Les kidnappings en Kabylie ? Des « cas isolés », minimisait lundi 23 mai Dahou Ould Kablia, le ministre de l’Intérieur pour qui ces enlèvements ne sont pas propres à une région donnée. Le propos du ministre sont d’une légèreté déconcertante alors que deux otages sont encore entre les mains de leurs ravisseurs plus de 10 jours après leurs enlèvements.
Depuis plus de cinq ans, il ne se passe un mois sans que l’on signale un rapt dans les localités de Kabylie. Patrons d’entreprises, commerçant, industriels, gosses de riches, immigrés ou fils d’immigrés de France, les groupes armés frappent directement à la poche à tel point que le kidnapping est devenu une vraie industrie.
Au cours de l’année 2007, les autorités algériennes avaient enregistré 375 rapts: 115 liés au terrorisme et 260 au droit commun, révélait en mai 2007 l’ex-ministre de l’Intérieur, Yazid Zerhouni qui a cédé sa place en mai 2010 à Dahou Ould Kablia.
Le volume global des sommes d’argent exigées par les kidnappeurs concernant les cas d’enlèvements commis par les terroristes avait été évalué à à l’époque à 6 milliards de dinars (83 millions de dollars) dont 1,20 milliard ont été payés par les proches des victimes, révélait encore le ministre de l’intérieur.
Depuis, le phénomène n’as pas reculé. S’il touche l’ensemble du pays, l’industrie du rapt tisse sa toile particulièrement autour de quatre wilayas du centre du pays : Boumerdes, Tizi Ouzou, Bejaia et Bouira.
Dans cette région, réputée fief des terroristes Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), se côtoie plusieurs groupes : vrais terroristes, faux djihadistes, escrocs, voyous et bandits de tous acabits. C’est que le business rapporte gros et chacun trouve son compte. Sauf les victimes.
Bien qu’on dénombre 64 rapts en Kabylie, les ravisseurs passent rarement à l’acte fatidique – excepté deux ou trois cas-, les familles préfèrent payer de fortes rançons plutôt que faire courir des risques à l’otage.
Totalement livrées à la merci des ravisseurs, elles n’ont pas d’autres choix que de payer. Très souvent, les services de la police sont sciemment tenus à l’écart par les familles pour ne pas compromettre la vie des otages.
Alors que le phénomène se banalise, de l’avis général, la population locale s’interroge sur la capacité des services de sécurité, dont les moyens d’écoute, de surveillance, de filature ne sont pas négligeables, à mettre un terme aux enlèvements.
A vrai-dire, la persistance de l’activisme terrorisme, l’implication des familles des victimes et le modus operandi des kidnappeurs, compliquent davantage la tache des services de sécurités qui s’avouent impuissants à juguler le phénomène. Très souvent, police et gendarmerie sont sciemment tenues à l’écart par les familles pour ne pas compromettre la vie des otages.
Actes de banditisme ou rapts organisés par des groupes terroristes affiliés à Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), ces enlèvements provoquent la colère des populations autant qu’ils font fuir les entrepreneurs dans cette région déjà durement touchée par les émeutes du printemps 2001..
De nombreux industriels ont fini par délocaliser leurs business pour ne pas subir le diktat des bandes armées. Et rien n’est dit que la série noire des kidnappings va s’estomper.
En attendant, le ministre de l’Intérieur peut toujours les qualifier d’actes isolés.