Le rejet par le tribunal fédéral suisse du recours du général à la retraite, Khaled Nezzar, demandant l’invalidation de la poursuite judiciaire devant une juridiction helvétique, a vite suscité la polémique çà et là, donnant lieu à des spéculations et des extrapolations.
Ce qui ne pouvait pas, cacophonie oblige, ne pas faire perdre de vue les aspects strictement juridiques de cette affaire, que les avocats de Nezzar, moins enclins aux élans passionnés, n’ont pas manqué de noter, de répertorier et d’exprimer dans le document de réplique qui fut adressé, en réponse à la décision de justice helvétique. Tout, en effet, semble indiquait, y compris le recours singulier à une terminologie subjectiviste parsemant le document suisse, que, par trop tenté par un procès politique de portée internationale, le tribunal fédéral suisse ait cédé à une tendance excessive à l’interprétation, poussant à l’extrême élasticité de certaines dispositions afin de conclure par une décision que, paradoxalement, tous les arguments forcés invoqués dans le texte, démentent et contribuent à récuser. Résultat de cette approche approximative : le droit suisse prend le pas sur le droit international, dénie l’immunité à un ancien chef d’Etat et établit de manière complaisante, des liens anachroniques entre des faits historiques et des situations ultérieures, des liens qui ne survivent pas à l’absence de rétroactivité et qui, de ce fait, ne permettent pas d’occulter – le tribunal fédéral suisse le fait- l’incompétence du tribunal suisse dans cette affaire. Malgré la compétence avérée des avocats du recourant Khaled Nezzar, il ne semble pas, au vu des lacunes décelées dans les motifs de la décision de justice, que ces derniers aient eu besoin de déployer leur génie pour battre en brèche les arguments juridiques invoqués par le tribunal suisse, le document portant décision de rejet du recours de Nezzar étant, lui-même, infesté de points qui sont autant de contre-arguments qui ruinent, juridiquement, la décision de justice en question. Même si on écarte la possibilité de la tenue d’un tel procès, il faut dire que s’il avait lieu, les avocats de Nezzar n’auraient aucun mal à démolir l’accusation, eux qui entendent bien démontrer que leur client n’était plus, depuis longtemps, en exercice au moment où les faits recensés par les parties plaignantes lui sont attribués. Dès lors qu’il a dénié au recourant, qui n’est autre qu’un ancien homme d’Etat, toute immunité sur la base d’interprétations du droit international, le tribunal fédéral suisse qui s’est déclaré compétent en matière de crimes contre l’humanité en janvier 2011, interpelle, par cette décision, sur des questions de fond et l’on est en droit de s’interroger sur le sort qu’il fait de principes mêmes dont le droit international est garant, à savoir les questions de compétence universelle, de l’exception d’immunité et de la non-ingérence dans les affaires intérieures d’un pays souverain. Un pays qui a instauré, en 2005, une loi sur la réconciliation nationale qui a défini le cadre juridique dans lequel doivent être sanctionnés les crimes commis dans les années de braise ; ce qui fournit, semble-t-il, au tribunal suisse une raison pour juger l’affaire, du fait que la compétence universelle peut s’exercer lorsque la juridiction initialement compétente, en l’occurrence l’Algérie, n’est pas en mesure de le faire. Cet argument pâtit de sa fragilité face à des contre-arguments irréfragables dont le tribunal fédéral suisse semble avoir fait fi en vue de se ménager une voie royale vers la levée de l’immunité qui se trouve au cœur de toute cette démarche politico-juridique étriquée. Quant aux contre-arguments, c’est l’absence de lien étroit avec la Suisse des plaignants au moment des faits recensés, qui ne sont naturalisés suisses que récemment et dont la rétroactivité de la nationalité et de la territorialité ne peut être évoquée, et du recourant Khaled Nezzar qui n’a aucun lien avec la Suisse, n’étaient des raisons de santé qui l’ont conduit à Genève pour des soins ponctuels. La position de la défense de Khaled Nezzar n’a pas tort de se situer en amont de ce qui peut être qualifié, à juste titre, de démarche judiciaire faussée. En amont au sens où elle établit de fait l’incompétence du tribunal fédéral suisse au nom de trois valeurs que le barreau suisse fait siennes et qui n’ont pas été respectées dans ce cas de figure, à savoir : la présence de la personne incriminée sur le territoire suisse, la conviction quant à l’impossibilité de l’extrader ou de la livrer à un tribunal international et l’existence d’un lien étroit avec la Confédération. Ce sont là autant de points de détails de taille qui ont le mérite d’apporter des éclairages sur ce procès, et qui prouvent au besoin que celui-ci n’a aucun avenir juridique honorable, si ce n’est qu’il sera voué, s’il perdure, à surfer davantage sur le politique en empruntant la voie de la manipulation des opinions nationales et internationales. Mais dans ce contexte de violences commanditées, qui est encore dupe de ce genre de machination ?