La révolution continue en Egypte

La révolution continue en Egypte
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Malgré l’ouverture de négociations entre le régime et l’opposition, des milliers de manifestants occupent toujours la place Tahrir au Caire.

Les mesures politiques prises par le régime, dont l’amorce d’un dialogue avec les représentants des partis d’opposition, n’ont pas réussi à dissuader les manifestants au 14e jour de la contestation. Certains manifestants ont passé une nouvelle nuit sous des bâches autour de chars de l’armée qui bloquent les accès à la place Tahrir, de crainte de voir les militaires manœuvrer et laisser l’accès aux partisans du président Moubarak ou faire partir les manifestants.

Les participants au dialogue se sont mis d’accord sur «une transition pacifique du pouvoir basée sur la Constitution», et le maintien du président Moubarak à la direction du pays jusqu’à la fin de son mandat a été rejeté par l’opposition et les manifestants. Le vice-président égyptien Omar Souleimane a de son côté refusé l’appel de l’opposition à assumer les pouvoirs du président Hosni Moubarak, fortement contesté depuis près de deux semaines. Quant aux Frères musulmans, ils ont dénoncé l’insuffisance des réformes proposées. Le Premier ministre avait exclu que le président Hosni Moubarak transfère son pouvoir au vice-président Omar Souleimane, estimant qu’«iI n’y a pas de raison que le président se désiste». Dans un souci de respect de «la légalité constitutionnelle», le vice-président doit, dans une première étape, selon le Chef du gouvernement de l’ombre du parti Wafd, Ali Selmi, rendre publique une déclaration qui prévoit les mesures à prendre pour assurer une transition pacifique à la fin du mandat présidentiel, soulignant que les dispositifs constitutionnels et politiques devraient être, durant la période de transition, provisoires, jusqu’à l’élection d’un nouveau président.

Pour les anti-Moubarak, la situation actuelle en Egypte devra inciter le président à «prendre la rude décision de partir dans le calme et laisser le régime ou bien partir et prendre le régime avec lui». La gestion de la période de transition par le régime lui-même «conduira certainement à contenir la révolution en prélude de son échec», a estimé pour sa part l’enseignant universitaire Hassan Nafaâ, ex-coordinateur de l’Association nationale pour le changement présidée par l’opposant Mohamed El Baradei.

Des personnalités intellectuelles et médiatiques ont mis, dans le même sens, en évidence la nécessité d’un changement du régime et la formation d’un gouvernement national, la dissolution des conseils du peuple et de la Choura, la levée de l’état d’urgence et l’ouverture d’une enquête pour établir la responsabilité du ministère de l’Intérieur et des forces de sécurité dans la répression criminelle contre les manifestants. Elles ont également réaffirmé leur soutien absolu aux revendications du soulèvement populaire visant le départ du régime et la transition vers un véritable régime démocratique caractérisé par l’égalité sociale, la souveraineté et l’indépendance nationale.

Premier consensus pouvoir/opposition

Les participants au dialogue entre le régime égyptien et l’opposition, dont les Frères musulmans de Mohammed Badie, ont décidé de créer un comité pour préparer des amendements à la Constitution d’ici la première semaine de mars, selon le porte-parole du gouvernement, Magdi Radi. Il y a eu «consensus» sur «la formation d’un comité qui comptera le pouvoir judiciaire et un certain nombre de personnalités politiques, pour étudier et proposer des amendements constitutionnels et les amendements législatifs requis (…) avant la première semaine de mars», a annoncé M. Radi.

Les Frères musulmans ont pris part à ces discussions, de même que certains des groupes ayant participé aux manifestations depuis le 25 janvier pour obtenir le départ du président Hosni Moubarak. C’est la première fois en un demi-siècle que le pouvoir et les Frères musulmans, officiellement interdits, discutent publiquement. D’après M. Radi, les participants à la séance de dimanche se sont mis d’accord sur «une transition pacifique du pouvoir basée sur la Constitution». Leur communiqué, lu par M. Radi, propose l’ouverture d’un bureau destiné à recevoir les plaintes concernant les prisonniers politiques, la levée des restrictions imposées aux médias et le rejet de «toute ingérence étrangère dans les affaires égyptiennes». Le texte appelle aussi à la levée de l’état d’urgence, «selon la situation sécuritaire». Ces discussions interviennent après des concessions du gouvernement visant à apaiser les manifestants. Mais plusieurs des groupes impliqués dans le mouvement de contestation ont refusé de participer au dialogue tant que le président Moubarak n’aura pas démissionné. Le chef de l’Etat a annoncé qu’il ne briguerait pas un nouveau mandant lors de la présidentielle prévue en septembre, mais ne semble pas avoir l’intention de démissionner.

El-Baradeï n’a pas été convié aux discussions

Par ailleurs, les Frères musulmans, première force d’opposition mais bête noire du régime, se sont joints dimanche à un dialogue politique national, avec d’autres groupes d’opposition, pour chercher une issue à la crise provoquée par les manifestations incessantes depuis le 25 janvier. C’est la première fois en un demi-siècle que le pouvoir et les Frères musulmans discutent publiquement. Les participants à ce «dialogue national» se sont mis d’accord sur «une transition pacifique du pouvoir basée sur la Constitution», a annoncé le porte-parole du gouvernement, Magdi Radi. Mais les Frères musulmans ont aussitôt dénoncé l’insuffisance des réformes proposées. «Ce communiqué est insuffisant», a déclaré Mohamed Mursi, haut responsable des Frères musulmans. L’un des opposants égyptiens les plus en vue, le prix Nobel de la paix Mohamed El-Baradeï, a assuré ne pas avoir été invité, et qualifié ces discussions d’«opaques», sur la chaîne américaine NBC.

Les anti-Moubarak s’unissent

Les groupes de jeunes qui sont à l’origine du soulèvement anti-Moubarak ont formé une coalition, assurant qu’ils n’allaient pas lever leur occupation de la place Tahrir au Caire tant que le président égyptien n’aurait pas démissionné. Dans un communiqué, «la Direction unifiée des jeunes révolutionnaires en colère» a promis de ne pas quitter les lieux. Le communiqué a été lu par Ziad al-Oulaimi lors d’une conférence de presse. Il est l’un des six dirigeants de la coalition, constituée le 24 janvier, la veille des premières manifestations, mais annoncée ce dimanche. La coalition regroupe des représentants du Mouvement du 6 avril, du Groupe pour la justice et la liberté, de la «Campagne du porte-à-porte», de la «Campagne populaire de soutien à El Baradei», des Frères musulmans et du Front démocratique. Elle réclame aussi la levée immédiate de l’état d’urgence, la dissolution du Parlement, la formation d’un gouvernement d’union nationale pour assurer une transition pacifique du pouvoir et organiser une réforme constitutionnelle.

Le couvre-feu allégé

Les autorités égyptiennes ont décidé de réduire la durée du couvre-feu en vigueur dans les trois grandes villes du pays, soit une heure de plus de liberté de mouvement pour les habitants, a annoncé lundi la télévision d’Etat. Le couvre-feu sera désormais en vigueur de 20h00 (18h00 GMT) à 06h00 (04h00 GMT), contre 19h00 auparavant, a précisé la télévision. Le couvre-feu a été instauré le 28 janvier dans trois grandes villes du pays, le Caire, Alexandrie (nord), et Suez (est), à la suite de violentes protestations populaires réclamant le départ du président Hosni Moubarak et qui ont fait plus de 300 morts et des milliers de blessés, selon l’ONU.

Synthèse Hocine L.