La santé, parent pauvre de la campagne

La santé, parent pauvre de la campagne

Les futurs représentants du peuple devraient, en principe, accorder un intérêt particulier à cette sensible question en apportant leurs contributions.

Le secteur de la santé n’est que laconiquement abordé par les partis politiques depuis le début de la campagne électorale. Le domaine de la santé demeure le parent pauvre de cette joute pour le scrutin du 4 mai prochain. La nouvelle politique sanitaire et les réformes attendues n’occupent pas une place conséquente dans les programmes électoraux des candidats. Or, le secteur a besoin maintenant et plus que jamais d’une sérieuse prise en charge à travers une véritable refonte. Les futurs représentants du peuple devraient, en principe, accorder un intérêt particulier à cette sensible question en apportant leurs contributions. Ce n’est pas le cas, du moins, durant les deux premières semaines de la campagne. Pourtant, certaines formations politiques abordent clairement le sujet dans leurs différents programmes.

C’est le cas du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) qui propose une “politique sanitaire visant en priorité les besoins réels de la  population, au moyen d’une mobilisation effective des partenaires de la santé, de la société civile et du secteur privé, et ce, dans le cadre des principes de bonne gouvernance et de décentralisation des décisions techniques et administratives”.

Les systèmes de santé doivent être audités, estime le parti, par des professionnels du secteur afin de “repérer les discordances fréquentes, de présenter des éléments de bonne pratique et d’établir des politiques, des stratégies et des plans sanitaires nationaux adaptés”. Les soins de base, la prévention et la notion du service public doivent être, souligne le RCD, à la charge de l’État. Pour les populations les plus vulnérables, la gratuité doit être effective, suggère le Rassemblement, qui insiste également sur la rationalisation de l’usage des ressources.

L’industrie pharmaceutique nationale est, selon la formation de Mohcine Belabbas, à renforcer, en encourageant la production des génériques. Le Front des forces socialistes (FFS) promet, quant à lui, d’asseoir une “sécurité sociale intégrale” et un “système social plus juste”, créateur d’emplois et plus favorable aux couches défavorisées. Pour sa part, le Front de libération nationale (FLN) s’engage à “développer et à moderniser le secteur, en s’appuyant sur la réforme des mécanismes de financement du système de santé, la révision de la gestion des structures, l’établissement d’une carte nationale, la coordination et la complémentarité entre les secteurs public et privé et, enfin, la moralisation des activités médicale et paramédicale”, précise-t-on dans le programme électoral de l’ex-parti unique. Le Rassemblement national démocratique (RND) s’engage, de son côté, à militer pour que la politique de santé menée jusque-là “gagne en efficacité et en rationalité, à travers la mise en place de la réforme hospitalière pour améliorer la gestion, l’entretien et l’équipement des infrastructures de santé publique”. Le RND plaide pour le “renforcement de la prise en charge des cancéreux, de la formation des personnels paramédicaux et enfin, la mise en place d’un régime plus incitatif au profit des médecins spécialistes activant à l’intérieur du pays”. Le programme inhérent à la santé consiste, pour le Mouvement populaire algérien (MPA) d’Amara Benyounès, à “généraliser et à activer le système de la Sécurité sociale et en la mise en place d’un système de santé équitable et diversifié, tout en insistant sur le développement de l’industrie pharmaceutique dont la production des génériques”.

Cependant, les observateurs très au fait de la situation de la santé dans notre pays relèvent que la question n’est pas traitée en profondeur par les partis politiques et mettent en exergue plusieurs dysfonctionnements. Le président du Conseil de l’Ordre des médecins, le professeur Ayadi Abdelaziz, signifie clairement : “Notre santé est gravement malade et nécessite une prise en charge adéquate.”

Les problèmes évoqués succinctement !

Sceptique, il ne croit pas trop aux discours et aux promesses des postulants à la prochaine législature. “Je n’y crois pas trop. Ces élections, comme celles de 2012, n’apporteront rien”, déclare-t-il tout de go. “Nous n’avons pas vu un programme dédié à la santé digne de ce nom, présenté par les formations politiques”, relève le Pr Ayadi qui estime que les “candidats ne sont pas à la hauteur pour porter la voix des citoyens”. En termes plus clairs, le président du Conseil de l’Ordre des médecins pense que le mal est tellement profond que les prétendants à la députation ne sont pas en mesure d’apporter le remède.

Comprendre par cette phrase que le rôle de député dans la législature algérienne est limité. Leurs différentes propositions pendant leur mandat en termes de projets de loi, d’amendements de textes, d’enquêtes… n’ont jamais été prises en compte par les divers exécutifs qui se sont succédé. Leur mission consiste, au contraire, à approuver et à accorder une certaine validité aux projets de lois émanant du gouvernement. Pis, même les réponses des ministres à leurs questions orales sont, dans leur globalité, peu convaincantes, voire inopportunes.

Pour sa part, le Pr Mohamed Bekkat Berkani, de l’Ordre des médecins, qualifie ces programmes de “superficiels car les contraintes du secteur n’y ont pas été évoquées en profondeur”. À propos du financement du système de santé, il constate que la classe politique a “peu abordé la question alors que cet aspect en est la pierre angulaire”. Pour lui, il est primordial de “réviser les méthodes actuellement en vigueur, basées essentiellement sur le recours au budget de l’État et à la contribution forfaitaire de la Cnas”. Le Pr Ayadi appelle à une mobilisation générale de tous les intervenants, dont les professionnels, les administrateurs, les syndicats et les consommateurs, pour lancer une réflexion qui apportera des solutions à cette épineuse problématique que vit le secteur de la santé en Algérie. Pour cela, la volonté politique, affirme-t-il, doit être affichée d’abord en haut lieu. Cette espèce de “zapping” dont fait l’objet actuellement le secteur de la part des candidats ne peut en aucun cas cacher la triste réalité vécue par les établissements et l’amertume qu’expriment les malades dans les diverses contrées du pays.

Les structures de santé font face à de multiples contraintes liées à leur fonctionnement dues à un manque de vision prospective du staff dirigeant. En dépit des budgets colossaux alloués pour l’équipement médical et les matériels d’exploitation, les résultats en matière de soins des patients demeurent médiocres. Le personnel soignant, lui-même, n’accomplit pas convenablement sa mission par manque de motivation et d’absence d’une organisation efficiente. Le Pr Berkani  avoue que les débats de cette campagne devraient aborder les solutions aux maladies chroniques qui font des ravages au sein de la population et de définir une vraie politique de santé préventive. Il faut s’attaquer, suggère-t-il, en priorité aux maladies chroniques dont le cancer et le diabète qui touchent des millions d’Algériens. Une priorité doit être accordée, en outre, aux malades en quête d’une séance de chimiothérapie ou de radiothérapie, ballottés souvent entre les établissements et parcourant parfois des milliers de kilomètres. Une chose est certaine, la future législature est

appelée à redonner espoir au malade algérien. Aura-t-elle cette capacité ? Difficile d’y répondre par la positive…