BEJAIA – Le musicien attitré du théâtre Abdelmalek Bouguermouh de Bejaia, Abdelaziz Yousfi, a récidivé, mercredi soir dans ses créations, en convoquant l’histoire pour manifester ses nostalgies et ses coups de cœur.
Après Uzzu n’Tayri (la brûlure de l’amour), concrétisé en 2008, un hommage aux chanteurs et à la chanson de l’exil, puis « 1930 » (2013, un pamphlet contre le centenaire de la colonisation), voilà qu’il s’épanche sur Bejaia, en lui dédiant « la lampe et la lumière », pour mieux rappeler ses lustres passés mais aussi stigmatiser ses indolences actuelles.
La pièce, une comédie musicale, mêlant habilement le spectacle vivant, le chant et la danse, traite d’un sujet sérieux mais reste complètement décalé, ses reflets n’étant que des cabrioles d’un voyage musical et imaginaire dans l’histoire.
Yousfi, encore une fois reste fidèle à sa démarche artistique habituelle en accordant peu de cas à l’intrigue mais en articulant l’essentiel de sa mise en scène, sur l’humour, l’entrain, mais surtout la musique pour dire ses vérités.
De nombreuses chansons du répertoire chaâbi, et accessoirement kabyle ont été employées dans ce sens, à titre d’articulation pour renforcer la structure de son spectacle.
Manifestement, celle-ci a réussi, au regard de l’enthousiasme du public qui réagissait au quart de poils à toutes les insinuations, les bons mots, et les envolées lyriques des personnages sur scène, non seulement spirituels mais qui semblaient sortir droit du fameux palais de la perle de Moulay Nacer, fondateur de la ville, dont les traces ont totalement disparu.
« Moulay Nacer était un bâtisseur. Il a construit des palais mais il a négligé l homme. Si bien qu’aujourd’hui, tout ses vestiges n’en sont qu’illusions », se désole Yousfi, regrettant que Bejaia ait perdu ses repères historiques et sociologiques et qui font que « aujourd’hui, elle peine à grandir ».
Pour en apporter l’illustration, l’auteur intègre dans le spectacle un film vidéo, montrant la ville dans ses mauvais jours, avec ses immeubles mal faits ou déglingués, ses montagnes d’immondices et ses jardins flétris devant l’indifférence générale.
Des images choquantes mais qui avaient le mérite d’être là, pour interpeller et rappeler à l’ordre. Musicalement parlant, le message était sublime : commencer par l’élémentaire pour ensuite laisser le ciel se consteller d’étoiles et se remplir de lumière. Plus que la lueur et sa bougie antique, Bejaia pourra prétendre à l’éclat d’une lampe, semble suggérer l’auteur.
Un beau spectacle, en somme, qui offre un voyage dans l’histoire, truffée de surprises, aux grands bonheurs de ses candidats, visiblement subjugués