La peur comme instrument du statu quo

La peur comme instrument du statu quo

S’il fallait une preuve supplémentaire pour que le pouvoir tente d’intimider non pas seulement l’opposition politique mais aussi la société, Ahmed Ouyahia l’aura donnée ce vendredi. C’est sans doute la première fois depuis 1988 qu’un responsable politique du sérail somme, aussi ouvertement, les contradicteurs du pouvoir de se taire.

Signe des temps, M. Ouyahia qui, auparavant, refusait systématiquement de se présenter devant les journalistes sous la double casquette de chef du RND et chef de gouvernement (ou, plus tard, Premier ministre) a, cette fois, dérogé à la règle : il s’est exprimé officiellement en sa qualité de secrétaire général de son parti, mais il ne s’est pas borné à ce rôle, laissant entendre, par moments, qu’il parlait au nom du pouvoir et qu’il lui importait que tous se rappellent qu’il officie bel et bien à la présidence de la République.

Sans doute par nécessité, car il ne pouvait menacer l’opposition, encore moins espérer inhiber toute velléité de contestation politique ou sociale, qu’à partir de cette position d’“homme du pouvoir”. Quand les gouvernants se donnent pour vocation de faire peur aux gouvernés, il y aurait peut-être quelques révisions à introduire dans les manuels de sciences-po. À moins que les gouvernants ne répondent pas aux critères de légitimité tels que définis dans ces manuels.

Il faut noter que ce haussement de ton intervient dans une conjoncture qui ne manque pas de signaux : emprisonnement de généraux, fermeture d’une chaîne de télévision, plainte d’Ali Haddad contre un général à la retraite… Mais l’on avait encore besoin d’y ajouter une couche, et Ahmed Ouyahia était sans doute le mieux placé pour ce faire. Et, comme pour ne pas décevoir, il n’y est pas allé avec le dos de la cuiller, consentant même à un effort d’imagination qu’on ne peut pas lui dénier. Comprenant qu’on ne terrorise pas assez en se contentant de remontrances et d’accusations, il lui fallait nommer, voire “illustrer”, le péril : le sionisme qui aurait, à l’en croire, trouvé de sérieux soutiens en Algérie. Cela devrait être imparable, pensait sans doute Ouyahia. Mais le stratagème n’a pas beaucoup de chances de fonctionner : les Algériens le connaissent tellement, désormais, et savent que c’est précisément lorsque le pouvoir est pris de panique qu’il songe à faire de la peur… un instrument de “stabilité”. Ils savent aussi que dans la langue du pouvoir, stabilité veut dire statu quo.