Les trafiquants de drogue ont réorganisé leurs filières en transitant par l’Algérie après le conflit au Mali qui les a privés de leurs réseaux de passeurs. Le Mali était autrefois leur passage privilégié, à cause de la relation qui les liait aux groupes terroristes qui assuraient leur escorte.
C’est ce qu’a relevé, hier, le responsable du service de lutte contre la drogue relevant de la Police judiciaire, lors du forum organisé par la direction de la communication et des relations publiques de la Sûreté nationale à l’école de police Ali-Tounsi.
Azzedine Merazqua a présenté les nouveaux axes de l’acheminement de la cocaïne et l’héroïne transitant par le pays, en provenance de l’Afrique vers l’Asie. Ces circuits se déclinent comme suit : Côte d’Ivoire vers le Sénégal, Algérie puis Turquie. Deuxième circuit : Niger, Algérie, Qatar puis Malaisie. Troisième : Niger, Algérie, Qatar, Bangladesh. Quatrième : Niger, Algérie, Qatar, Vietnam. Cinquième circuit : Burkina-Faso, Algérie, France (Marseille). Le sixième circuit prend, en revanche, le chemin inverse puisqu’il démarre du Brésil, vers l’Espagne, l’Algérie en destination du Niger. Le mode opératoire des trafiquants de drogue a également changé, puisque la cocaïne et l’héroïne sont stockées dans l’estomac et extraites à l’arrivée par une chirurgie.
D’autres la dissimulent dans les bagages envoyés par moyen aérien. Durant les cinq premiers mois de l’année en cours, les services de police ont saisi 13 tonnes de résine de cannabis et procédé à l’interpellation de 6 336 personnes, contre 57 tonnes au terme de l’année 2012 et 11 685 personnes arrêtées.
“Les services de police ont intensifié ces derniers temps leur lutte contre la drogue, pas seulement pour ses effets nocifs pour la santé et ses répercussions sur la société, mais aussi pour la relation de ses trafiquants avec d’autres réseaux criminels et l’utilisation des émigrés clandestins africains et la région du Sahel comme lieu de passage de l’héroïne et la cocaïne”, soutient ce responsable.
La police a récupéré, en 2012, plus d’un kilo d’héroïne et 7 kilos de cocaïne. Pour ce qui est des psychotropes, le nombre des consommateurs est constamment en hausse. 160 885 comprimés ont été récupérés en 2011, 267 234 en 2012 et 422 682 durant le 1er trimestre 2013.
Quelques tentatives de culture de résine de cannabis et d’opium pour consommation personnelle ont été également localisées. Selon les estimations de ce responsable, 75 à 80% des saisies de drogue étaient destinées à sortir du territoire national. À titre indicatif, des 13 tonnes récupérés les 5 premiers mois 2013, 550 kilos uniquement étaient destinés à la consommation locale. Au chapitre prévention, le cadre de la Police judiciaire indique que 48 groupes spécialisés dans la lutte contre la drogue et relevant de la Police judiciaire sont mobilisés sur le terrain. Il a été procédé, en outre, à l’installation de deux services régionaux, l’un à Béchar et l’autre à Tamanrasset. Cela en plus du travail de sensibilisation et l’aide apporté au mouvement associatif pour atteindre les catégories vulnérables. Le président de la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (Forem) a soutenu que la quantité de résine de cannabis saisie en 2012 (57 tonnes) est exceptionnelle dans un pays non producteur de drogue.
“Cela dénote la mobilisation des différents services de sécurité contre ce fléau.”
Il pense, toutefois, que cette quantité ne représente que 10 à 30% de ce qui circule sur le marché algérien. Le chiffre réel oscille entre 1 000 et 1 500 tonnes de drogue.
Le président de la Forem indique que les trafiquants de drogue utilisent de plus en plus des enfants pour faire écouler leur marchandise “car ils savent qu’un mineur arrêté ne risque pas grand-chose”. S’agissant des enfants consommateurs, il révèle que dans 80% des cas, l’argent est fourni par la mère.
Pour le directeur de la communication et des relations publiques de la Dgsn, les chiffres donnés pendant cette rencontre reflètent le degré de mobilisation des services de police contre ce fléau et leur implication aux côtés du mouvement associatif dans la prévention. Car en sus des journées de sensibilisation, la stratégie de prévention de la Sûreté nationale repose, dit-il, sur l’accompagnement de la société civile dans ses différentes activités sur le terrain, notamment en direction des jeunes. “Cela fait partie du travail de proximité de la police”, conclut-il.
N H