La puissance de feu des puissances occidentales continue de s’abattre sur la Libye, malgré le cessez-le-feu unilatéral décrété par le colonel Khadafi.
Les puissances occidentales ont lancé dans la nuit du dimanche au lundi une deuxième vague d’attaques aériennes sur la Libye après avoir stoppé l’avancée des forces de Mouammar Kadhafi vers Benghazi et endommagé une partie des défenses antiaériennes du pays.
Les bombardements de la coalition internationale ont touché le cœur de Tripoli dans la nuit de dimanche à lundi, leur but étant aussi de couper les lignes de ravitaillement de ses forces pour les empêcher de se battre contre l’opposition. Un bâtiment du complexe de Kadhafi situé dans la capitale libyenne a été détruit par un tir de missile cette nuit. Les opérations aériennes françaises, elles, ont repris hier matin, indique le ministère de la Défense. Pour le gouvernement libyen, « la coalition internationale et les rebelles viole le cessez-le-feu » annoncé à nouveau dimanche soir par les forces militaires, selon des sources au ministère de la Défense citées par l’agence officielle Jana.
« Les autres parties n’ont pas respecté le cessez-le-feu. Les bombes et les missiles continuent à viser la Libye, tandis que les terroristes d’Al-Qaïda continuent leurs attaques armées », ont déclaré ces sources. « Les bombes et les missiles des agresseurs ont tué des dizaines de civils, au moment où la Libye respecte un cessez-le-feu total », ont-elles ajouté. Tandis qu’un diplomate a déclaré à l’AFP qu’une réunion à huis clos du Conseil de sécurité sur la Libye devait avoir lieu probablement, et cela sur fond de dissension de la communauté internationale sur les objectifs assignés à la résolution 1973 de ce même conseil de sécurité de l’ONU.
Réunion du Conseil de sécurité
Les consultations à huis clos prévues au Conseil de sécurité de l’ONU ont été réclamées par la Chine qui préside le Conseil de sécurité ce mois-ci, en réponse à une lettre de la Libye et une demande de la Russie, a précisé un diplomate. L’objectif de « déloger » le colonel Kadhafi du pouvoir a été « clairement énoncé » par la communauté internationale, a déclaré le Premier ministre belge, Yves Leterme, alors que des hauts responsables américains ont semblé dire le contraire. Le chef d’état-major de l’armée britannique, le général David Richards, lui, a exclu, hier, que les forces de la coalition prennent directement pour cible le colonel Kadhafi en Libye, contrairement à ce qu’avaient pu laisser entendre deux ministres, dont celui de la Défense. Interrogé sur ce sujet par la BBC, le chef d’état-major a répondu: « Absolument pas. Ce n’est pas autorisé par la résolution de l’ONU et je ne veux pas en discuter plus ».
Les volte face
Le secrétaire général de la Ligue arabe ne sait plus si l’organisation qu’il dirige est pour ou contre l’intervention étrangère en Libye. « Ce qui s’est passé en Libye diffère du but qui est d’imposer une zone d’exclusion aérienne, et ce que nous voulons c’est la protection des civils et pas le bombardement d’autres civils », avait-il déclaré dimanche à des journalistes. Coup de théâtre un jour plus tard, le chef de la Ligue arabe affirme que ses propos ont été « mal interprétés ».
« Nous sommes engagés envers la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l’ONU, nous n’avons pas d’objection à cette décision, surtout qu’elle n’appelle pas à une invasion du territoire libyen », a-t-il déclaré. « Nous travaillons en coordination avec les Nations unies pour protéger les civils en Libye », a-t-il ajouté. Le Premier ministre russe a été pour sa part constant des les positions de la Russie et a été plus loin en critiquant les termes de la résolution 1973. Vladimir Poutine a comparé la résolution de l’ONU autorisant une opération militaire en Libye aux appels à la croisade du Moyen-Âge.
« La résolution est déficiente et imparfaite », a déclaré le Premier ministre russe à des ouvriers d’une fabrique de missiles balistiques. « Elle permet tout. » Critique tout aussi acerbe du Premier ministre bulgare Boïko Borissov. « Le pétrole et l’exploitation future du pétrole libyen sont les principaux motifs derrière la conduite de cette opération.
Il y a de nombreux pays africains où des centaines de milliers de personnes ont été tuées, où des troubles sont en cours, mais où il n’y a pas d’opérations », a ajouté M. Borissov. Le dirigeant de droite a estimé qu’un « blocus économico-financier » aurait forcé le colonel Mouammar Kadhafi à « se retirer plus rapidement ». Les bombardements de la coalition étrangère sont de nature à provoquer des dommages collatéraux.
C’est l’avis du ministre indien des Affaires étrangères qui a appelle à la fin des raids aériens sur la Libye, estimant que les attaques « vont entraîner des dommages pour des civils innocents, des citoyens étrangers et des missions diplomatiques ainsi que leurs personnels qui sont toujours en Libye ». L’Italie, elle, refuse qu’une « guerre » soit menée par la coalition en Libye, a déclaré Franco Frattini, ministre italien des Affaires étrangères.
Probable intervention de l’Otan
Le guerre ne semble pas être sur le point de s’arrêter. L’Otan est sur le point d’apporter sa contribution. Selon, Alain Juppé, ministre français des Affaires étrangères, l’Otan est prête à soutenir l’intervention « dans quelques jours », dans la perspective, selon le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, Henri Guaino, qui a déclaré, hier, matin à l’antenne d’une radio que les opérations militaires de la part d’une coalition de pays dureront encore « un certain temps », sans plus de précision. Il semble que la communauté internationale « ne parle pas d’une seule voix ».
Le reproche est du SG de l’ONU Ban Ki Moon. La coalition, qui comprend la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, dit cibler des objectifs militaires, notamment des bases aériennes et défenses antiaériennes, pour tenter de contraindre les forces de Mouammar Kadhafi à cesser les attaques contre l’insurrection. Ce dont doute plusieurs pays africains et asiatiques qui critiquent les attaques de la coalition qui font des victimes parmi les civils libyens. Sur le terrain, la situation est toujours confuse comme aux premiers jours de la révolte populaire. Les forces gouvernementales libyennes pilonnent depuis trois jours la région d’Al-Jabal Al-Gharbi, au sud-ouest de Tripoli, en particulier les villes de Zenten et Yefren sous contrôle de la rébellion, a-t-on appris hier auprès d’habitants de la région. « Les forces de Kadhafi nous bombardent de loin avec des missiles Grad. Cela dure depuis trois jours. Les raids sont très intensifs », a déclaré un habitant de Zenten, à 145 km au sud-ouest de la capitale, « Les batailles étaient très violentes. Les rebelles ont pu repousser l’offensive et ont empêché une avancée d’un bataillon du régime vers la ville » située en hauteur dans cette région montagneuse, a-t-il ajouté.
La ville d’Ajdabiya est toujours aux mains des pro-Kadhafi. Les forces occidentales les ont bombardés la nuit dernière. Selon un combattant rebelle, « les frappes aériennes ont visé les entrées est de la ville. Je les ai vues de mes propres yeux et je pense qu’il y a eu également des frappes sur les entrées ouest de la ville mais j’ai seulement vu de la fumée s’élever de cette direction », a-t-il ajouté. A Misrata, troisième ville du pays tenue par les rebelles à 200 km à l’est de la capitale, des chars gouvernementaux sont entrés en mouvement après le bombardement d’une base proche de la ville par les Occidentaux. Le gouvernement libyen affirme que 64 civils sont morts du fait des attaques aériennes de la coalition internationale. Ce bilan n’a pas pu être vérifié pour le moment. De leur côté, les insurgés libyens dressent le bilan de 8.000 morts depuis le début des combats entre forces loyalistes et insurgés. Ces chiffres n’ont pas pu être, eux aussi, vérifiés.
Par : Sadek Belhocine