La NSA, les yeux et les oreilles des Etats-Unis
Qu’ils soient des alliés, des amis ou de simples partenaires, les pays qui comptent sur la planète sont soumis au même registre, dans une guerre de l’ombre sans merci.
Paris a accusé le coup après les révélations de WikiLeaks sur les écoutes par l’agence de renseignements américaine NSA des trois présidents français Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande. Quelques mois à peine après les révélations de même nature qui ont quelque peu altéré les rapports entre la chancelière allemande Angela Merkel et Barack Obama, qui s’était aussitôt engagé à encadrer les activités de cette officine, c’est le tour des dirigeants français d’apprendre à leurs dépens qu’en matière d’intelligence politico-économique il n’y a pas de tabou.
Qu’ils soient des alliés, des amis ou de simples partenaires, les pays qui comptent sur la planète sont soumis au même registre, dans une guerre de l’ombre sans merci. Les Américains n’ont à ce sujet aucun état d’âme et il faut être particulièrement naïf pour s’imaginer faire partie de leur sérail inviolable. D’ailleurs, ils ont trouvé sur ce plan des rivaux de taille, si l’on peut dire, puisqu’ils ont eux aussi fait les frais de l’espionnage au profit de leur meilleur allié au Moyen-Orient, Israël. L’affaire avait fait grand bruit, à l’époque, et même si elle a passablement défrayé la chronique, elle a vite été étouffée, moyennant une condamnation «exemplaire» de l’officier félon qui transmettait à Te- Aviv les données secrètes sur les armes nucléaires et l’aviation de guerre US.
En fait, la «surprise» française n’est pas aussi sincère qu’elle veut bien le faire croire. Depuis la mésaventure de Merkel, qui succédait à celle de Berlusconi alors président du Conseil italien, il fallait bien se douter que d’autres dirigeants occidentaux avaient fait l’objet d’attentions identiques et que ce soit Paris, Bruxelles, Bonn ou Londres, chacun devait envisager sereinement la possibilité d’une affaire similaire.
Réaction minimale, une fois le choc digéré, le gouvernement va envoyer un haut responsable du renseignement français «dans les jours qui viennent» aux Etats-Unis pour parler avec les autorités des révélations sur l’écoute de trois présidents par les Américains. Le «coordonnateur du renseignement français» en poste à la présidence française, Didier Le Bret, devra «faire le point sur l’ensemble des dispositions actées par la France et les Etats-Unis» en matière d’espionnage, a déclaré le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, à l’issue du Conseil des ministres hebdomadaire. Simple réplique minimale, cette mission visera davantage à tenter de cerner les dégâts commis par la NSA dans l’infiltration des décisions les plus importantes du gouvernement français à condition, bien sûr, que les Américains veuillent bien tout avouer. Ce qui n’est pas assuré. Car, à en croire WikiLeaks, d’autres révélations vont être prochainement diffusées, qu’elles soient de nature économique ou autres. Avec 200 millions de documents dans sa boîte à malices, Wikileaks a encore de beaux jours devant lui pour sonner le glas dans plusieurs capitales, au gré de l’humeur de ses dirigeants.
Pour l’heure, le président français François Hollande a averti hier que son pays «ne tolèrerait aucun agissement mettant en cause sa sécurité», tout en qualifiant d’«inacceptable» l’espionnage de trois de ses chefs d’Etat pendant des années par les Etats-Unis.
Réunion en urgence d’un Conseil de défense, convocation de l’ambassadrice américaine à Paris, envoi d’un haut responsable du renseignement aux Etats-Unis, François Hollande tente d’afficher une certaine mauvaise humeur après la publication de documents WikiLeaks, mardi soir, par deux médias français, Libération et le site Mediapart, qui mettent en cause Washington, mais quel impact ces réactions peuvent-elles avoir sur les rapports entre une France devenue totalement atlantiste depuis l’arrivée de Sarkozy et des Etats-Unis qui ont assuré, plus que jamais, leur mainmise sur le monde? Assurément, peu de chose. La seule riposte qui puisse compter, c’est celle qui consistera à balayer devant sa porte.