La nomination du nouveau premier ministre est contestée : Maladroitement, la libye s’efforce de sortir de l’impasse

La nomination du nouveau premier ministre est contestée : Maladroitement, la libye s’efforce de sortir de l’impasse

La nomination d’Ahmed Miitig, 42 ans, devant remplacer Abdallah Al-Thenni qui a démissionné de son poste de Prermier ministre n’est pas le résultat d’une élection normale, loin s’en faut. Le vote, dimanche dernier, s’est déroulé dans une confusion totale. Dans un premier temps, le premier vice-président du Parlement annoncera dans la soirée l’invalidité de l’élection après la clôture du vote et le maintien à son poste de M. Al-Thenni.

Une heure plus tard, l’élection sera rouverte pour les députés retardataires par le deuxième vice-président, permettant ainsi à M. Miitig d’être nommé Premier ministre. Sa victoire sera annoncée par la Télévision publique, mais contestée par des députés qui accusent les islamistes soutenant Miitig d’avoir exercé des pressions pour prolonger l’élection alors que la session était clôturée rendant le nouveau décompte irrecevable

Décidément, la Libye n’arrive toujours pas à sortir de l’impasse politique dans laquelle elle s’est engouffrée depuis la chute du régime de Kadhafi en 2011. La dernière tentative de remettre de l’ordre dans la direction du pays a abouti à une déplorable débâcle. La nomination d’un nouveau Premier ministre, Ahmed Miitig, 42 ans, devant remplacer Abdallah Al-Thenni qui a démissionné de son poste, a débouché sur une situation inédite : la Libye s’est réveillée, hier, avec deux Premiers ministres. Le Parlement libyen, le Congrès général national (CGN), a bien ratifié, hier, la nomination de M. Miitig comme Premier ministre, par une décision signée par son président, Nouri Abou Sahmein, qui stipule que «Ahmed Omar Miitig est nommé Chef du gouvernement de transition et chargé de former son cabinet et le présenter au CGN pour obtenir sa confiance dans un délai de 15 jours».

Mais cette nomination n’est pas le résultat d’une élection normale, loin s’en faut. Le vote, dimanche dernier, s’est en effet déroulé dans une confusion totale. Dans un premier temps, le premier vice-président du Parlement, Ezzedine Muhammad Yunus Al-Awami, annoncera dans la soirée l’invalidité de l’élection après la clôture du vote au cours duquel Ahmed Miitig n’a obtenu que 113 voix alors qu’il lui en fallait 120 au minimum, et le maintien à son poste de M. Al-Thenni.

Ce dernier prend acte de la décision, et décide, en vertu de la loi, de continuer d’assumer ses fonctions. Mais une heure plus tard, l’élection sera rouverte pour les députés retardataires par le deuxième vice-président, permettant ainsi à M. Miitig d’atteindre 121 voix, pour prêter serment tout de suite après. Sa victoire sera annoncée par la télévision publique, mais contestée par des députés qui accusent les islamistes soutenant Miitig d’avoir exercé des pressions pour prolonger l’élection en demandant un vote de confiance à main levée en faveur de leur candidat alors que la session était clôturée rendant le nouveau décompte irrecevable.

«La séance a déjà été levée. Ce qui se passe est illégal», a déploré Omar Hmidan, le porte-parole du CGN, cité par la presse. «J’ai voté pour Ahmed Miitig, mais il n’a pas réuni les 120 votes requis. Ils ont permis à des députés qui étaient absents pendant la séance de voter ensuite pour atteindre la majorité requise, alors que le vote était clôturé. Ce n’est pas légal. Nous allons exercer un recours», a déclaré la députée indépendante Fatima Al-Majbari, ancienne membre de l’Alliance des forces nationales (libéral). «Le vote de confiance aurait dû être secret. Les députés islamistes, nombreux au sein du Parlement, ont imposé un vote à main levée.

C’est une manière d’exercer des pressions sur les députés ou de les empêcher d’exprimer leur opinion. C’est inconstitutionnel et très dangereux pour la démocratie. Aujourd’hui, ils ont pris le pouvoir par la force», renchérira le chef du bloc parlementaire de la libre opinion qui demandera également le maintien du Premier ministre démissionnaire, menaçant de bloquer avec son groupe de 36 parlementaires tout accord sur le budget 2014, toujours suspendu à un vote du Parlement en cas de prise de mandat de M. Miitig.

Evidemment, les partisans d’Ahmed Miitig, bien que ce soit un novice en

politique, lui prêtent des atouts qui contrebalanceront sa méconnaissance de la chose politique. En plus de sa jeunesse, ils soutiennent qu’il présente un programme réaliste et unificateur, et ça ne peut que plaire aux Libyens qui désespèrent de voir l’économie de leur pays repartir et la sécurité revenir. Pour le Parti de la justice et de la reconstruction (PJR), qui est le bras politique de la confrérie des Frères musulmans libyens, a défendu la validité du vote qui a porté son candidat à la tête du gouvernement qu’il veut avoir en main, «on choisit un candidat qui mènera les six derniers mois de transition.

Ahmed Miitig a la capacité de mener cette transition à bien : il vient de Misrata, il a été révolutionnaire, il a l’éducation et l’expérience, une capacité à communiquer et son programme est clair. Il a été le meilleur lors de la présentation des programmes et surtout, le seul à parler de la Libye en 2014-2015 et non de la Libye de l’an 3000». «Il est jeune, représente la jeunesse. C’est un homme d’affaires, ce qui est bien, car on a besoin de relancer l’économie pour rétablir la sécurité. Ce n’est pas le candidat d’un parti ou d’un courant politique, mais il est très soutenu par le PJR et par l’Alliance des forces nationales», dira un député du bloc Al-Wafa, qui compte parmi ses membres des figures djihadistes du Groupe islamique combattant en Libye (Gicl).

Ahmed Miitig, qui est le cinquième et le plus jeune des Premiers ministres à être nommé à ce poste depuis 2011, a fait carrière dans les affaires, après avoir étudié l’économie et le droit international à Parme puis à Londres. Né en 1972 dans la ville portuaire de Misrata, la capitale économique du pays, il a grandi à Tripoli où il gère l’entreprise familiale qui est présente dans la distribution, l’hôtellerie et les infrastructures notamment. M. Miitig a également la caution du révolutionnaire. Il a fait partie de la Coalition révolutionnaire du 17 février de Tripoli pendant le soulèvement libyen et aurait bonne presse chez les milices, notamment celles de sa ville natale, Misrata, et de Tripoli. Et quand on sait le poids des milices sur la scène libyenne, on peut mesurer l’atout que ça représente pour le nouveau Premier ministre qui, si l’imbroglio sur sa nomination est levé, aura cependant d’énormes défis à relever. Le premier est sans doute l’instabilité institutionnelle que vit le pays.

Déjà, sa nomination est remise en question aussi bien par des politiques que par de simples citoyens. Un observateur, cité par le Monde, fera ainsi remarquer que le CGN est hors-la-loi, son mandat ayant expiré le 7 février dernier, et ne peut donc nommer un Premier ministre. «Conformément à la déclaration constitutionnelle transitoire, on aurait dû voter pour un autre Parlement, et donc un autre gouvernement. C’est le courant de l’islam politique qui veut faire durer ce Parlement car il sait que le peuple ne veut plus de lui et qu’il perdra aux prochaines élections», argue-t-il. Il s’agira donc pour M. Miitig d’asseoir sa position avant de s’attaquer aux autres chantiers qui ne sont pas de moindre importance.

L’opposition, les milices armées et des groupes de populations sont à couteaux tirés et n’arrivent toujours pas à s’entendre pour l’instauration d’un Etat solide capable d’administrer la Libye et ses quelques huit millions d’habitants. Les berbères dans le sud-ouest de la Tripolitaine revendiquent la reconnaissance de leur identité amazighe. Plus au sud, au Fezzan, leurs cousins, les Touareg, réclament la citoyenneté à part entière que Kadhafi leur a toujours refusée, alors que dans l’extrême sud du Fezzan les Toubous menacent carrément de faire scission et de former un gouvernement du Sud libyen. Quant aux fédéralistes, en Cyrénaïque, ils demandent l’autonomie de la région, avec un système fédéral.

Ces tensions et l’insécurité en découlant ont impacté l’économie libyenne qui est en panne depuis quatre ans. Les investissements sont à l’arrêt, l’activité économique est en catalepsie et les exportations pétrolières libyennes se sont effondrées passant de 1,5 million barils/jour en 2011 à 235 000, selon la compagnie d’Etat, la NOC. C’est tous ces chantiers herculéens que le jeune Ahmed Miitig devra engager et mener à terme. Et ce n’est pas gagné d’avance.

H. G.