Ne faisant pas dans la dentelle, le pouvoir égyptien est passé à la vitesse supérieure hier dans son opération de neutralisation des Frères musulmans, en prononçant l’interdiction de leurs activités par voie de justice, ainsi que la confiscation des biens de l’influente confrérie
Ce qui était attendu, à savoir l’interdiction des activités des Frères musulmans, est devenu réalité, hier, à travers le verdict d’un tribunal égyptien, qui a également ordonné la confiscation des biens de l’influente confrérie dont est issu Mohamed Morsi, le président islamiste destitué par l’armée le 3 juillet dernier.
En effet, des informations non officielles ont déclaré, il y a à peu près deux semaines, que la justice a été saisie pour statuer sur des plaintes déposées en ce sens. L’arrêt rendu par le tribunal réuni d’urgence hier s’applique non seulement à la confrérie, qui n’a aucune existence légale, mais également à l’association des Frères musulmans, une ONG créée sous la présidence de Morsi et accusée de servir de façade à la confrérie. Il s’applique aussi à “toute organisation qui en émane ou est financée par eux”. Une source judiciaire a affirmé à l’AFP qu’un comité gouvernemental serait mis sur pied pour organiser la saisie des avoirs de la confrérie, notamment ses biens immobiliers, dont ses nombreux sièges à travers le pays.
Voilà une décision radicale, qui vient dans la continuité des décisions du nouveau pouvoir au Caire depuis la destitution de Mohamed Morsi et son arrestation. À signaler que ce jugement peut faire l’objet d’un appel. Pour rappel, ce verdict avait été précédé par la décision des autorités égyptiennes, mardi dernier, de geler les avoirs des chefs des Frères musulmans.
La justice avait validé le gel des avoirs d’une quinzaine de figures des Frères musulmans — la plupart déjà incarcérées — et a bloqué l’argent du guide suprême, Mohamed Badie, jugé pour “incitation au meurtre” de manifestants, et a surtout gelé les avoirs de son adjoint, Khairat al-Chater, considéré comme le grand argentier de la confrérie. Le parquet avait réclamé que soient également gelés, entre autres, les avoirs du leader salafiste, Hazem Abou Ismaïl, et du prédicateur pro-Morsi, Safwat Higazi, également détenus. Parmi les organisations satellites des Frères musulmans figure, notamment, le Parti de la liberté et de la justice, bras politique des Frères musulmans, qui pourrait être interdit après avoir confortablement remporté les premières législatives libres fin 2011, quelques mois après la chute de Hosni Moubarak, emporté par une révolte populaire dans le tumulte du Printemps arabe.
La création de ce parti avait été le signe de la sortie de la clandestinité de la confrérie, née en 1928, et depuis lors interdite mais tolérée entre des épisodes de violente répression. Elle pourrait désormais faire un retour complet à cette clandestinité qui a fait sa force durant des décennies. Cela étant, l’armée égyptienne conserve toujours la haute main sur les affaires du pays où elle assure mener une “bataille contre le terrorisme” dont elle accuse les pro-Morsi d’être responsables. Face à ces violences, en hausse dans le Sinaï, péninsule de longue date instable, et qui ont récemment gagné Le Caire avec un attentat le 5 septembre contre le ministre de l’Intérieur, l’état d’urgence a été prolongé jusqu’à mi-novembre. Le couvre-feu nocturne en vigueur dans la moitié des provinces du pays a également été prolongé.
M. T