La relance du cinéma tributaire de son financement

La relance du cinéma tributaire de son financement

Le nouveau cadre juridique mis en place pour le cinéma ne semble pas satisfaire les attentes des professionnels qui s’accordent à dire que la relance du 7e art en Algérie est tributaire de son financement et des salles de projection, deux problèmes épineux toujours en quête, selon eux, d’une réponse plus judicieuse.

Une nouvelle loi relative à la cinématographie avait été adoptée à la fin de l’année écoulée, offrant pour la première fois un cadre juridique à ce secteur qui fonctionnait jusqu’alors sur la base de textes datant de 1967. Si les nouveaux textes abordent les problèmes de financement et des salles de projection, ils n’apportent pas pour autant de solutions concrètes, confient des professionnels à l’APS.

Ils rappelleront, au sujet du financement, que le seul pourvoyeur de fonds demeure le Fdatic (Fonds de développement de l’art, de la technique et de l’industrie cinématographique), qui débourse entre 10 et 20 millions de dinars par long-métrage. Un budget jugé « dérisoire » puisqu’un film de base coûterait entre 30 et 200 millions de dinars, selon eux.

La télévision nationale qui jadis coproduisait un grand nombre de films, a pour sa part « diminué de beaucoup de son apport ces derniers temps », affirme Bachir Derrais, producteur d’une dizaine de films dont « Voyage à Alger », primé à plusieurs festivals.

Belkacem Hadjadj, producteur et réalisateur de deux longs métrages (Machahou et El Manara) et de plusieurs films documentaires, a estimé qu’il était impératif de promulguer un texte de loi qui oblige la télévision à coproduire, à l’instar de ce qui se fait ailleurs. En France, par exemple, 40% des longs métrages sont coproduits par les chaînes de télévision. « Le cinéma ne peut pas exister sans l’audiovisuel », assène Belkacem Hadjadj, rejoint par son collègue Bachir Derrais.

De son côté, Lamine Merbah, réalisateur, producteur et président de l’Association des réalisateurs professionnels algériens (Arpa) appelle à renflouer les caisses du Fdatic pour, justifie-t-il, augmenter le nombre de films produits par année et améliorer la qualité. Selon le président de l’Arpa, le fonds pourrait être alimenté par un apport supplémentaire du ministère des Finances ainsi que le reversement d’une partie des recettes prélevées sur la facture d’électricité. Ces taxes, payées par les contribuables et qui s’élèvent à des centaines de milliards de centimes, vont directement à la télévision qui en est, jusqu’à l’heure actuelle, le bénéficiaire exclusif, rappelle-t-il.

En effet, à l’exception d’un article qui encourage la diffusion des films de cinéma par le petit écran, la nouvelle loi n’aborde pas les rapports entre la télévision et le cinéma, du moins pas dans leur volet financier. Les solutions proposées par les cinéastes pour renforcer les mécanismes de financement demeurent, toutefois, provisoires puisque les subventions sont conçues « pour aider la production et non pour en assurer la prise en charge » totale, soulignent, par ailleurs, les observateurs.

Le principal levier de financement du cinéma demeure les recettes des salles de projection or celles-ci, reconnaissent ces observateurs, constituent le talon d’Achille du cinéma en Algérie. Des 364 salles de projection recensées en 1962 à travers toute l’Algérie, il n’en reste qu’une petite cinquantaine, après leur « fermeture en masse » dans les années 1980, qui a marqué, selon Lamine Merbah, le début de la « régression du cinéma » algérien.

Sur cette question aussi, estiment les professionnels, les textes nouvellement promulgués n’apportent pas de solutions. L’article 23 de la loi relatif à la récupération et l’exploitation par le ministère de la Culture des salles gérées par les collectivités locales jusque là, a suscité un tollé quasi-général, des professionnels y voyant un « retour déguisé » au monopole de l’Etat.

A l’opposé, d’autres cinéastes, comme Bachir Derrais, considèrent que le débat ne doit pas tourner autour de la récupération des salles mais s’atteler à la question de l’investissement privé dans ce secteur. « Les salles de quartiers est un concept dépassé. Il s’agit de construire des multiplex avec parkings, cafés, restaurants … », argumente-t-il. Selon lui, la production de films doit bénéficier, en guise d’encouragement, de suppressions de taxes sur le matériel de projection et les films importés ainsi que d’une exonération d’impôts, même temporaire, au profit des exploitants de salles.

Outre le financement et les salles de projection, deux écueils majeurs qui risquent d’anéantir toute volonté de relance du cinéma en Algérie, professionnels et observateurs soulèvent le problème, non moins rédhibitoire, de la formation aux différents métiers du cinéma, jugée « médiocre ». Deux établissements, l’Ismas (Institut supérieur des métiers des arts de spectacle et de l’audiovisuel) et l’Insfp (Institut national des métiers de l’audiovisuel et de la communication) qui prépare aux métiers techniques du cinéma assurent la formation, rappelle Belkacem Hadjadj, qui regrette le temps où l’Etat algérien envoyait des boursiers pour formation dans les grandes écoles de cinéma.

Pour l’heure, les regards se tournent vers les textes d’application de la nouvelle loi, attendus pour la fin de ce semestre, avec l’espoir pour les gens du cinéma que ces textes apporteront des réponses à toutes les questions sur lesquelles la nouvelle législation est restée évasive.