Une nouvelle bavure militaire qui met le feu aux poudres. La mort dans la soirée du dimanche 11 septembre d’une mère de famille, tuée devant une caserne militaire prés de la ville de Fréha, 30 kms à l’est de Tizi Ouzou, provoque une poussée de colère de la population. Depuis la ville est en ébullition et réclame désormais le démantèlement de la caserne militaire. Cette bavure qui s’ajoute à deux autres fait resurgir le spectre du printemps noir.
Dimanche 11 septembre, la victime, Zahia Kaci 55 ans mère de 14 enfants, revenait avec deux autres femmes d’une veillée funèbre quand un militaire en faction à la caserne de parachutistes de Freha, à 100 km à l’est d’Alger, a tiré en direction des trois femmes les « prenant pour des terroristes ».
Que s’est-il réellement passé devant cette caserne vers 22 heures ? Le militaire a-t-il lancé des cris de sommation avant de lâcher ses rafales ? A-t-il délibérément tiré sur les trois femmes en les confondant avec des terroristes ? Si les témoignages, multiples, divergent, les habitants eux sont persuadés qu’il s’agit d’une vraie bavure.
Fréha bouillonne
Depuis l’enterrement de la victime lundi 12 septembre, la ville bouillonne de colère et de ressentiment à l’égard des militaires.
Une grève générale a paralysé la ville dans la journée du jeudi 15 septembre alors que des milliers de personnes ont défilé dans les rues pour dénoncer le crime et exiger la délocalisation de la caserne des parachutistes.
Les marcheurs, silencieux, arboraient une banderole noire sur laquelle est inscrit « Délocalisation des casernes de la ville de Fréha ».
Tahar Fréha, parent de Zahia Kaci, a pris la parole pour réitérer une demande de déplacement des trois casernes des forces de l’ordre de l’agglomération.
Les deux femmes entendues comme témoins
Pour tenter de calmer le ressentiment de la population, les autorités locales ont promis d’ouvrir une enquête alors que l’auteur des faits a été déféré devant le tribunal militaire de Blida.
Les deux femmes qui accompagnaient la défunte lors de la funeste soirée du dimanche ont été elles entendues comme témoins par la gendarmerie qui dirige l’enquête, affirme l’AFP.
Cette bavure qui continue de susciter de l’émoi et un élan de sympathie sur les forums sociaux, notamment sur Facebook, renvoie à une autre commise par un militaire trois mois plutôt dans la ville de Azzazga, distante d’une dizaine de kms de Fréha.
Mustapha Dial tué le 23 juin
Jeudi 23 juin, Mustapha Dial, journalier et père de trois enfants, a été tué par des militaires sur la route menant de Azzaga à Yakouren, peu de temps après l’explosion d’une bombe au passage d’un convoi militaire.
Selon divers témoins, Mustapha avait été achevé de plusieurs balles et son corps laissé sur la chaussée. Là encore, devant la colère des habitants, les autorités se sont empressées d’arrêter l’auteur des coups et d’ouvrir une enquête. Près de trois mois après ce crime, l’instruction est toujours en cours.
Mohand Bouza abattu le 12 janvier
Six mois plutôt, le 12 janvier 2011, c’est un autre saisonnier, Mohand Bouza, 49 ans, qui a été abattu par des militaires alors qu’il chassait des grives dans la forêt d’Ighil Ali, à 60 kms à l’ouest de Béjaia.
La population avait à l’époque dénoncé la mort de Mouhand et organisé une marche pour exiger la vérité sur son assassinat.
Spectre de Massinissa Guermah
Ces trois récentes bavures rappellent le spectre de la mort de Massinissa Guermah, scié par une rafale dans une brigade de gendarmerie de Beni Douala, le 18 avril 2001.
Décédé deux jours plus tard des suites de ses blessures, le jeune lycéen est devenu le symbole de la révolte kabyle contre le pouvoir algérien. Son assassin, le gendarme Merabet Mestari, avait écopé d’une peine de deux ans de prison au cours d’un procès tenu à lui clos.
Brigades de gendarmerie démantelées
La détermination de la population de Fréha à délocaliser la caserne des parachutistes renvoie elle à la demande formulée dix ans plutôt par la population de Kabylie de démanteler les brigades de gendarmerie dont les éléments avaient provoqué la mort de 126 personnes au cours du printemps noir.
A l’époque, le pouvoir a du démanteler 14 brigades à travers différentes villes et villages de Bejaia et Tizi Ouzou pour éviter un embrasement général.
Climat de tension
C’est peu dire qu’aujourd’hui ce climat de tension exacerbe davantage la situation en Kabylie déjà théâtre de plusieurs attentats et d’assassinats individuels.
En dépit d’une forte présence des services de sécurité (militaires, policiers et gendarmes), malgré les multiples opérations de ratissage et de pilonnage de l’armée dans les maquis, les groupes armés continuent de sévir dans plusieurs localités de la région distillant ainsi le doute sur la volonté ou la capacité des autorités à venir à bout des activistes qui se réclament d’Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI).
La population sur le dos
La multiplication de ces bavures et la persistance des actes terroristes pourraient alors amener des segments de la population locale à remettre de plus en en plus en cause la présence des éléments de l’armée, à tout le moins, susciter un sentiment de rejet et de défiance.
Evidement, cette situation place le pouvoir algérien dans une posture délicate. Il besoin de l’armée et des services de sécurité pour contrer le terrorisme et combattre l’insécurité rampante mais se met à dos les populations qui pourraient justement l’aider dans cette tâche.