Le siège du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, sis à Ben Aknoun, a été dans la soirée de dimanche à lundi le théâtre d’un violent affrontement entre forces de l’ordre et étudiants.
Il est 18h45, lorsqu’une cinquantaine d’étudiants venus de Boumerdès, Blida et Alger, observent un rassemblement devant le siège de leur tutelle afin d’exiger l’annulation du décret présidentiel n° 10-315. Un renfort d’environ 300 policiers antiémeutes a investi les lieux et tentait d’empêcher le rassemblement. Matraques, coups de pied, les étudiants ont été violemment réprimés par les forces de l’ordre. Bilan : au moins une dizaine d’étudiants blessés. Au moment où nous mettons sous presse, les étudiants, sous une pluie battante, ont été encerclés au niveau de l’Ecole nationale supérieure des statistiques et d’économie appliquée (Enssea) «ex-Inps». Là encore, les policiers n’ont pas lâché les étudiants.
Matraques et boucliers contre mains nues. C’est ainsi que petit à petit les manifestants ont été repoussés dans l’enceinte de ladite école. «Nous avons été amenés jusqu’ici comme du bétail, à coups de matraque. Pourtant, nous n’avons rien fait de mal. Nous occupions les lieux devant le siège du ministère. Nous n’avons rien cassé. C’est un rassemblement pacifique. Pourquoi la police nous a traités de cette façon ?» s’interroge, paniqué, un étudiant. «Plusieurs de mes camarades ont été jetés de force dans les mares d’eau. Personne n’a échappé à la brutalité des policiers», poursuit-il. Visiblement surpris par cette «descente», les manifestants affirment ne pas comprendre le comportement des policiers.
«Personne ne s’attendait à cette violence. Au début, on a cru que les policiers allaient nous parler, mais c’est le contraire qui s’est produit. Ils nous ont tabassés», témoigne un autre étudiant. L’information a circulé comme une trainée de poudre, d’autres étudiants arrivent sur place pour apporter leur soutien à leurs camarades. Un autre renfort de police a été appelé à la rescousse afin d’empêcher les étudiants d’occuper la rue. Submergés par les vagues des bleus qui n’ont pas cessé de déferler, les étudiants ont fini par rejoindre leur école. Les forces de l’ordre ont encerclé l’école et le siège du ministère durant toute la nuit. La colère a atteint son paroxysme. «Que nous veut l’Etat ? Qu’on sorte dans la rue pour casser ? Qu’on devienne des voyous ? Après avoir dévalorisé nos diplômes, le pouvoir n’a pas trouvé mieux que de nous tabasser», déplore un étudiant. Après avoir livré courageusement bataille aux policiers, les étudiants ont décidé de passer la nuit à l’intérieur de leur école pour discuter des prochaines actions à entreprendre.
Hier matin, ils ont décidé de reconduire leur mouvement de protestation et sont déterminés à se rassembler devant le département de Harraoubia, mais les policiers mobilisés en nombre ont empêché ce nouveau sit-in. Ils n’ont pas hésité également à recourir à la matraque pour effrayer et terrifier les étudiants qui réclament l’annulation du décret n° 10-315 et le retour au système classique. Ce décret qui fixe la grille indiciaire des traitements et le régime de rémunération des fonctionnaires a fini par rassembler tous les étudiants des écoles d’ingénieurs en une seule coordination pour défendre leurs droits.
Les étudiants demandent tous les privilèges octroyés aux diplômés de Master 2, à savoir l’accès aux bourses à l’étranger. Ils exigent également l’instauration des écoles doctorales au niveau de toutes les écoles supérieures et le changement des conditions d’accès aux écoles doctorales en remplaçant l’accès sur dossier par un accès sur concours écrit obligatoire. Pour rappel, la conférence nationale des chefs d’établissements universitaires a eu lieu le jeudi 17 février 2011, sous la présidence du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Les participants qui ont débattu de la plate-forme de revendications des étudiants, ont recommandé «l’abrogation des modifications apportées par le décret n° 10-315 du 13 décembre 2010, dans la perspective d’une classification qui prend en compte l’ensemble des diplômes de l’enseignement supérieur». Néanmoins, les étudiants trouvent que leurs doléances n’ont pas été prises en charge de manière «concrète et objective».
Par Hocine Larabi