D’aucuns ne l’auraient cru 24 heures auparavant mais l’impensable s’est pourtant produit. Ce fut le 20 avril 2014. 34 ans après le Printemps berbère d’Avril 80, l’habituelle marche célébrant cet événement, qui a posé les premiers jalons de la démocratie en Algérie, a été sauvagement réprimée par la police à Tizi Ouzou. Le ton a été donné dès la matinée.Un dispositif de sécurité inhabituel a été déployé tout au long de l’axe de l’université Mouloud-Mammeri, itinéraire fixé comme à l’habitude pour cette marche initiée, cette fois, par le MAK, rejoint par un groupe d’anciens militants du MCB à l’issue de leur réunion à Tighremt, dans la wilaya de Béjaïa.
À 10h, devant l’entrée de Hasnaoua, une grande foule était déjà cernée de toutes parts par les forces anti-émeute. Pour les manifestants, il était hors de question de renoncer à la célébration de cette date hautement symbolique héritée de cette génération de démocrates qui étaient prêts à tout sacrifier pour sauter le verrou de la dictature léguée par Boumediene à ses successeurs. L’ambiance était explosive et la mèche ne tarda pas à s’allumer. Un premier affrontement se déclenche : matraque contre jets de pierres. Un calme relatif finit par revenir.
Les marcheurs avancent alors jusqu’au stade du 1er-Novembre où ils sont accueillis par une pluie de bombes lacrymogènes suivie d’une véritable chasse à l’homme. L’émeute se propage à une bonne partie de la ville, mais c’était à la Nouvelle-ville qu’elle a été la plus féroce. Le lendemain, des vidéos de scènes choquantes de lynchage et de brutalités commis par la police sur les manifestants ont fait le tour de la Toile. Le DGSN, Abdelghani Hamel ordonne l’ouverture d’une enquête qui s’est soldée par des sanctions contre 5 policiers. À Tizi Ouzou, le wali jette un pavé dans la mare en expliquant dans un communiqué que “la supposée interdiction ne pouvait être le fait des autorités de la wilaya” et que “les services de l’État avaient arrêté un dispositif destiné à encadrer et accompagner les marcheurs”. Qui a donc donné l’ordre de réprimer la marche ? Le RCD exige une commission d’enquête de l’APW mais la majorité FFS, FLN et RND se contente de condamner la répression. En septembre dernier, l’APW donne son accord pour la constitution d’une commission d’enquête. Aujourd’hui encore, l’ordonnateur et les responsables de cette répression sauvage ne sont pas identifiés. Pour la population, cette répression restera une nouvelle tache noire qui vient s’ajouter à tant d’autres.
S. L
