La loi sur le règlement budgétaire est finalement adoptée. Après de longues années d’attente, le budget de l’Etat et ceux des secteurs qui y sont rattachés seront soumis à la loupe du contrôle.
Le ministère des Finances évoque la modernisation des outils de contrôle budgétaire, alors que la Cour des comptes, qui assure pleinement ses prérogatives de diagnostic des budgets, relève l’inadéquation de la gestion des fonds spéciaux par rapport aux normes standard.
La transparence et la rigueur des dépenses publiques seront désormais les attentes pour cette année qui sera un test pour les pouvoirs publics qui permettra de savoir si ces derniers tiendront leurs promesses concernant ce dossier.
Le contrôle des dépenses publiques est plus que jamais d’actualité. La nouvelle année s’annonce décisive pour la mise en place des outils de contrôle budgétaire et de leur rationalisation. Le ministère des Finances, après différents rapports, a structuré les nouveaux mécanismes instaurant «vérification et audit des comptes dans les principaux secteurs de l’Etat». Ainsi, après une longue hésitation, voici le temps venu pour que la loi sur le règlement budgétaire, qui va devenir le mécanisme institutionnel de contrôle, entre en lice.
Ce n’est pas une première, puisque la Constitution consacre l’article 164 qui stipule le rôle du contrôle parlementaire, en obligeant le gouvernement à fournir des rapports détaillés sur l’utilisation des budgets durant l’année. Considérée certainement comme une loi caduque et sans vigueur depuis des années, les turbulences et l’impact de la crise mondiale sur la baisse des recettes de l’Etat font que le contexte soit favorable à la rationalisation des dépenses publiques. Des milliards de dinars sont engloutis parfois dans des dépenses de prestige et des projets qui se voient toujours relégués aux calendes grecques, alors que sous d’autres cieux, l’argent public est sévèrement contrôlé et préservé des abus et dérives dépensières. Au stade où l’on est, c’est le premier argentier du pays qui est sorti de sa réserve pour annoncer à la fin de l’année écoulée que désormais son secteur va «moderniser le système budgétaire où il est question d’informatiser l’exécution de la comptabilité pour une remontée de l’information vers un point central».
C’est un aspect de toute une série de mesures qui visent globalement à mettre sur selle «l’audit comptable du budget de l’Etat». Ces derniers temps, le ministre des Finances, M. Djoudi, a été interpellé sur la gestion des comptes d’affectation spéciaux qui, selon certaines sources, sont «gérés de manière opaque et peu efficace». Le ministre des Finances, alors qu’aucune infraction ou irrégularité n’a été relevée par la Cour des comptes dans son ultime rapport de l’année, ne cache pas son inquiétude quant au doute qui plane sur l’efficacité de la gestion des deniers publics concernant certains secteurs. C’est donc le moment propice pour valider la loi sur le règlement budgétaire dont le retard de son application, depuis 2008, ne constitue pas un sérieux frein pour son adoption en tant que mode opératoire pour cette année.
Au contraire, le dernier débat à l’APN a montré que ce projet de loi pose évidemment «le problème de la mauvaise gestion de l’argent public» et le caractère «injuste de la répartition budgétaire sur le différentes régions du pays. Le problème reste éminemment politique même s’il est présenté sous ses formes techniques les plus froides. Les chiffres de ce côté manquent cruellement du moment que les contrôles budgétaires de l’année pour tous les secteurs ne sont pas rendus publics.
Et l’on ne s’en offusque pas si la Chambre basse est victime d’un «déficit de chiffres», alors que les indices des budgets de fonctionnement et d’équipement figurent en première ligne à chaque fois dans les lois de finances. Sur un autre plan, le déficit du Trésor qui est passé à 7,1 %, selon le directeur des prévisions du ministère des Finances, s’explique par «l’impact négatif de la crise mondiale sur les finances publiques de l’Algérie», a indiqué le rapport de la commission des finances présenté hier à l’APN. Il relève que l’année dernière, il y a eu «l’amortissement de 41 % des recettes budgétaires suite à la baisse des prix du pétrole sur les marchés mondiaux». De quoi mettre plus d’ordre dans les prochaines dotations budgétaires.
Le plan de rigueur budgétaire lancé
Avec 8 000 milliards de dinars comme dépenses publiques, l’année 2012 sera celle de la rigueur budgétaire. D’ores et déjà, M. Karim Djoudi a pris la décision de baisser de 10 % ces dépenses craignant surtout les répercussions de la crise euro durant cette année. Les prévisions d’une expansion budgétaire telle qu’annoncée par le FMI dans ses perspectives de l’économie mondiale devraient correspondre à «une baisse des transferts sociaux et des salaires qui prennent une allure expansionniste dans le contexte d’une croissance de 3,5 %».
C’est le cas de l’Algérie qui est évoqué. Au niveau du Parlement algérien, on s’attaque toujours aux «sommes supplémentaires demandées par les responsables de certains secteurs», note une députée du FLN. Un député d’El-Islah ne va pas par quatre chemins pour exhorter «les autorités compétentes à installer de véritables organismes de contrôle pour mettre un terme à la «mafia« qui est en train de gaspiller l’argent public».
Dans la foulée, les députés qui ont tenu la réunion sur la loi sur le règlement budgétaire ont approuvé la révision de la loi 84-17 du 7 juillet 1984 relative aux finances. Cette loi n’est pas caduque mais il serait judicieux de la réaménager car dans le fond, elle constitue «l’un des outils de contrôle de la gestion des fonds publics et de la consécration de l’exercice de bonne gouvernance, ainsi que le principe de séparation des pouvoirs». Mais comment l’Assemblée parlementaire peut-elle véritablement contrôler les budgets alloués à l’Exécutif ? Au sein de l’APN, les députés ont pleinement le droit d’interroger verbalement les ministres en exercice sur les motifs des dépenses de leurs secteurs et de postuler par écrit les «questions sur la dépense quand celle-ci est consacrée à un projet de développement». Il existe également des mesures de contrôle permettant à l’APN d’avoir accès au bilan de l’année et d’effectuer un comparatif entre les projets et les réalisations. Mais dans les faits, l’exercice oratoire du député ne porte que sur le contenu de la loi de finances.
Cette année, c’est le ministre des Finances qui a écouté d’une oreille attentive les propositions de la loi sur le règlement budgétaire qui clôt l’exercice budgétaire de l’année. Il s’avère crucial «de faire baisser certaines dépenses inutiles dans certains secteurs». C’est également la première fois que les parlementaires obtiennent des chiffres détaillés sur les comptes d’affectation spéciaux, tout en appelant à consacrer plus de transparence dans la gestion de ces montants parfois fortement dotés. Pour faire mieux, la baisse des allocations de ressources devrait, selon un expert financier, consacrer «une partie des dépenses qui est destinée à l’ancien programme quinquennal, alors qu’une autre partie devra être réservée au nouveau programme 2010-2014». En d’autres termes, cette baisse dans les dépenses des budgets de fonctionnement devra être réorientée vers les secteurs nécessitant un appui pour les gros projets. L’Etat compte sur la Caisse nationale d’équipement pour le développement afin de mieux gérer l’argent injecté dans les grands projets, dont le budget dépasse les 200 millions de dinars.
Transparence et équilibre des budgets
Un début de rationalisation des budgets sectoriels vient d’être entamé par l’Exécutif. Hormis les projets inscrits dans le cadre du plan quinquennal 2010-2014, toutes les dépenses publiques seront revues à la baisse. Lors du dernier débat à l’APN consacré à la loi sur le règlement budgétaire, Sidi M’hamed Ferhane, directeur général des prévisions du ministère des Finances, a annoncé que «trois nouveaux systèmes de prévisions économiques sont sur le point d’être adoptés». Ces nouveaux systèmes permettent de prévoir les crises économiques et d’en mesurer l’impact avec une prise de décision rapide et efficace.
Défini comme «modèle d’équilibre général algérien», il s’agit d’une nouvelle génération de modèles plurisectoriels d’analyse des facteurs importants en matière de prise de décisions d’affectations des ressources. Le deuxième modèle s’inscrit comme «modèle algérien de simulation et de prévisions macroéconomiques ou MASPMF». Ce dernier sera basé sur «des scénarios envisagés à travers la reproduction du passé». Le troisième système qui entrera en vigueur sera assimilé comme «modèle d’analyse des facteurs influents sur l’économie où il utilise les séries chronologiques des prévisions à court et moyen termes», souligne le directeur général. Il convient de noter que ce système permettra de traiter «les données mensuelles et trimestrielles concernant la main d’œuvre, la production, les salaires, le prix et la monnaie». Le DG des prévisions souligne que le ministère des Finances travaille en partenariat avec un bureau d’études au Canada sur une approche qui prendrait en compte les spécificités de l’économie algérienne avec l’application du calcul économique comme base centrale des prévisions. Toutefois, pour une intégration aux normes standard d’efficacité, l’expérimentation de ces 3 modèles a été simulée durant toute l’année 2011. Il convient de rappeler que Karim Djoudi n’a pas contredit le rapport de la Cour des comptes sur la gestion des fonds spéciaux au nombre de 70.
Il a plutôt nuancé ses propos, en déclarant que «le rapport mentionne une insuffisance légale dans la gestion de ces fonds et des appréciations sur leur inefficacité». Du coup, quelques parlementaires ont exigé des «chiffres transparents sur les montants alloués à ces fonds» qui, généralement, ne se clôturent pas avec des exercices ou des bilans.
La partie sensible dans ces options est d’offrir un cadre transparent pour les budgets quels que soit leur montant. D’ores et déjà, les chiffres sur les dépenses de fonctionnement, d’équipement, les dotations sectorielles et les autorisations de programme seront diffusés à toutes les institutions. Ce qui est déjà un début prometteur. «Le budget est clair et dûment retranscrit dans les documents officiels. Tous les députés connaissent dans le détail les dépenses de l’Etat, selon les saisons», affirme un cadre du ministère des Finances. Mais il reste à relever «certains détails sur des enveloppes destinées aux projets superflus», insiste le même responsable. Le plus important est «d’inclure les magistrats de la Cour des comptes en amont des discussions sur le budget», souhaite Abderahmane Saci, magistrat à la même cour. Une attente qui mettra à nu certaines dérives dans la gestion du budget de l’Etat. Dossier de Faycal Abdelghani