Un homme de culture et d’action
Certains le décrivent comme le champion de la cause palestinienne, d’autres dressent de lui un portrait fort élogieux, en le comparant à Ché Guevara.
Sa passion c’était le théâtre. L’amour qu’il avait pour les planches n’avait, d’ailleurs, d’égal que l’intérêt sans faille qu’il vouait au monde du spectacle et de la culture.
Comme beaucoup d’Algériens de son âge, à l’époque, il caressait le rêve de devenir un grand acteur sur scène. Mais le destin en décida autrement. Au lieu de faire carrière dans le théâtre qui lui tendait pourtant les bras, il se lança, contre toute attente, dans le monde de la politique, en servant d’abord dans les rangs du FLN et de la révolution, avant d’épouser une autre cause tout aussi noble, à savoir la cause palestinienne dont il deviendra, rapidement, un ardent défenseur et une des figures emblématiques. Mohamed Boudia n’est peut-être pas prophète en son pays, mais pour les Palestiniens, c’est un monstre sacré et un héros qui a contribué grandement à la lutte de libération, qu’ils mènent depuis 1948.
Assassiné le 26 juin 1973, à Paris, par le Mossad qui l’avait fiché «ennemi public n°1» après les attentats perpétués en Europe dans les années 1970, particulièrement l’attaque sanglante ayant visé les athlètes israéliens lors des Jeux olympiques de 1974, le nom de Boudia restera à jamais gravé dans les mémoires. Afin de lui rendre hommage, le Forum de la mémoire, en collaboration avec l’association Mechaâl Echahid, a organisé hier une «conférence historique sur l’engagement de Mohamed Boudia durant la révolution et son soutien à la cause palestinienne.» Premier orateur à prendre la parole, l’historien Mohamed Abbas qui dresse de lui un portrait très élogieux en le présentant comme «un authentique patriote qui n’a pas hésité à sacrifier sa vie pour servir une cause juste.» Après avoir retracé brièvement son parcours, d’abord en tant que homme de scène qui aimait beaucoup le théâtre, puis en tant que militant de la première heure qui s’était engagé dans les rangs de la révolution, le conférencier a évoqué, ensuite, dans quelles conditions Mohamed Boudia avait quitté le pays et comment il avait rejoint les rangs de l’Organisation de libération de la Palestine.
«Boudia faisait partie de la troupe culturelle du FLN qui était installée à Tunis. Après l’indépendance, il a créé avec Mustapha Kateb le Théâtre national algérien, mais le coup d’Etat du 19 juin 1966 qui renversa le président Ben Bella dont il était un admirateur, l’obligea à se réfugier en France. Là il fait la connaissance de militants palestiniens et ne tarda pas à épouser leur cause», a-t-il confié.
Selon lui, Mohamed Boudia hantait les nuits des services de renseignement occidentaux et empêchait le Mossad de dormir, surtout après l’attentat de Munich. Pour Maître Hocine Zahouane qui l’a connu après le cessez-le-feu de 1962, «Mohamed Boudia était à la fois, un homme de culture et un grand militant. Après l’indépendance, il est désigné à la tête du TNA, mais les événements douloureux de juin 1965 et l’arrivée de Boumediene au pouvoir, le contrarièrent et le poussèrent à quitter le pays pour aller s’installer en France», a-t-il fait savoir.
Selon le conférencier, M.Boudia nallait pas mettre beaucoup de temps pour susciter la méfiance des services de renseignement israéliens qui cherchaient à mettre la main sur lui, l’accusant d’être à l’origine des nombreux attentas perpétrés par l’organisation palestinienne «septembre noir» en Europe.
Pour lui, ce sont les services de renseignement français qui ont mis au parfum le Mossad qui a préparé l’attentat ayant causé sa mort. «Mohamed Boudia savait qu’il était épié et que pour échapper à ses ennemis, il devait vite quitter le territoire français, mais en retardant son départ, il a donné l’occasion au Mossad qui le suivait à la trace grâce à une puce qu’il avait installé sur son véhicule pour actionner la bombe qui le tua sur le coup», a-t-il révélé. Hôte, lui, aussi, du Forum d’El Moudjahid, l’ambassadeur de Palestine à Alger, M.Hocine Abdelkhalek compare Mohamed Boudia à Ché Guevara, en raison de son militantisme et de son dévouement aux causes justes dans le monde.
«Boudia est un grand martyr de la cause palestinienne. J’invite les générations montantes à perpétuer sa mémoire, car c’est un exemple de militantisme et de sacrifice.»