La situation s’est dégradée au port d’Alger, Une enceinte abandonnée par les pouvoirs publics

La situation s’est dégradée au port d’Alger, Une enceinte abandonnée par les pouvoirs publics

Équipements insuffisants, manque d’espaces, scanner en panne, procédures lourdes en matière d’enlèvement des marchandises, corruption… autant de maux dont souffre le port d’Alger, dans l’indifférence générale.

Celui qui visite le port d’Alger sera fort étonné par la grande pagaille qui règne dans son enceinte. Nulle part ailleurs, ni au Maroc ni en Tunisie, on ne retrouve pareille situation. Pour enlever sa marchandise, il faudra en moyenne 30 jours, contre 2 à 3 jours dans les ports tunisiens et marocains. “Pour décharger un bateau contenant par exemple 1 000 conteneurs, il faut six heures dans le port de Barcelone, six jours dans le port d’Alger”, confie un cadre spécialisé dans le transport maritime. On continue toujours à chercher difficilement son conteneur après une visite d’un inspecteur ou un long séjour de la marchandise, faute d’un système moderne de géolocalisation.

La même source indique que la situation est catastrophique en matière d’équipements, précisément en matière de manutention. L’Epal, la société publique qui gère le port d’Alger, manque de staekers, de clarks. “Un bateau est resté deux jours à quai à attendre 2 clarks”, ajoute-t-il.

L’Epal a acheté, début des années 2000, six nouveaux staekers. Un an et demi, ils avaient l’impression d’avoir vingt ans à cause des gros trous, des nids-de-poule faute d’espaces bien goudronnées au port d’Alger. Un exemple cité de cette mauvaise gestion du port d’Alger.

La situation s’est dégradée avec le retour du monopole de l’Epal sur la manutention. Le privé, qui détenait d’importants moyens, se trouve aujourd’hui exclue de cette activité. Au lieu de lui fixer un cahier des charges strict et le contrôler, on a préféré confier à l’Epal le monopole de l’activité. Du coup, l’Epal n’arrive plus à traiter l’important flux de marchandises qui transite par le port d’Alger. Du coup, les délais d’enlèvement des marchandises se sont allongés, occasionnant d’énormes surcoûts.

Au moins, une dizaine de bateaux reste en rade tout au long de l’année. De ce fait, les surestaries, ces frais financiers occasionnées par les longs séjours des bateaux en rade, sont énormes.

Les armateurs étrangers CMA-CGM, Maersk et MSC, qui dominent le marché algérien, intègrent les conditions difficiles de traitement des marchandises dans les ports algériens dans le coût du fret. C’est pourquoi le coût du fret imposé aux importateurs algériens est nettement supérieur à celui pratiqué au Maroc ou en Tunisie.

Les ménages paient les produits plus de 20% plus chers à cause des surcoûts dans les ports.

La principale victime de cette situation est le consommateur algérien. Les importateurs ne font que répercuter ces surcoûts sur le prix final payé par les ménages. “Les consommateurs algériens paient le produit plus de 20% plus cher à cause de ces surcoûts dans les ports”, estime un expert spécialisé dans le transport maritime.

Le port est également paralysé par les fréquentes pannes du scanner de l’Epal. “Le scanner de l’Epal est toujours en panne”, confie un agent maritime. Il est insuffisant, inadapté à l’important flux de marchandises que traite le port d’Alger.

Les scanners mobiles des douanes, eux, ne permettent que des contrôles ciblés. Ils ne sont pas conçus pour les contrôles systématiques de marchandises. Conséquence de cette situation : les opérations d’enlèvement des marchandises sont bloquées. Les délais de séjour des conteneurs s’allongent. Et les frais d’entreposage et de stockage ne font qu’augmenter.

Les solutions à cette situation existent. Équiper le port de moyens de manutention suffisants, investir dans de nouveaux espaces sur la mer ou sur des installations industrielles rasées, simplifier les procédures de dédouanement, instaurer la transparence, guichet unique, autant de remèdes proposés depuis plus de vingt ans, sans qu’aucune mesure soit mise en œuvre sur le terrain. La délocalisation du port d’Alger est également programmée au profit d’un nouveau grand port au centre.

L’inertie règne dans le domaine. L’Algérie perd en compétitivité. Mais aucun responsable n’ose mettre le pied dans la fourmilière.

Mais “le port d’Alger, c’est comme la 3G, on ne voit pas encore le bout du tunnel”, ironise un autre agent maritime. “Il faudra peut-être que Tanger Med devienne le premier port algérien pour que nos gouvernants réagissent. Il sera sans doute trop tard.”

K. R