La presse algérienne et la résistance à la dictature

La presse algérienne et la résistance à la dictature

La dynamique de résistance anime l’opposition démocratique contre la dictature et pour le redressement de la légitimité politique et la réhabilitation du politique et de la citoyenneté

Le système répressif tissé par le régime empêche toute expression de rue.

En clair, dans la société civile qui essaye de s’organier tant bien que mal, chez les partis démocratiques et laïcs, tel, le MDS, le PLD et le RCD qui s’est résigné à son tour à rejoindre le camp de l’opposition radicale, qui s’expriment périodiquement par des communiqués appelant à la mobilisation de la population et à l’unification et la coordination de l’action des forces démocrates dans la lutte contre la dictature, le projet en cours de création d’un parti indépendant par des dissidents du FFS, pour se démarquer de la soumission et de la compromission de leur parti avec le pouvoir, autour de l’ancien secrétaire Karim Tabbou, chez les militants et les cadres en conflit avec la direction du FFS, « redresseurs » et « rassembleurs », lui reprochant notamment sa compromission avec des clans du pouvoir et sa soumission à la dictature sont autant d’événements au cœur de la résistance à l’archaïsme, au sous-développement et à la dictature, parce que cette aile de l’opposition, est la seule porteuse d’un projet politique moderne, pouvant propulser l’Algérie dans la contemporanéité du monde.

Cette dynamique de résistance qui anime l’opposition démocratique converge naturellement vers un intérêt commun, qui s’inscrit dans une volonté d’action collective et concerte. La volonté existe mais le passage à l’acte symbolique, une conférence nationale, qui viendrait sceller le pacte de cette volonté, est un chemin rempli de beaucoup trop d’embûches. Ce projet de conférence nationale était déjà l’objectif que s’étaient fixé les « redresseurs » et « les rassembleurs », en venant remplir leur promesse de porter la démocratie au cœur du peuple, à l’occasion de l’assemblée citoyenne gigantesque tenue lors de leur meeting, qui s’est déroulé à Tizi Ouzou le jeudi 12 juillet 2012.

Cette volonté de rassemblement de l’opposition démocratique n’aura suffisamment de force et de poids, dans un champ politique dominé par les nationalistes conservateurs et les islamistes, socles de la dictature, que si elle est la plus large possible et ouverte à toute dissidence ou à toute autre voix démocratique. Car en face, se dressent comme un rempart de forteresse, les islamistes de l’Algérie verte dans leurs convoitises de la constitution en cherchant à la noyer, plus encore, dans l’archaïsme du conservatisme. En attendant, les nationalistes conservateurs, FLN et RND, tentacules visibles du pouvoir occulte, répriment avec la manière forte les libertés individuelles et cloisonnent le champ politique, empêchant toute initiative de rassemblement de l’aile démocrate de l’opposition, rendant ainsi plus difficile l’organisation d’une telle conférence nationale autour de la radicalité pour la réhabilitation de la légitimité politique.

La dynamique de cette résistance se trouverait encore plus renforcée, si elle s’appuyait sur la prise de conscience d’elle-même, qu’elle occupe une place privilégiée dans le processus de transition politique, qui affecte la société algérienne depuis 1988, par la particularité de l’irruption dans le champ politique de nouveaux jeunes militants, figurant le futur paysage politique d’une Algérie moderne et ouverte sur le monde. Une nouvelle génération politique, se distinguant par la rationalité et la modernité dans son rapport au politique par opposition à la mentalité politique tribale qui affecte la grande majorité des militants politiques et structure l’organisation des partis politiques autour d’un « zaïm ». Une mentalité dominée par le clan familial, par le clan tribal, par le régionalisme ou par tout autre intérêt, source de perversions, de profits et d’égoïsmes de tous genres.

L’autre embûche de taille est de combattre la puissante propagande du pouvoir, tournant au ridicule la presse dite « libre », soumise ou incompétente. Alors ! que cette dynamique de résistance reste, cependant, en deçà du seuil de visibilité et de présence, aussi bien dans l’espace public que dans l’espace médiatique, c’est surprenant comment la presse algérienne se détourne de la dynamique politique et s’empare du mouvement de contestation des gardes communaux, à qui elle réserve un traitement particulier. Alors, qu’en parallèle se déroulent des événements politiques qui auraient mérité un traitement conséquent.

Chose curieuse, c’est le traitement lui-même du sujet par la presse, plutôt occupée à relater les péripéties des gardes communaux entre un point de rassemblement bien gardé par les services et un virtuel point de chute face à une forteresse imprenable que de se poser des questions aussi anodines sur la capacité de rassemblement en nombre et en un temps record de ces gardes communaux venus nous dit-on de toutes les régions d’Algérie. L’étonnement vient surtout de leur capacité d’organisation, obéissant à l’ordre et à la discipline. Laissant planer le doute et la suspicion ! Fallait-il encore se demander qui sont ces gardes communaux et que revendiquent-ils ? Les gardes communaux sont d’abord des paramilitaires et dans leur demande de réintégration, ils demandent à rejoindre un système répressif et liberticide, qui n’hésiterait pas à faire appel à eux, si les forces de répression venaient à être débordée par la colère populaire. Comme il n’a pas hésité à faire appel à eux pour agrémenter l’image de foule qui devrait entourer le cortège présidentiel, lors de la kermesse électorale du 8 mai 2012 à Sétif. Le conflit des gardes communaux est un conflit de sérail. Le pouvoir s’en serre d’eux et dès qu’il n’a plus besoin, il les jette comme un trop-plein. Même si leurs revendications sont légitimes, leur cause est d’autant légitime, par ce qu’ils réintègrent leurs droits sociaux, mais par ailleurs, ils viennent renforcer un système qui nie les droits sociaux des Algériens par la perversion de mainmise sur les richesses nationales. À moins qu’ils relèvent leurs revendications à un niveau politique en venant renforcer la dynamique qui anime l’opposition démocratique, en remettant en question l’illégitimité du système lui-même et en dénonçant la dictature. La répression dans ce cas serait très rude et déborderait la fiction.

La presse trouve toujours une issue heureuse pour échapper au supplice d’aborder frontalement la résistance à la dictature. Car ce défi se situe au-delà de la ligne rouge, qui marquerait le seuil du danger pour le système, à ne pas dépasser sous peine de subir la sentence redoutée. Le mois de ramadhan est un mois béni au sens algérien du terme pour la presse, on aura le droit de suivre toute la courbe des prix sur toute l’étendue du mois. On aura aussi quelques atermoiements sur le conflit récurrent entre non jeûneurs blasphémateurs et rigoristes inquisiteurs, en restant à notre fin, encore une fois sans pouvoir aller au fond du sujet qui les oppose.

Youcef Benzatat