Pour la première fois de son histoire, la justice algérienne a brisé le silence et décidé de rendre publiques l’identité et les photos de deux personnes impliquées dans une affaire de trafic de drogue, arrêtées en flagrant délit.
Cette décision n’est pas un acte arbitraire, mais s’appuie sur la nouvelle loi relative à la prévention et à la répression de l’usage et du trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes, publiée au Journal officiel n° 43.
Celle-ci a ouvert la voie à la justice pour faire la lumière sur les réseaux criminels transfrontaliers les plus dangereux, grâce à l’article 43 bis 1.
Cet article accorde au ministère public un pouvoir exceptionnel, lui permettant de publier les photos et les éléments d’identification des accusés dans les cas graves, si cela est jugé nécessaire pour la protection de l’ordre public, la prévention de la récidive, ou pour aider à l’arrestation de fugitifs.
La justice algérienne lève le voile sur les barons de la drogue
L’affaire, qui a éclaté au tribunal de Sidi M’hamed à Alger, dépasse la simple saisie de pilules psychotropes et de cocaïne. Elle concerne un réseau criminel organisé et transfrontalier composé de huit individus.
Les enquêtes menées par le service de la police judiciaire de la Wilaya d’Alger ont conduit à l’arrestation de cinq personnes, tandis que trois sont toujours en fuite. Cependant, le coup de maître a été l’arrestation de Atef El Hadi, 51 ans, et de Nakouazi Rabah, 34 ans, en flagrant délit.
Ils étaient en possession d’une quantité massive de drogues synthétiques : 143,9 kg de pilules d’ecstasy, soit l’équivalent de 235 466 comprimés prêts à la commercialisation, en plus de 458 grammes de cocaïne.
La publication des photos et des noms des accusés n’est pas un simple acte d’information, mais une déclaration retentissante marquant la fin d’une ère où de tels réseaux opéraient dans l’ombre, et le début d’une nouvelle phase où ils sont exposés au grand jour, privés de leur voile d’anonymat.
Le tribunal de Sidi M’hamed a déféré les accusés arrêtés devant le juge d’instruction, qui a émis des mandats de dépôt. Le parquet les a inculpés de lourds chefs d’accusation, notamment l’importation, le transport, le stockage et la possession illicite de stupéfiants et de substances psychotropes dans le cadre d’un groupe criminel organisé et transfrontalier, dans le but de porter atteinte à la sécurité nationale et à l’ordre public.
S’y ajoutent des crimes de trafic dangereux qui menacent la sécurité et la santé publiques, ainsi que le blanchiment d’argent. Ces qualifications révèlent qu’il ne s’agit pas d’un simple commerce clandestin, mais d’une activité organisée visant à saper la stabilité de l’État et à inonder la société de poisons systématiques.
Des mécanismes spéciaux pour les enquêtes sur la criminalité transfrontalière
La nouvelle loi ne s’est pas limitée à l’article 43 bis 1, mais a mis en place un système de dissuasion complet. L’article 34 bis 1 a établi des mécanismes spéciaux pour les enquêtes sur la criminalité organisée transfrontalière, donnant aux autorités judiciaires des outils plus larges de coordination entre les services de sécurité et de justice pour la protection de la sécurité nationale.
L’article 49 bis a clairement défini des obligations supplémentaires pour les institutions de l’État en matière de poursuites judiciaires, les contraignant à agir rapidement pour démanteler les réseaux. De même, l’article 57 bis a ajouté une nouvelle dimension répressive en alourdissant les peines pour les cerveaux des réseaux qui utilisent le territoire national comme base de contrebande internationale, considérant cela comme une atteinte directe à la souveraineté nationale.
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La valeur ajoutée de cette affaire réside dans l’activation de dispositions légales qui, jusqu’à récemment, n’étaient que des mots sur du papier. L’Algérie a décidé que la bataille contre la drogue ne pouvait pas se mener uniquement par le biais de rapports et de jugements, mais aussi en s’adressant à l’opinion publique et en l’impliquant dans le processus de dissuasion.
La publication des photos n’est pas seulement un moyen de dénoncer les personnes impliquées, mais un double message : aux réseaux criminels, pour leur signifier que l’ère de la dissimulation est révolue ; et à la société, pour lui montrer que l’État a décidé de les affronter à la fois par des outils judiciaires, sécuritaires et médiatiques.
Cette décision marque un tournant stratégique dans la politique pénale. Au lieu de rester confinées dans les couloirs des tribunaux, les affaires sont désormais exposées au public comme faisant partie d’une guerre totale contre le crime organisé.
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Avec cette décision, il est clair que la justice algérienne ne traite plus le dossier de la drogue avec une mentalité traditionnelle, mais avec une vision plus complète et plus stricte, combinant dissuasion légale et dissuasion symbolique, et déclarant clairement que la protection de la société contre ce fléau est devenue une priorité souveraine qui ne tolère aucun compromis.