Au-delà les commentaires franco-français sur les résultats du premier tour de l’élection présidentielle française, c’est l’avenir de la politique étrangère de la France qui intéresse les Algériens, souvent irrités par l’arrogance anachronique de la présidence sortante.
On n’aura rien découvert en reconnaissant que l’élection française a été suivie de près par les Algériens. Par contre, entre les nationaux établis en France et nous, qui appréhendons l’événement à partir de notre territoire, l’interprétation des résultats ne sera certainement pas motivée par les mêmes centres d’intérêts.
Même pour ceux qui aspirent à émigrer, la nouvelle donne politique à l’Elysée interpelle par rapport à l’évolution des relations bilatérales tandis qu’il serait hypocrite de cacher les crispations qui ont perduré pendant les années de Sarkozy, dont la prétention de limiter ses échanges avec l’Algérie au niveau économique a buté contre les attentes d’Alger.
Du dossier de la construction automobile au partenariat dans de nombreux secteurs, personne n’osera travestir la réalité de l’échec des négociations, la réalité des complications subjectives et des fausses promesses parasitées par des arrières-pensées. Des blocages dont les causes non avouées ne sont pas liées à la seule divergence des intérêts économiques.
LES ILLUSIONS DU SARKOZYSME
Comment accepter ce choix unilatéral de la France sarkozyste d’occulter les grands sujets qui tourmentent nos deux pays en gavant un contentieux qu’on voudrait tuer d’une indigestion ?
En jurant contre toute repentance pour les crimes coloniaux perpétrés par la France coloniale en Algérie pendant plus d’un siècle tandis qu’on votait à Paris une loi condamnant la négation du génocide en Arménie mené par les Turcs. Comment réagir à cet acharnement des autorités françaises à vouloir amender sans cesse l’accord de 1968, portant sur le statut particulier du résident algérien sur le sol français ?
Des amendements visant à effacer tout privilège. Comment enfin interpréter les remontrances d’Alain Juppé, ministre français des Affaires étrangères, qualifiant les positions de l’Algérie sur l’attaque de la Libye par les forces de l’OTAN comme manquant de clarté ?
Ces quelques illustrations de la discorde entretenue sciemment par la France coloniale, qui a parfois tendance à oublier que l’Algérie n’est pas la Calédonie, doivent suffire pour rehausser les enjeux de la présidentielle française pour l’Etat algérien. Non pas qu’à l’époque du pouvoir socialiste de Mitterand les relations aient été plus clémentes mais c’est surtout que l’ère du sarozysme a rajouté du poivre à un menu déjà fort épicé.
UNE NOUVELLE CHANCE POUR HOLLANDE ?
Mais cela ne nous autorise pas à préjuger négativement de l’avènement de la magistrature de François Hollande qui a, soulignons-le, annoncé il y a quelques mois au magazine Jeune Afrique, son approche bien plus conciliante à l’endroit de l’Algérie sur cette question des excuses pour les méfaits du colonialisme. Avec toutefois ce bémol relatif à la nouvelle percée de l’extrême-droite que le président sortant a fini par réactiver après s’être vanté de l’avoir mise en veilleuse.
Le Front national de la famille Le Pen, recrutant depuis longtemps parmi les nostalgiques de l’Algérie française, risque d’empoisonner les relations bilatérales en cas de succès maintenu aux prochaines élections législatives si le nouveau Président, qui sera élu le 5 mai prochain, ne renverse pas la vapeur.
Quoi qu’il en soit, Alger devrait savoir adapter sa politique en renouant des relations de qualité avec Paris au cas où la France en exprimerait le souhait avec assez de sincérité, par les mots et les actes, sinon il ne servira à rien d’inventer des «Union pour la Méditerranée» vouées à couler dans les flots de la Grande Bleue déjà bien polluée.
A l’heure du déclin des pays européens face aux pays émergeants, l’Algérie saura aussi diversifier ses alliances économiques et stratégiques. Parce qu’il faut l’avouer, construire une amitié durable entre l’Algérie et la France, c’est une entreprise qui doit se faire concrètement par des accords sérieux, un partenariat gagnant gagnant et le strict respect des engagements dans l’espace et le temps. Un partenariat qui ne confondrait pas Jijel et Tanger pour des usines de montage automobile, par exemple…
Nordine Mzalla