La contestation contre le président égyptien Hosni Moubarak est montée d’un cran, mardi 8 février, avec de nouvelles manifestations, qui ont réuni des centaines de milliers de personnes au Caire et en province. Ce sont les manifestations les plus importantes depuis le début du mouvement, le 25 janvier, qui vise à chasser le président. Au pouvoir depuis le 14 octobre 1981, Hosni est aujourd’hui âgé de 82 ans.
Au Caire, la place Tahrir, épicentre de la révolte, était noire de monde. La mobilisation ne montrait aucun signe d’essoufflement malgré les nuits fraîches, la fatigue et les conditions de vie spartiates sur ce rond-point devenu un village de tentes retranché.
Par ailleurs, la foule a réservé un accueil triomphal au cybermilitant et cadre de Google Wael Ghonim, libéré lundi 07 février après douze jours passés « les yeux bandés » aux mains des très redoutés services de sécurité d’Etat. « J’aime à appeler ça ‘la révolution Facebook’, mais après avoir vu les gens ici, je dirais que c’est la révolution du peuple égyptien. C’est formidable », a lancé Wael, entouré par des milliers de manifestants. « Je ne suis pas un héros, vous êtes les héros, c’est vous qui êtes restés ici sur la place », a-t-il ajouté.
Face à la contestation, le régime égyptien de Moubarak a offert une série de concessions aux manifestants, mais rien qui remette en cause vraiment sa mainmise sur le pays.
Le vice-président Omar Souleimane, un ancien chef du renseignement rompu aux négociations internationales, a promis de mettre en œuvre des changements. Mais beaucoup estiment qu’il veut surtout diviser l’opposition.
Pour Zakariya Abdel-Aziz, un juge qui soutient les manifestants, les concessions du gouvernement ne sont que « du vent ». « Tout ce que fait le régime, c’est monter les gens les uns contre les autres. L’objectif est de gagner du temps. »
« Nous sommes dans une phase angoissante », estime Wael Abdel-Fattah, un chroniqueur partisan de la réforme. « Le régime sort la grosse artillerie, utilisant la guerre psychologique, terrorisant (les manifestants), les isolant de la société et diffusant l’idée d’un Moubarak » paternel, pour convaincre l’opinion qu’il doit rester pour guider la transition.
Les concessions du régime auraient été inimaginables il y a seulement trois semaines. Hosni Moubarak, 82 ans, a annoncé qu’il ne briguerait pas un nouveau mandat en septebre, et M. Souleimane a promis que le fils du raïs, Gamal, ne chercherait pas à succéder à son père.
L’impopulaire ministre de l’Intérieur a été remplacé, de même que la direction du Parti national démocratique (PND), qui reste toutefois dirigé officiellement par M. Moubarak.
Omar Souleimane précise que toute proposition de réforme est ouverte à la discussion et a accepté de parler avec le mouvement islamiste interdit des Frères musulmans, principal mouvement d’opposition. Mais concrètement, le régime a seulement changé des têtes jusqu’ici.
Des réformes plus profondes impliqueraient de s’attaquer aux puissants piliers du pouvoir: le PND, l’armée et les forces de sécurité. La Constitution consacre la domination du PND, lui permettant de déterminer qui peut former un parti et se présenter à la présidence.
Le PND contrôle également la presse et la télévision, ainsi que les administrations et compagnies publiques qui emploient des millions d’Egyptiens. Ammar Ali Hassan, un politologue égyptien, souligne que des millions de personnes bénéficient du régime et veulent le statu quo.
Les partisans de la contestation craignent que le gouvernement ne cherche à saper la révolte. Sur la place Tahrir, de nombreux manifestants ont signalé lundi la présence de policiers en civil, les accusant de prendre des photos des protestataires pour tenter de les intimider.
Sur Internet, une campagne semble avoir été lancée pour inonder les sites et pages Facebook pro-manifestations de propagande gouvernementale et de commentaires de partisans du régime.