Est-il concevable dans un pays qui se respecte que les députés bénéficient d’un congé de deux mois quand, à plus forte raison, les problèmes socio-économiques des citoyens sont légion?
La session d’automne du Parlement sera ouverte demain, 3 septembre, dans un contexte politique délétère. A la veille de la rentrée sociale, l’Algérie donne l’impression de naviguer à vue.
Le pays est plongé dans une léthargie totale, résultat paradoxalement, des élections législatives du 10 mai dernier, à la veille desquelles le changement a été promis. Mais à la place du changement, on continue de gérer le statu quo. Ce qui fera dire à des observateurs que cette reprise parlementaire est un non-événement.
Les nouveaux députés, en «congé» depuis le 2 juillet dernier, vont-ils rejoindre l’assemblée pour poursuivre l’hibernation? Car, rien ne dit, jusqu’à preuve du contraire, qu’ils vont s’employer à exercer leurs prérogatives et assumer les missions pour lesquelles ils sont élus et installés.
Hier, soit à 48 h de l’ouverture de la session d’automne, les locataires de la chambre basse du Parlement ne se bousculent pas à l’APN pour préparer cette reprise. Ils sont toujours confinés dans leur tour à considérer combien est commode le statut dont ils bénéficient depuis le 10 mai 2012. Autant dire que la reprise de demain ne sera pour eux qu’une séance alternée d’hibernation et de bâillements qui durera le temps d’une session.
Quant aux problèmes des citoyens, ils peuvent attendre. D’ailleurs, les députés ne s’en soucient guère. Est-il concevable dans un pays qui se respecte que les députés bénéficient d’un congé de deux mois quand, à plus forte raison, les problèmes socio-économiques des citoyens sont légion?
Un article du statut des députés stipule que ces derniers sont obligés «d’être fidèles au mandat du peuple et de demeurer à l’écoute permanente de ses aspirations».
Or, combien de parlementaires le sont-ils réellement? Combien de députés ont ouvert des permanences dans leurs circonscriptions respectives et engagé des secrétaires? Durant ces deux derniers mois, les Algériens ont vécu au rythme des coupures d’électricité, des flambées injustifiées des prix des produits de large consommation et de manifestations quotidiennes.
Les parlementaires n’étaient pas à l’écoute des citoyens. Ils ont manqué une opportunité de se faire une crédibilité.
Les députés peuvent aussi interpeller le gouvernement sur des questions d’actualité. L’une de leurs missions est aussi le contrôle de l’action du gouvernement.
Pour remplir leur mandat, ils bénéficient de l’immunité parlementaire.
L’article 109 de la Constitution édicte qu’ «ils ne peuvent faire l’objet de poursuite, d’arrestation ou en général de toute action civile ou pénale ou pression, en raison des opinions qu’ils ont exprimées, des propos qu’ils ont tenus ou des votes qu’ils ont émis dans l’exercice de leur mandat».
Mais de toutes ces largesses, les députés semblent ne vouloir profiter que des avantages matériels. Etant auxiliaires du pouvoir exécutif, ils se complaisent dans leur rôle de petits fonctionnaires, grassement rémunérés. Mais encore faut-il qu’il y ait un gouvernement. Car, à cette assemblée inerte, il faut ajouter la paralysie du gouvernement qui fonctionne avec sept ministres intérimaires depuis les dernières élections législatives.
Le changement promis aux Algériens doit donc attendre. Les promesses sont avérées n’être que de la poudre aux yeux et les Algériens ne savent plus à quel saint se vouer. En mal de légitimité, l’actuelle assemblée risque d’être une copie conforme de celle qui l’a précédée: une chambre d’enregistrement et de repos. La composante étant la même, il serait laborieux de prêter aux nouveaux députés, du moins à la majorité, toute volonté d’engager un sursaut de dignité.
Ne dit-on pas que les peuples ont les dirigeants qu’ils méritent, il faut aussi dire qu’ils ont les députés qu’ils ont «élus».
Cela se passe alors que la société, pour reprendre le politologue Rachid Grim qui s’exprimait récemment sur le journal électronique Algérie Express, est au bord de l’explosion pour toutes sortes de raisons: raisons économiques avec un profond malaise dans les entreprises publiques et privées, complètement prises dans un étau bureaucratique qui les empêche de se développer, et parfois même de survivre. Et aussi et surtout, ajoute le politologue, une vision étriquée du développement économique par un système qui se contente de vivre sur la rente pétrolière qu’il continue de gérer pour ses seuls intérêts.