La protestation boucle son 30e jour à in-Salah, Le mouvement antigaz de schiste retrouve un second souffle

La protestation boucle son 30e jour à in-Salah, Le mouvement antigaz de schiste retrouve un second souffle

À mesure que les autorités jouent la montre en misant sur l’essoufflement du mouvement, ses animateurs trouvent des ressources pour continuer à mobiliser contre le gaz de schiste.

Hier, une nouvelle marche, qui a réuni environ 4 000 personnes, a sillonné les principaux axes de la ville. “La wilaya la tanmia In-Salah hya El-qadia”, (ni wilaya ni développement, In-Salah est la cause), “La siyassa la nifaq echaâb rahou faq”, (ni politique ni hypocrisie, le peuple est éveillé) sont autant de slogans, mêlés au refrain “non au gaz de schiste”.

L’important dispositif de sécurité dit “préventif”, visible presque à chaque coin de rue, n’a pas perturbé la progression des marcheurs, encore une fois, bien organisés. Soutenus par des militants venus de la wilaya limitrophe d’Adrar, les habitants d’In-Salah ont même fait montre d’une cohésion retrouvée, dépassant ainsi les dissensions ayant affecté, ces derniers jours, leurs rangs.

La réunification des rangs se félicitent des manifestants dont les membres influents du collectif citoyen, “le groupe des 22”, se veut un message fort à ceux qui ont tenté, soulignent-ils, de “nous diviser”. “Nous sommes toujours une même famille qui milite pour la même cause : l’arrêt des forages du gaz de schiste”, rappelle un organisateur, au microphone, sur la scène installée à la sahat Essomoud, (place de la Résistance), où ont convergé les manifestants à l’issue de la marche, vers la mi-journée.

Aussi, cette cohésion retrouvée semble donner un nouveau souffle à ce mouvement populaire. Pour se faire entendre, maintenant que presque tous les recours sont épuisés, un appel à la “désobéissance civile” a été publiquement lancé à la place de la Résistance qui fait face au siège de la daïra déjà fermé durant tout le premier mois de l’année. “Nous appelons tous les citoyens d’In-Salah à la désobéissance civile, et ce, à partir de demain matin, (aujourd’hui dimanche, premier jour de la semaine, ndlr) ; nous voulons voir tout fermé dans notre ville et qu’aucune institution publique ne fonctionne : pas d’école, pas d’état civil, etc. Cela tout comme nous appelons à la mise à l’arrêt de toutes les activités commerciales et économiques. Et que chacun assume ses responsabilités !”, a vociféré, dans un microphone, un organisateur, sous les applaudissements des milliers de manifestants présents sur la place de la Résistance.

Les activités administratives et économiques sont, rappelons-le, déjà sérieusement affectées depuis l’avènement du front antigaz. Sur place, le temps est, par ailleurs, à la concertation entre les militants concernant la suite à donner à la sollicitation de la Présidence pour la désignation d’une délégation à se rendre à Alger pour y rencontrer un haut responsable d’État. Étant les destinataires de l’invitation des hautes autorités du pays, les porte-parole du “groupe des 22” se sont, en effet, succédé sur la scène pour demander l’avis des citoyens s’ils acceptent ou pas l’envoi de cette délégation à Alger.

Cette initiative, explique au public  Abdellah Taleb Ali, membre du groupe, est celle du “député (du RND), Mohamed Baba Ali, du sénateur Abas Bouâmama, ainsi qu’une tierce personne”. Rappelant au passage, la proposition déjà faite par le DGSN, Abdelghani Hamel, demandant aux membres du collectif citoyen – qu’il avait reçu ici à In-Salah – de désigner 3 ou 4 délégués pour l’accompagner à Alger, Taleb Ali a exhorté les

militants à “être sages et réalistes” pour étudier cette deuxième invitation que viennent de leur adresser les pouvoirs publics.

Il a indiqué qu’un choix a été donné aux membres de cette délégation quant à la personne à rencontrer entre “le Premier ministre Abdelmalek Sellal, le chef de cabinet de la Présidence, Ahmed Ouyahia, ou le conseiller et représentant personnel du président Bouteflika, Boughazi”. Selon des fuites émanant de certains membres du collectif, le choix serait déjà porté sur M. Sellal pour la simple raison, disent-ils, qu’il est Premier ministre donc le plus habilité à prendre une décision.

L’envoi d’une délégation à Alger n’emballe pas les citoyens

“À M. Hamel, nous avons signifié que nous lui faisions confiance pour transmettre notre revendication au président de la République. Aussi, nous lui avons dit qu’il n’était pas possible pour nous de désigner seulement 3 ou 4 personnes pour aller à Alger et que si nous devons y aller nous irons tous. Ce que les hautes autorités semblent avoir compris en nous demandant cette fois-ci de dépêcher une délégation de 30 personnes. Maintenant c’est à vous tous, en tant que militants, de décider si nous devons le faire ou pas”.

L’explication de ce membre du “groupe des 22” n’emballe pas, toutetois, les pensionnaires de la place de la Résistance qui, en grande majorité, jugent que l’envoi d’une délégation à Alger n’est pas forcément importante, mais c’est bien l’arrêt des forages qui compte. “Je pense que les autorités feraient mieux de distribuer les frais prévus pour la prise en charge de cette délégation aux pauvres, et se contenter de nous envoyer un simple fax pour satisfaire notre revendication, c’est-à-dire de décider de fermer les puits du gaz de schiste”, ironise un “résistant” d’In-Salah.

À son tour Abdelkader Bouhafs, un des leaders les plus actifs depuis le début du mouvement, a précisé que les membres du collectif citoyen restent tributaires de la décision qui sera prise par les citoyens par rapport à cette question précise. À présent, la tendance chez ces derniers penche plutôt vers le rejet de cette offre du pouvoir.

F. A.