L’affaire de l’enlèvement du bébé a mis en évidence les graves défaillances qui caractérisent la gestion de l’hôpital. Les médecins posent aujourd’hui le problème de la sécurité et s’organisent pour faire en sorte que la direction ne fuie pas ses responsabilités.
Les médecins résidents menacent d’une grève illimitée et comptent se réunir bientôt en assemblée pour créer un bureau qui puisse les représenter devant l’administration, nous ont révélé ces derniers en marge d’un sit-in observé hier, au CHU de Constantine. Les médecins craignent, en effet, d’être lésés dans leurs droits notamment après avoir appris que le directeur du CHU aurait, selon des sources hospitalières, porté plainte devant le tribunal administratif, pour négligence professionnelle, contre le staff médical qui était de garde le jour de l’enlèvement du bébé Leith.
Mais la goutte qui a fait déborder le vase est que le directeur de garde du CHU a obligé le médecin pédiatre qui était de garde avant-hier (samedi), à se déplacer jusqu’au domicile des parents du bébé, pour une simple consultation. En sa qualité de médecin de garde dans l’enceinte de l’hôpital, cette dernière n’a pas le droit de quitter son poste. “Si quoi que ce soit était arrivé en son absence, elle serait la seule à assumer la responsabilité, même si l’ordre est venu d’en haut”, nous a affirmé une de ses collègues.
Pourtant, on aurait cru que les événements qui ont ébranlé ces dernières semaines le CHU Ibn Badis ne pouvaient laisser indifférents les pouvoirs publics. D’autant plus que le personnel médical n’a eu de cesse de dénoncer les conditions précaires dans lesquelles il exerce depuis plusieurs années, l’insécurité notamment. À travers ce énième mouvement – trois depuis le début de l’année – les protestataires, ralliés dans leur mouvement par les sages-femmes et les infirmières, ne comptent pas baisser les bras. Ils revendiquent l’amélioration des conditions de travail, mais réclament la fin du climat d’“injustice”, disent-ils, à laquelle font face leurs collègues dans la “désormais” affaire de l’enlèvement du bébé Leith.

“Notre rôle est de procurer une prise en charge médicale aux patients et non de faire l’agent de police”, nous dira l’un des médecins que nous avons rencontré sur les lieux. “La sécurité relève des prérogatives de l’administration, pourtant, nous ne cessons de le décrier depuis des années mais rien n’a été fait”, renchérit une autre. Mais depuis que l’affaire de l’enlèvement du bébé a éclaté, cinq agents de sécurité ont été placés à l’entrée de la maternité. Tout le personnel du CHU, quant à lui, est obligé de porter un badge.
Preuve que l’administration pouvait prendre ces dispositions – indispensables – bien avant. Sauf qu’il y a un autre point noir dans cette affaire et qui mérite d’être relevé. Il s’agit de l’un des accusés principaux. Ce dernier, bien qu’il ait des antécédents judiciaires relatifs notamment à des vols de médicaments, occupait le poste d’“agent de sécurité” ! Comment l’administration du CHU a-t-elle validé le recrutement du mis en cause, sans vérifier son pedigree ? Car de l’avis du staff médical, rien de tout cela ne serait peut-être, arrivé si l’administration n’avait pas failli dans sa gestion.
Pour rappel, dix personnes impliquées dans l’affaire de l’enlèvement du bébé Leith de la maternité du CHU Ibn Badis, le 27 mai dernier, ont été placées mardi dernier, en détention provisoire. Il s’agit de deux accusés principaux, à savoir le couple chez qui le bébé a été retrouvé, une sage-femme, deux infirmières, deux coursiers, un agent de sécurité et une femme de ménage ainsi que d’un intermédiaire. Quatre autres personnes : des infirmières contre lesquelles les mêmes accusations ont été retenues, ont été placées sous contrôle judiciaire.
En outre, le procureur de la République a décidé de mettre trois autres personnes en liberté provisoire. Les chefs d’accusation retenus sont association de malfaiteurs dans l’objectif de commettre un crime, enlèvement d’un mineur, falsification de documents officiels, complicité, corruption et négligence. Concernant les témoins, dont le nombre dépasserait une centaine, le procureur a décidé de leur remettre des convocations pour les entendre à partir d’aujourd’hui. D’autres le seront au mois de septembre prochain.
S. B./L. N.