La portée de la circulaire de Sellal concernant les procédures bancaires

La portée de la circulaire de Sellal concernant les procédures bancaires

Cette présente contribution est le prolongement d’une interview donnée le 2 janvier 2013 à Radio France Internationale portant sur les réformes du système financier algérien et la portée des dernières mesures visant à alléger les procédures bancaires (1)

Abdelmalek Sellal réussira-t-il à refonder le système bancaire algérien ?

1.- Le système bancaire algérien déconnecté de la sphère réelle productive

L’Algérie a peu de banques accompagnant les véritables investisseurs et pas de véritables bourse des valeurs, la bourse d’Alger étant en léthargie depuis 1996.  Plusieurs questions se posent concernant le système financier algérien, poumon du développement du pays et de la croissance future du pays. C

‘est un enjeu énorme de pouvoir, ce qui explique que les réformes structurelles annoncées depuis plus de 30 années soient souvent différée, les banques publiques en 2012 représentant plus de 90% du crédit octroyé. Malgré leur nombre les banques privées sont marginales. A partir de là, ne faut-il pas parler de refondation du système financier algérien pour dynamiser le tissu productif algérien ? En ce qui concerne le tissu économique algérien la dernière enquête du gouvernement algérien (2012) montre que 83% du tissu économique est constitué de petits commerce et de services et qu’existe un dépérissement du tissu productif dont l’industrie y compris Sonatrach représente moins de 5% du produit intérieur brut. Pour la majorité des entreprises privées dont plus de 80% ont une organisation familiale, elles sont peu ouvertes au management stratégique. Il en existe certes mais ce sont des exceptions. Sans vouloir les stigmatiser toutes, une analyse rapide de leur structure du capital et de leur structure de financement montre à l’évidence qu’elles sont dans des positions d’endettement vis-à-vis du système financier. La majorité des entreprises que ce soit pour leur investissement ou leur exploitation courante, sont entièrement dépendantes de « monnaie hydrocarbure ». Les entreprises algériennes d’une manière générale ne peuvent être compétitives et encore moins innovantes du simple fait qu’elles disposent de peu de savoir faire. Et parallèlement, se tisse des liens dialectiques entre la logique rentière et l’extension de la sphère informelle, (avec des monopoleurs informels), produit des dysfonctionnements des appareils de l’Etat et de la bureaucratie qui contrôlent 40% de la masse monétaire en circulation et plus de 65% des segments des produits de première nécessité : marché des fruits et légumes, du poisson, de la viande rouge et blanche et à travers les importations le textile et le cuir. C’est un système économique construit sur un ensemble de réseaux portés par des intérêts financiers individuels à court terme, développant ensuite à moyen terme des stratégies d’enracinement bloquant les réformes pour préserver des intérêts acquis, pas forcément porteur de croissance mais pour le partage de la rente.

2.-Le système financier algérien connecté à la rente des hydrocarbures

La vraie richesse ne peut apparaitre que dans le cadre de la transformation du stock de monnaie en stock de capital, et là est toute la problématique du développement. En 2011 les banques publiques ont plus de 50 milliards de dollars de surliquidités dont plus de 70% provenant de la Sonatrach via la BEA qu’elles n’arrivent pas à transformer en capital productif. On peut considérer que les conduits d’irrigation, les banques commerciales et d’investissement, opèrent non plus à partir d’une épargne puisée du marché, éventuellement un reliquat du travail, mais par les avances récurrentes (tirage: réescompte) auprès de la Banque d’Algérie pour les entreprise publiques qui sont ensuite refinancées par le Trésor public en la forme d’assainissement (rachat des engagements financiers des EPE auprès de la Banque d’Algérie, plus de 50 milliards de dollars entre 1991/2011 alors que plus de 70% de ces entreprises sont revenues à la case de départ montrant que le blocage ne réside pas en le capital argent. Le blocage est d’ordre systémique comme le montre le rapport Doing Business 2013 mesurant la réglementation des affaires dans 185 économies mondiales, publié le 23 octobre 2012 par la Banque mondiale et la Société financière internationale (SFI) où l ‘Algérie est classée 152ème perdant 2 places par rapport à 2012. Pour les facilités d’y faire des affaires, l’Algérie se classe au 152ème rang des 185 pays concernés. L’analyse du système financier algérien ne peut être comprise sans aborder la rente des hydrocarbures. Tout est irrigué par la rente des hydrocarbures donnant ainsi des taux de croissance, de chômage et d’inflation fictifs. La richesse nationale créée puise sa source dans la relation du triptyque: stock physique (stock ressources naturelles d’hydrocarbures)-stock monétaire (transformation: richesse monétaire) – répartition (modalités et mécanismes de répartition: investissement-consommation-fonds de régulation). La société des hydrocarbures ne créait pas de richesses ou du moins très peu, elle transforme un stock physique en stock monétaire (champ de l’entreprise) ou contribue à avoir des réserves de change (193 milliards de dollars au 01septembre 2012) qui du fait de la faiblesse de capacité d’absorption sont placées à l’étranger (86%) y compris le dernier prêts de 5 milliards de dollars au FMI en octobre 2012 et les quotas portés récemment à environ 3 milliards de dollars à 193 milliards de dollars. Bon nombre d’experts algériens se demandent alors pourquoi continuer à épuiser les réserves sachant qu’à ce rythme l’on ne dépassera pas 10/15 ans pour le pétrole et 25 ans pour le gaz conventionnel tenant compte de la forte consommation intérieure qui passera de 35 milliards de mètres cubes gazeux en 2011 à environ 70 milliards en 2016/2017 après les dernières décisions de doubler la capacité d’électricité à partir des turbines à gaz. Par ailleurs, l’AIE qui annonce un profond bouleversement géostratégique énergétique où les USA deviendrait pour le pétrole le premier exportateur au monde avant l’Arabie Saoudite pour 2020 et pour le gaz avant la Russie horizon 2025/2030, sans compter, le développement du pétrole/gaz schistes devant s’étende à l’Asie dont la Chine, réduisant y compris avec  la concurrence de Gazprom à travers le South Stream , les marchés pour l’Algérie. Les contrats algériens à moyen terme qui indexait le prix du gaz sur celui du pétrole, expirent  entre 2013/2015.Et déjà de nombreux contractants poussent l’Algérie à la révision à la baisse des prix.

3 : Quelle efficacité  de la circulaire du Premier ministre ?

La dernière réunion entre le premier ministre et les opérateurs publics- privés a mis en relief une évidence que le système financier algérien appendice de la rente de Sonatrach a besoin d’être réformé. Si l’on s’en tient  à la  note officielle reprise par l’agence officielle APS, les mesures d’allègement des procédures au niveau des banques, la facilitation de l’octroi de crédits bancaires et l’accès des PME aux crédits d’investissement. Cette instruction prévoit que l’ouverture d’un compte bancaire pour les particuliers se fait désormais seulement avec la présentation d’une pièce d’identité, d’un certificat de résidence et d’un formulaire à retirer auprès des services bancaires concernés. Pour les entreprises, l’opération sera justifiée par des preuves d’identité morale, de statut général de l’entreprise, le numéro d’identité fiscal (NIF) et le numéro d’identité statistique (NIS). En outre, pour faciliter ces procédures, il est décidé la mise en place, avec la banque d’Algérie et l’ABEF, d’un réseau permettant aux banques de saisir les bases de données du Centre national de registre du commerce (CNRC), des organismes de sécurité sociale et de retraite et des services du ministère des Finances (impôts, domaine et conservation foncière). Par ailleurs, pour faciliter la domiciliation des comptes et réduire la pression sur les services d’Algérie Poste, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale est chargé d’inviter les caisses de sécurité sociale et de retraite à élargir la procédure de versement des pensions et remboursements aux comptes bancaires. Les banques publiques sont appelées à densifier leurs réseaux et à promouvoir l’inclusion financière à travers le territoire et dans les zones les plus reculées, ainsi que la densification de la formation en matière de qualité d’accueil et de service de leurs personnels.

Le ministre des Finances est chargé de veiller à la réduction des délais de réponse par la standardisation et l’automatisation du traitement des demandes de crédit d’investissement, l’authentification des documents par le biais d’un réseau banque-administration, ainsi que la mise à disposition des demandeurs de crédits l’ensemble des procédures de la banques, de la consolidation des nouveaux instruments de financement par l’amélioration du leasing comme moyen de financement et la reconduction des avantages fiscaux accordés aux sociétés de leasing en matière d’investissement, ainsi que la révision du dispositif législatif relatif aux sociétés de capital-investissement pour faciliter la création de société de gestion spécialisées dans l’analyse des projets et l’accompagnement des entreprises Pour employer un langage militaire il faut différencier les tactiques de la stratégie. Les dernières mesures du premier ministre sont des mesures certes louables  en voulant s’attaquer à la bureaucratie intiment liée à l’extension de la sphère informelle. Ceux sont des mesures de court terme. Pour avoir des effets  durables à moyen et long terme, il faut qu’elles s‘insèrent dans le cadre d’une vision stratégique tenant compte des nouvelles mutations mondiales. Le pouvoir étant assis sur la  rente et la bureaucratie comme en témoigne l’extension des emplois de bureaux  au détriment des emplois créateurs de valeur  se pose cette question : les mesures du premier ministre peuvent-elles s’attaquer au fonctionnement réel du système ? Car, l’encouragement de la sphère hors hydrocarbures, de l’entreprise créatrice de richesses et son soubassement  le savoir suppose un profond réaménagement des structures du pouvoir algérien renvoyant à une lutte qui n’est pas propre à l’Algérie mais à tous les pays en transition, entre les réformateurs et les conservateurs.

(1) Interview  du professeur Abderrahmane Mebtoul à Radio France Internationale  -RFI- 02 janvier 2013 -diffusion en synthèse- réalisée par Hassina Mechaï Paris France.