La sécurité nationale de l’Algérie et la région du Sahel

La sécurité nationale de l’Algérie et la région du Sahel

Américains et Français, entre complicité et opposition

Les Américains et les Français se sont partagé les rôles, affirme un spécialiste en relations internationales. Un avis que ne partage pas un connaisseur de la politique extérieure américaine.

Les États-Unis et la France sont-ils partenaires ou en opposition en ce qui concerne la région du Sahel ? Une question qui a été longuement débattue lors de la conférence-débat organisée hier au centre d’études du quotidien Echaab. Autour du modérateur habitué des lieux, le docteur Mhand Berkouk, président du centre Echaâb des études stratégiques, il y avait son frère, Salem Berkouk, également docteur d’État en relations internationales, ainsi que le professeur Salah Saoud, enseignant au département des sciences politiques de l’université d’Alger.

Ce dernier, premier à intervenir, a insisté sur l’existence entre les grandes puissances “d’une organisation unifiée concernant une stratégie globale touchant la région du Sahel”. Selon lui, les Américains et les Français se sont départagé les rôles. Un avis que ne partage pas le docteur Salem Berkouk, spécialiste en politique américaine, “il y a une concurrence et une course entre les deux pays sur la région du Sahel”.

Il affirmera ainsi que la politique d’endiguement (le fameux “containment” claironné par tous les secrétaires d’État américains) appliquée lors de la guerre froide s’est transformée en “siyassate el istibakiya” (politique de concurrence effrénée). Selon lui, Obama, à l’instar de ses prédécesseurs à la Maison-Blanche, fait et fera tout pour avoir plus de pouvoir sur la bande sahélo-saharienne.

L’hégémonie française sur les pays de la région, en tant qu’ancienne puissance colonisatrice, serait ainsi loin d’être déterminante dans la répartition des rôles. Pour appuyer sa thèse, le docteur S. Berkouk rappellera que dès l’investiture de Barack Obama, Sarkozy avait déclaré qu’il était un pro-américain “à vous maintenant de conclure qui dépend de qui !”.

Le rôle de l’Algérie au Sahel a été également abordé lors de cette rencontre. Sur ce point tous, que ce soit les conférenciers ou les intervenants parmi l’assistance, se sont mis d’accord pour affirmer que la politique appliquée par les dirigeants algériens a été “positive”.

Salem Berkouk ne pouvait cacher son “enthousiasme” sur ce sujet : “L’Algérie a su comment s’investir au Sahel et son image s’est beaucoup améliorée, que ce soit chez les Américains ou chez les Européens.” Tout en étant d’accord, le professeur Saoud s’est voulu plus explicite en revenant à la situation des pays frontaliers. Il mettra l’accent sur le “pseudo-désaccord” entre la Mauritanie et la France : “Il y a une différence entre les paroles et les actes, et il faut savoir que la coopération militaire entre les deux pays s’est plutôt renforcée depuis l’investiture de Mohamed Ould Abdel Aziz, élu en juillet dernier.” Le conférencier a déclaré que “la sécurité nationale ne viendra pas de l’étranger, mais de l’intérieur du pays” avant d’aborder la peu reluisante situation, selon lui, que l’Algérie subit : “les pays du Sahel, et même les grandes puissances, n’hésitent pas à faire du chantage en nous demandant de les aider sinon, ils vont se transformer en un terrain propice au terrorisme.”

Cependant, le débat n’est pas allé au fond des questions d’actualité. Pourtant, un intervenant avait lancé l’hameçon en se demandant s’il n’y aurait pas de parallèle entre les enlèvements d’étrangers dans les pays du Sahel et une concurrence entre les Américains et les Français. Les derniers événements semblent pourtant donner raison aux défenseurs de cette thèse. Le jour même où le général William E. Ward, commandant du commandement militaire américain pour l’Afrique (Africom), est reçu par le président Bouteflika à Alger, un Français a été enlevé au nord du Mali.

Quatre jours après, c’est au tour de trois Espagnols, membres de l’ONG Action solidaire de Barcelone, d’être enlevés en Mauritanie. Pour plusieurs analystes, c’est l’une des expressions de cette concurrence. Faut- il aussi revenir sur la proposition algérienne à l’ONU pour sanctionner les pays qui payent les rançons ! C’est dire que la région du Sahel englobe tellement d’angles qu’il faut voir en chaque action une… réaction à une autre.