La nouvelle Libye s’enfonce dans le chaos et l’instabilité pour s’ériger en sanctuaire du terrorisme international de la déstabilisation régionale.
Cette réalité intangible, pointée du doigt en son temps par l’Algérie, alertant sur les risques de la circulation des armes « à ciel ouvert » et la consolidation d’Al Qaïda dans le terreau sahélien, suscite désormais les inquiétudes de l’ancien Premier ministre, Ali Zeidan, forcé en mars au départ après un énième vote de défiance provoqué notamment par l’alliance du mouvement radical, Wafa, et le Parti de la justice et de la construction affiliée aux Frères musulmans.
Dans cette Libye, dominée par les milices incontrôlables et la montée en surface de l’islamisme radical, la sortie musclée de l’ancien Premier ministre apporte une touche particulière sur la déliquescence d’un pays miné par une crise politico-institutionnelle persistante et livré au diktat des nouveaux maître de Zenten et de Misrata dont il est la victime expiatoire. Son limogeage est la conséquence du travail de sape de la coalition islamiste et de son incapacité à reprendre le contrôle des installations pétrolières du pays, notamment des terminaux de la côte orientale, aux mains de groupes armés.
Mais, pour la première fois, l’exilé en Allemagne, qui promet de revenir « très bientôt » révèle, dans une interview accordée au journal britannique The Times, la transformation de la Libye « en base d’Al Qaïda » et en arsenal de guerre inépuisable. Il a indiqué que « les armes sont partout, les munitions sont partout ». Cette situation profite, selon lui, aux « groupes comme Al Qaïda et les Frères musulmans », confortés par les divisions de la société libyenne.
« Ces gens ne veulent pas que la Libye ait un gouvernement civil, qu’elle soit un Etat de droit, ils la veulent à l’image de ce qui s’est passé en Afghanistan », a-t-il déclaré. Trois ans après l’intervention franco-britannique, appuyée par les Etats-Unis, la Libye est au bord de l’implosion. Ironie du destin : elle est boudée par ces 3 pays qui déconseillent à leurs ressortissants de s’y rendre. L’un des spécialistes du Proche-Orient, le journaliste Patrick Cockburn, écrit dans The Independant : « L’un des traits les plus stupéfiants des événements de Libye aujourd’hui est le peu d’intérêt qu’ils suscitent de la part de ces pays qui partirent si allégrement en guerre en 2011 ».
Tout légitimement, la Russie a opposé une fin de non-recevoir à la demande d’assistance de l’Otan pour retrouver les systèmes de missiles anti-aériens portables Igla disparus des entrepôts en Libye. « Le pays a été bombardé, mais on a oublié de remettre de l’ordre. Maintenant, on retrouve ces systèmes anti-aériens portables de par le monde, chez des terroristes. Ce n’est pas la faute à la Russie, mais de ceux qui ont effectué des bombardements. C’est la faute de la démocratie à l’otanaise. Et maintenant on nous demande d’aider à retrouver ces missiles », a dit Alexandre Fomine, le chef du Service fédéral pour la coopération militaro-technique, au cours d’une conférence de presse donnée dans le cadre du salon de l’aéronautique FIDAE-2014. La tragédie de l’invasion libyenne en cache une autre : la responsabilité occidentale dans la destruction d’un pays et la résurgence d’Al Qaïda surarmée au cœur du Sahel en ébullition constante.
Larbi Chaabouni