C’est la première annonce de fermeture d’entreprise depuis l’arrivée de Valls à la tête du gouvernement. Les gauloises blondes seront délocalisées en Pologne. En jeu : 327 emplois.
Les Gauloises blondes sont promises au même destin que les Gitanes brunes: la délocalisation en Pologne. La Seita a convoqué mardi un comité central d’entreprise extraordinaire. Selon nos informations, elle devrait annoncer son projet de fermer la plus importante des deux dernières usines de cigarettes en France. Située à Carquefou, dans la banlieue de Nantes, elle emploie 327 salariés et a produit l’an passé 12,2 milliards de cigarettes blondes: principalement des Gauloises et des Gitanes.
Propriétaire de la Seita, le groupe anglais Imperial Tobacco a lancé un plan d’économie de 385 millions d’euros d’ici 2018, dont 72 millions cette année. Au niveau mondial, la baisse de ses ventes en volume est largement compensée par les augmentations de prix. Mais la situation est plus difficile dans la zone regroupant Espagne, France, Maroc, Algérie. Son chiffre d’affaires y a baissé de 5% l’an passé, à 1,824 milliard de livres, et son résultat opérationnel de 8%, à 792 millions. La marge s’érode, même si elle reste supérieure à la moyenne du groupe, à 43% du chiffre d’affaires. Or, Imperial Tobbacco s’est fixé comme priorité la hausse de ses profits dans ces pays.
La restructuration annoncée mardi devrait comprendre la cession du centre de R & D de Bergerac (30 salariés) et une réorganisation de la force de vente, «sans impact sur l’emploi, selon un représentant du personnel. Toutes les embauches sont gelées depuis deux ans, et une cinquantaine de postes sont vacants». Le centre de battage de tabac du Havre (100 salariés) et l’usine de Riom (200 salariés, 9 milliards de cigarettes) devraient être préservés.
Fleuron hérité de Colbert
Les marques Gauloises et Gitanes, créées en 1910, ne sont pas condamnées pour autant. Seita détient 25,3 % du marché en France, même si cette part a reculé de 4 % depuis 2008. Surtout, 60 % de la production de l’usine nantaises est destinée à l’exportation en Europe, Afrique et Moyen-Orient. Or, Imperial Tobacco considère Gauloises Blondes comme une de ses marques prioritaires (avec JPS, Davidoff et West) et souligne ses bons résultats en Russie, Turquie, Grèce, Allemagne et Algérie. Plus petite, Gitanes Blondes reste une marque stratégique grâce à son succès en Irak.
Cette fermeture d’usine, la première annoncée depuis la création du gouvernement Valls, est hautement symbolique. Elle concerne un ancien fleuron français. Héritière du monopole de la fabrication et de la distribution du tabac instauré par Colbert à la fin du XVIIe siècle, la Seita a été une société d’État avant d’être privatisée en 1995 et de fusionner avec son homologue espagnol Tabacalera en 1999 pour former Altadis. En 2007, le nouvel ensemble a été racheté par Imperial Tobacco, dont le siège est à Bristol. Plus aucun Français ne siège au conseil d’administration depuis 2010. En grande majorité anglais, les principaux dirigeants, administrateurs et actionnaires privilégient leur pays lors des décisions douloureuses. Une partie de la production de l’usine nantaise pourrait même être rapatriée sur le site de Nottingham plutôt qu’en Pologne.
Arnaud Montebourg, ministre de l’Économie, qui se réclame de Colbert et ne jure que par le «made in France», fustigera-t-il la fermeture d’un site rentable par un groupe qui délocalise la production de marques tricolores aux confins de l’Union européenne? Rien n’est moins sûr. Son cabinet n’a pas souhaité répondre au Figaro. Vu les moyens financiers d’Imperial Tobacco, le plan social devrait certes être exemplaire. Mais le silence du gouvernement illustre surtout son embarras face à l’évolution du marché du tabac. Les politiques menées depuis plusieurs années commencent à porter leurs fruits et à faire chuter les ventes. À Bercy, personne n’ose exprimer les craintes, réelles, de l’administration face à la baisse fiscale des recettes fiscales du tabac. La même pudeur explique l’absence d’émois publics face aux suppressions de postes dans le secteur…