« La Ruse de Dieu » de Mohamed Benchicou interdit en Algérie : Khalida Toumi, ministre de la Culture et de la… censure

« La Ruse de Dieu » de Mohamed Benchicou interdit en Algérie : Khalida Toumi, ministre de la Culture et de la… censure

Et de quatre. Le dernier roman du Mohamed Benchicou, directeur du quotidien Le Matin suspendu depuis 2004, « La Ruse de Dieu », a fait l’objet d’une censure de la part des autorités algériennes.

L’ouvrage qui paraitra en France et au Canada le 5 mai prochain, sous le titre « Le Mensonge de Dieu » *, n’est donc pas autorisé à la publication en Algérie. C’est le quatrième ouvrage de M. Benchicou a subir les foudres de la censure ordonnée par le ministère algérien de la Culture.

« La ministre de la Culture, Mme Khalida Toumi, a donné instruction pour ne pas octroyer le numéro ISBN ainsi que le dépôt légal à la maison d’édition Koukou, confirme Mohamed Benichou à DNA. C’est une procédure totalement illégale. Nous avons à faire à un état policier qui veut régenter les créations artistiques. Cette manière d’agir viole l’article 38 de la constitution qui garantit la liberté de création intellectuelle et assujettit la mise sous séquestre de toute publication, enregistrement ou tout autre moyen de communication et d’information, à mandat judiciaire ».

La maison d’édition Koukou, créée par le journaliste Arezki Ait Larbi, a introduit le 19 janvier dernier une demande, accompagné d’un résumé et de la biographie de l’auteur, auprès du directeur de la bibliothèque nationale (BN) pour obtenir la délivrance du numéro ISNB pour le roman de Mohamed Benchicou.

LG Algérie

Peu de temps après, la direction de la bibliothèque nationale envoie une correspondance à la maison d’édition Koukou pour réclamer un exemplaire de l’ouvrage de Benchicou.

Pour Arezki Ait Larbi, cette demande de la part de la direction de la BN est tout simplement illégale. « C’est un acte de censure, affirme M. Ait Larbi à DNA. La délivrance du numéro ISBN, simple formalité administrative, est devenue un instrument de contrôle de la création. Seule la justice est en mesure d’interdire un ouvrage. J’ai adressé une lettre au directeur de la BN dans laquelle je dénonce cet acte de censure. »

La maison d’édition Koukou a obtenu les numéros ISBN pour deux ouvrages, « Le Meunier, les moines et le bandit », de Fanny Colonna, et « Les années noires du journalisme en Algérie » de Brahim Hadj –Slimane, mais pas pour « La Ruse de Dieu » de Mohamed Benchicou.

L’éditeur a donc adressé le 20 février dernier une lettre au directeur de la BN pour lui faire part de réprobation face à ces procédés qui cachent mal une volonté de censurer un roman. Extrait de la lettre dont DNA a obtenu une copie.

« En exigeant, verbalement, un exemplaire de chaque ouvrage AVANT publication à des fins de censure, vous outrepassez vos prérogatives, tout en prenant la précaution de ne pas laisser de trace écrite d’un acte que vous savez illégal.

Vous n’ignorez sans doute pas que la censure d’une œuvre de création intellectuelle relève des prérogatives exclusives de l’autorité judiciaire. (…) Vous substituer au magistrat dans un acte aussi grave relèverait, par conséquent, d’une inacceptable usurpation de fonction, punie par le Code pénal. »

Cette nouvelle interdiction intervient la veille de la célébration de la journée internationale de la presse, mardi 3 mai. Dans un communiqué rendu public lundi 02 mai, Mohamed Benchicou dénonce l’interdiction de son roman et accuse la ministre de la Culture de se substituer à la justice.

« A l’heure où la parole se libère partout dans le Maghreb et dans le monde arabe, le régime algérien, vient de légaliser la censure en transformant une formalité administrative en « autorisation de paraître ». L’Algérie devient le seul pays dans le monde à utiliser la délivrance du numéro d’ISBN, simple enregistrement dévolu à la Bibliothèque nationale pour immatriculer les ouvrages afin d’en faciliter la gestion par les professionnels, en « permission d’éditer », écrit Benchicou dans son communiqué.

Aussi, il a saisi « les instances nationales (Syndicat des éditeurs du livre, SNJ…) et internationales (Unesco, Organisation mondiale des écrivains, presse internationale…) à propos de cette nouvelle censure d’un autre temps décidée à la veille de la célébration de la Journée internationale de la liberté d’expression, par un régime qui se pique de vouloir des « réformes profondes ».

C’est le quatrième livre de Mohamed Benchicou, auteur de « Bouteflika une imposture algérienne », à faire l’objet d’une interdiction de la part du ministère de la Culture. En octobre 2008, « Journal d’un homme libre » du même auteur a été bloqué à l’imprimerie et interdit de parution alors qu’il avait déjà obtenu le numéro ISBN délivré par la bibliothèque nationale, à l’époque dirigée par l’écrivain Amine Zaoui.

Celui-ci a d’ailleurs fait les frais de la colère de la ministère de la Culture, Mme Khalida Toumi, qui a réclamé et obtenu sa tête auprès de la présidence de la république. Mme la ministre n’ayant pas supporté qu’Amine Zaoui ait délivré le quitus à « Journal d’un homme libre », elle s’est donc chargée de le dézinguer de son poste.

Au lendemain de son limogeage, M. Zaoui avait accusé indirectement la ministre de la Culture d’avoir monté un dossier contre lui pour le punir d’avoir délivré le fameux ISBN et d’avoir autorisé la tenue d’une conférence du poète Adonis.

« J’ai reçu dimanche, une décision de la présidence, mise en application par le ministère de la Culture, mettant fin à mes fonctions, avait indiqué à l’époque le directeur de la bibliothèque nationale. J’insiste sur le fait que ce qui a été présenté au président n’est que mensonges (…) Avec ces mensonges présentés au président, ils ont terni l’image de l’Algérie »

Décidément, la ministre de la Culture, a la dent dure contre le directeur du Matin au point de transformer en censeur de la République.

* « Le Mensonge de Dieu » devait apparaitre en Algérie sous le titre « La Ruse de Dieu »