La lecture en danger

La lecture en danger

Combien de personnes observez-vous par jour dans la rue, dans les lieux publics ou dans les transports en commun avec un livre à la main? Très peu? Pas du tout ? Un homme a décidé de faire de cette question une expérience,Sadek Kebir, qui a sillonné toute la ville de Constantine pendant 24 H et n’est revenu à la fin bredouille n’ayant trouvé qu’un vieil homme dans un café faisant des mots croisés dans un journal.

Les lecteurs assidus ont toujours été une espèce rare au sein de la société algérienne. Force est de constater que les statistiques sont tout aussi accablants que porteur d’une triste réalité : L’individu algérien lit en moyenne 10 minutes / an en parallèle un individu européen lit pas moins de 200 H / an.

Selon le directeur du Centre International de conseil et d’études économiques, Abdellah Badida, 56.86% de la population ne lit aucun livre dans l’année, ce qui représente 20 millions de personnes qui ne lisent pas, c’est la moitié de la société. Il n’existe par-ailleurs presque aucune autre étude statistique sur cette pratique sociale et intellectuelle en Algérie ni même de la fréquentation des librairies ou de l’achat de livres, le constat se fait au quotidien au sein du paysage urbain et ce serait mentir que de jeter la pierre aux jeunes.

Toutes les tranches d’âge sont concernés et toutes les classes sociales. Même le SILA est devenu plus une sorte de lieu de rencontre, de sortie familiale ou entre amis qu’un véritable festival destiné à l’échange, le débat et la lecture.

Mais pourquoi boudons-nous donc cette pratique qui n’a que pour autre but que d’instruire ?

Il y’a deux axes majeures qui influencent de manière directe cet état déplorable. Le premier est historique et intimement lié avec une mauvaise gestion du gouvernement. En 1962, la France en quittant le territoire algérien a laissé pas moins de 600 bibliothèques qui vous vous doutez en vue du haut niveau d’illettrisme des algériens à l’époque ( 93%) était principalement destinés aux pieds-noirs et aux colons.

En 2015, pour 40 millions d’habitants avec un taux d’illettrisme considérablement bas depuis ( 19,8%) c’est ironiquement un total de 229 bibliothèques dans tout le territoire national.

Prenons pour exemple la Grande-Bretagne c’est 60 millions d’habitants un taux d’illettrisme qui n’atteint pas les 1% et pas moins de 6000 Bibliothèques sans compter les librairies caractérisés comme étant des commerces privés. Louise Brown une anglaise de 91 ans a lu 25,000 livres depuis l’âge de 5 ans. Sentez-vous le fossé culturel ?

Le Second est culturel et social, tout d’abord avec les réseaux sociaux fléau qui rends improductifs bon nombre de personnes. Les médias aussi, on favorise volontairement les programmes humoristiques, sportifs et culinaires à de réelles émissions culturelles. France 5 a la Grande Librairie là ou nous avons le Grand Sbitar.

Le milieu familial a une influence important sur la formation du lecteur. Lorsque les parents ne portent aucun intérêt à la lecture ou qu’ils découragent leurs enfants pour des raisons psychologiques, philosophiques ou religieuses, ils impactent négativement sur cette dernière.

A côté la disponibilité du livre dans l’espace familiale et du temps consacré à la lecture les chances d’acquérir cette pratique sont multipliés.

Notre pays est encore jeune la plupart de nos aïeux n’ont malheureusement pas eu accès à l’éducation, l’idée qu’envoyer son enfant à l’école signifie qu’il acquiert culture et peut être considérer comme un intellectuel est fausse. L’enfant a l’école s’instruit de la même manière que la quasi-totalité de ses camarades, c’est aux enseignants de l’école primaire qui ont ce double rôle de maître de classe ainsi que d’éducateur de mettre très tôt un livre entre les mains des écoliers car c’est à travers la lecture qu’il se découvrira sa réelle vocation ce pourquoi il se passionne et ou il pourra produire et créer.

En conclusion, la situation de la lecture en Algérie est alarmante. La pensée et les représentations sociales se transforment. La régression est visible : ignorance, religiosité, intolérance, violence, censure et autocensure, libertés muselées ou corruption sont autant de signes de cette dévolution. La citation de Mikhaïl Naimi, penseur et écrivain libanais, est à méditer :  » le jour ou une bibliothèque sera tout aussi vitale qu’une chaise, un lit ou une cuisine au sein d’un foyer. Nous pourrons dire que nous sommes une société évoluée. »