La Russie et la Chine mettent leur veto à la résolution sur la Syrie

La Russie et la Chine mettent leur veto à la résolution sur la Syrie

Colère et impuissance à l’ONU. La Russie et la Chine ont usé samedi de leur droit de veto en tant que membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU pour bloquer l’adoption d’une résolution sur la Syrie, qui soutenait le plan de paix de la Ligue arabe prévoyant le départ du président Bachar el-Assad.

Ce double veto est intervenu alors même que sur le terrain, l’opposition syrienne faisait état de la mort dans la nuit de plus de 200 personnes tuées par les forces gouvernementales à Homs. Un nouveau massacre qualifié de « crime contre l’humanité » par le chef de la diplomatie française Alain Juppé.

Les 13 autres membres du Conseil se sont tous prononcés en faveur de ce texte, qui avait pour objectif de mettre fin à la répression en cours en Syrie.

Le veto russo-chinois faisait suite à des journées de tractations afin de tenter de surmonter l’opposition de Moscou au projet de résolution, les Russes exigeant que les amendements qu’ils présentaient y soient inclus, et réclamant un délai avant le vote.

Mais, dès avant le début de l’exceptionnelle séance de week-end, qui s’est déroulée à huis-clos, plusieurs ambassadeurs européens avaient dit s’être sentis contraints d’appeler au vote dès samedi, face à l’escalade dans la répression, le récent massacre de Homs renforçant encore le sentiment d’urgence.

Le Conseil de sécurité s’est retrouvé en effet alors que la ville de Homs (centre de la Syrie) venait d’être le théâtre d’un des épisodes les plus sanglants depuis le début du soulèvement il y a 11 mois. Selon l’opposition au régime, plus de 200 personnes y ont en effet été tuées par les tirs des forces de Damas dans la nuit de vendredi à samedi.

« C’est un triste jour pour ce Conseil, un triste jour pour les Syriens et un triste jour pour tous les amis de la démocratie », a déploré l’ambassadeur de France Gérard Araud après le vote. Sa collègue américaine Susan Rice a renchéri en faisant part de « l’écoeurement » de Washington.

« Depuis des mois ce Conseil est pris en otage par un couple de ses membres », a-t-elle tonné. « Cette intransigeance est d’autant plus honteuse qu’au moins l’un de ces membres au moins continue de livrer des armes à Assad », a-t-elle ajouté, référence à la Russie, un des principaux fournisseurs d’armes de la Syrie.

Moscou et Pékin « se sont faits les complices d’une politique de répression menée par le régime Assad », a ajouté Gérard Araud. Son homologue marocain, Mohammed Loulichki, un des principaux sponsors de la résolution, a expliqué aux journalistes que son pays était « frustré et triste » de ce résultat. Mais le projet reste sur la table, a-t-il souligné, disant espérer encore qu’un consensus pourrait se dégager, pour un autre vote plus tard.

« Aujourd’hui, le Conseil de sécurité a échoué à se montrer à la hauteur de ses responsabilités », a ajouté l’ambassadeur d’Allemagne Peter Wittig. « La population syrienne a été trahie une fois de plus ».

L’ambassadeur russe Vitaly Tchourkine a quant à lui reproché aux autres membres du Conseil leur inflexibilité, estimant que la version du texte présentée au vote samedi « ne reflétait pas correctement la réalité de la situation en Syrie » et déplorant que les amendements proposés par son pays aient été ignorés.

A Paris, le président français Nicolas Sarkozy a « déploré vivement » cet échec, et dénoncé une nouvelle fois, dans un communiqué diffusé par l’Elysée, « l’usage massif de la force armée contre des civils, le recours généralisé à la torture, les violences exercées contre des centaines d’enfants ». « Les États qui empêchent le Conseil de sécurité de condamner ces actes encouragent le régime syrien à persévérer dans sa politique cruelle et sans issue », a jugé Nicolas Sarkozy.

« La France ne se résigne pas », poursuit le communiqué: Paris « se concerte avec ses partenaires européens et arabes afin de créer un ‘Groupe des Amis du peuple syrien’ qui aura pour objectif d’apporter tout l’appui de la communauté internationale à la mise en uvre de l’initiative de la Ligue Arabe ».

Un peu plus tôt samedi, le chef de la diplomatie russe Serguéi Lavrov, qui s’exprimait au cours d’une conférence sur la sécurité à Munich (Allemagne), avait dit voir encore deux écueils d’ »importance cruciale » dans le projet de résolution tel que présenté par les Arabes et soutenu par les Européens: pas assez d’exigences envers les groupes armés anti-gouvernementaux, et la crainte que cela pourrait mettre à mal un futur dialogue national entre différentes forces politiques en Syrie.

Selon les médias russes, Lavrov et le patron du renseignement extérieur russe, Mikhail Fradkov, devaient désormais rencontrer Assad à Damas mardi.

Toujours à Munich, selon un haut responsable du département d’Etat, la cheffe de la diplomatie Hillary Rodham Clinton avait rencontré Lavrov en marge de cette conférence samedi pour tenter une ultime fois de le convaincre de renoncer au veto. La discussion a été « très vigoureuse » mais le Russe n’a pas cédé d’un pouce.

Moscou et Pékin avaient une première fois usé de leur droit de veto, à l’automne, bloquant l’adoption d’une précédente résolution condamnant Damas. AP

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