Au-delà de la faute politique qu’elle constitue, la lettre de soutien du chef d’état-major de l’ANP, Ahmed Gaïd Salah, à la direction du Front de libération nationale (FLN), est significative en ce sens qu’elle intervient à la veille de l’intronisation d’Ahmed Ouyahia à la tête du RND. Faut-il, de surcroît, rappeler que la démission d’Abdelkader Bensalah, ouvrant la voie au retour de l’actuel chef de cabinet de la présidence de la République aux commandes du parti, est intervenue le jour même de l’ouverture du congrès du FLN ?
L’impossible compromis des deux clans au pouvoir autour d’un poulain en vue de la succession à Abdelaziz Bouteflika est désormais avéré. Et si le retour annoncé d’Ahmed Ouyahia aux commandes du RND est, jusque-là, resté enveloppé de toute l’ambiguïté que le personnage incarne déjà lui-même, il n’en demeure pas moins que l’engagement des troupes de l’ANP, par le chef d’état-major de l’armée, Ahmed Gaïd Salah, derrière la nouvelle direction du FLN, apporte une pièce de plus dans le puzzle.
C’est que d’abord le retour d’Ahmed Ouyahia, dans une telle conjoncture, ne peut répondre qu’à un projet plus grand que celui d’animer les activités partisanes d’une formation politique. L’enjeu semble ainsi plus important dans la mesure où son prédécesseur Abdelkader Bensalah lui a cédé le parti le jour même de l’ouverture du congrès du FLN qui s’est déroulé dans les conditions que l’on sait. Et comme l’appartenance clanique du RND, et pour des raisons liées à sa création même, n’est un secret pour personne, le timing d’une telle manœuvre ne peut pas être fortuit.
Maintenant qu’il y a urgence d’écourter le mandat du chef de l’État, que la maladie empêche de s’acquitter de ses missions et prérogatives institutionnelles, le puissant DRS avance le poulain Ahmed Ouyahia sur l’échiquier politique et sous la houlette de sa marque déposée, le RND. Mais il se trouve que la lettre de soutien du général-major, chef de corps d’armée, Ahmed Gaïd Salah, vient couper le cordon ombilical entre la “Mère ANP” et l’“Enfant RND”.
Une naissance, faut-il le rappeler, imposée par la nécessité de mener une bataille sur le front politico-idéologique aux côtés de la lutte antiterroriste dans les maquis, et ce, après la compromission du FLN dans les années 1990 avec le FIS. Le message se veut donc clair ; le parti de l’armée est désormais la direction du FLN issue du dernier congrès.
Un congrès qui a connu la participation du “militant” Abdelmalek Sellal, et l’adhésion de 12 ministres de son gouvernement au comité central de l’ex-parti unique. Et dans cette démarche de parti-pouvoir, le FLN semble lancer une offre publique d’achat (OPA) sur toutes les institutions de l’État. Notamment avec la toute récente adhésion du DG des douanes, Kaddour Bentahar. Et parallèlement, avec l’œuvre de mainmise que sous-traite le FCE d’Ali Haddad au clan présidentiel sur les départements ministériels, la boucle est bouclée.
Il y a lieu de rappeler également qu’après la réunion du patron de l’ETRHB Haddad avec les ambassadeurs algériens en poste à l’étranger pour visiblement influer sur les orientations politico-économiques à l’extérieur, le FCE vient de mettre en place une commission avec l’Assemblée populaire nationale (APN), pour avoir son mot à dire sur les lois à légiférer. Et comme toutes ces manœuvres, en plus du message de soutien du président de la
République à la direction du FLN ne semblait pas suffire, il fallait l’apport de l’armée pour faire un chiffre rond.
M.M.