La Place Cheikha Rimitti à Paris : un hommage vibrant à l’icône du raï algérien

La Place Cheikha Rimitti à Paris : un hommage vibrant à l’icône du raï algérien
Chikha Rimitti

Dans le 18ᵉ arrondissement de Paris, entre la rue de la Goutte d’Or et Polonceau, une place porte le nom d’une légende de la musique algérienne : Cheikha Rimitti. Cette décision, officialisée par un délibéré au Journal Officiel, consacre la mémoire d’une artiste qui a révolutionné le raï et brisé les tabous d’une société patriarcale.

Née en 1923 à Sidi Bel Abbès, en Algérie, et décédée à Paris en 2006, Cheikha Rimitti (de son vrai nom Saadiya) est considérée comme l’une des fondatrices du raï moderne. Avec des textes crus, des mélodies entraînantes et une audace rare pour son époque, elle a imposé un style unique, mêlant tradition bédouine et revendications sociales.

« Ana li wledt raï » (« C’est moi qui ai enfanté le raï »), disait-elle fièrement. Et pour cause : dès les années 1940, alors que les femmes algériennes étaient largement confinées aux rôles traditionnels, Rimitti chantait déjà la liberté, le désir féminin et les injustices sociales.

🟢 À LIRE AUSSI : Algérie : Plus de droits pour les mamans travailleuses

En 1954, son tube Charrak Gatta (« Déchire, découpe ») fait scandale. À travers des métaphores osées, elle y aborde la question de la virginité, l’émancipation des femmes et le droit à disposer de leur corps. Un discours révolutionnaire dans une Algérie encore très conservatrice.

« Le bien est femme, et le mal est femme », chantait-elle, refusant que la femme soit réduite à un rôle de soumission. Bien avant les mouvements féministes occidentaux, Rimitti défendait l’idée d’une égalité des sexes, assumant pleinement sa liberté de parole malgré les critiques.

Chikha Rimitti : Censurée, exilée, mais jamais réduite au silence

Après l’indépendance de l’Algérie en 1962, ses chansons, jugées trop subversives, lui valent l’hostilité des autorités et des conservateurs. Contrainte de quitter Relizane, puis l’Algérie, elle s’installe définitivement à Paris dans les années 1970.

Malgré l’exil, elle continue de chanter, inlassablement, l’amour de son pays et la condition des femmes. Bien que bannie des scènes algériennes, son influence persiste : des générations de chanteurs et chanteuses de raï, de Khaled à Zahouania, s’inspirent de son héritage.

L’hommage parisien, matérialisé par la Place Cheikha-Rimitti, est un aboutissement posthume pour cette artiste marginalisée de son vivant. Dans un quartier multiculturel, où se mêlent histoires d’immigration et créativité artistique, son nom résonne désormais comme un symbole de résistance et de liberté.

🟢 À LIRE AUSSI : Tensions Israël-Iran : L’Algérie hausse le ton à l’ONU

En Algérie, bien que son œuvre ait longtemps été occultée, Rimitti est aujourd’hui célébrée comme une icône. Son parcours rappelle celui des grandes divas rebelles, à l’image d’Oum Kalthoum en Égypte ou de Fairuz au Liban. Mais plus qu’une simple chanteuse, elle reste la voix des sans-voix, celle qui a osé défier l’ordre établi au nom de la liberté.