le pays considéré comme une réplique du Liban pour sa mosaïque religieuse, devint un terrain de chasse au cœur du Moyen-Orient, pour les djihadistes de tous bords et de toutes provenances : Liban, Turquie, Irak, Arabie Saoudite, Egypte, Yémen, Libye, Tunisie, Maroc, France, Espagne, Belgique, Etats-Unis… Al-Qaïda en quête de réhabilitation a promis de réinstaurer le califat en Syrie pour la conquête du monde.
D’où, en grande partie, la désorganisation et le fractionnisme rapide dans les rangs de l’opposition politique et armée alors qu’elle avait réussi jusqu’au début de l’année à s’emparer de portions significatives du territoire, notamment dans le Nord et l’Est. Basée à Istanbul, la Coalition, qui rassemble plusieurs groupes de l’opposition, considérée comme l’un des plus importants représentants de l’opposition syrienne, n’a pas réussi à présenter un front uni à Genève II au début du printemps, comme elle a du mal à faire reconnaître sa légitimité sur le terrain.
Le Conseil national syrien (CNS), sa plus importante composante, s’est lui aussi déchiré et n’a pas assisté à la conférence internationale de paix en Suisse. Damas a ainsi pu surpasser en puissance de feu les rebelles de la Coalition syrienne, du CNS, du Conseil nationale des Kurdes, de l’Armée libre syrienne, du Conseil militaire syrien, du Front islamique, de l’armée des Moudjahidine, du Front révolutionnaire islamique, du Front al-Nosra et de l’Etat islamique d’Irak et du Levant, grâce à son aviation renouvelée par Moscou et à des combattants aguerris du Hezbollah libanais et des Pasdarans iraniens.
L’Occident, spécialement les États-Unis, s’est abstenu jusqu’à présent de fournir une assistance militaire craignant de voir tomber ces armes entre les mains des djihadistes encore très influents sur le terrain de la rébellion. Sur le terrain, le régime de Bachar al-Assad a fait état de plusieurs avancées ces derniers mois, à mesure que l’élection approchait. Il s’est abondamment enorgueilli d’avoir réussi à chasser les rebelles de la vieille ville de Homs et d’avoir brisé le siège imposé par les rebelles à la prison d’Alep. Le régime qui marqué des avancées militaire clôt avec la réélection de Bachar al-Assad le chapitre de la recherche d’une solution politique.
La tenue du scrutin qualifié de “farce” par l’opposition signifie pour celle-ci que la guerre et le bain de sang vont continuer. Encore faut-il qu’elle puisse se reconstruire… Et que la Syrie ne soit plus l’otage de la guerre Est-Ouest qui s’est profilé entre Moscou et Washington avec le conflit de l’Ukraine. Ce n’est pas demain que Poutine lâchera Bachar al-Assad.
D. B