La guerre contre le peuple, la vivrons-nous toujours ?

La guerre contre le peuple, la vivrons-nous toujours ?

Tant d’écrits, sur ce qu’on nomme la tragédie algérienne passent depuis maintenant assez de temps devant mes yeux. On ne peut pas ne pas s’intéresser. Et Malgré la répulsion que suscite en nous, certains graves dysfonctionnements dans la gouvernance, et malgré l’attrait de pays riches et développés, l’Algérie demeure notre pays, cher à beaucoup d’entre nous qui n’avons pas de nation de rechange.

Le face-à-face islamistes armés et pouvoir a coûté cher aux démocrates algériens

Tant d’écrits existent même si cette impression de tout connaître sur notre pays est chaque fois présente. Mais certainement on n’en finira jamais d’apprendre tant l’immensité du savoir. Je m’étais longtemps embrouillé, tant l’influence quelquefois néfaste de médias, qui taisent le plus souvent la vérité. Après beaucoup de tâtonnements il me semble arriver à une petite synthèse qui paraîtra triviale à beaucoup d’entres nous. Donc ces quelques lignes sur ce qui domine l’actualité depuis plus de vingt ans, surtout depuis cette interruption du processus électoral de l’an 1991 qui avait vu se dérouler les premières élections libres d’Algérie après une domination longue d’un parti unique aujourd’hui honni par le peuple algérien, le front de libération national. Des élections venues après la tragédie d’octobre 1988, qui avait vu l’armée nationale algérienne rompre le pacte la liant aux Algériens, en tirant sur des manifestants désarmés et abattant  plus de cinq cents innocents qui ne demandaient qu’à vivre dans de meilleures conditions et librement dans leur pays.

On s’en serait foutu du conflit s’il n’y avait pas eu autant de barbarie contre les civils, autant de morts sacrifiés sous l’autel de la bêtise, pour, on l’a un peu plus compris aujourd’hui, pour qu’une minorité jouisse des ressources du pays, en dilapidant l’argent du pays. On s’en serait désintéressé du conflit opposant militaires et islamistes si ce n’était cette guerre menée au fait réellement contre le peuple dont la majorité ne subsiste qu’avec très peu de moyens et de ressources. Car, pour ce qui est du pouvoir, il a toujours appartenu aux militaires (ou l’influençant toujours) depuis déjà bien avant l’indépendance de l’Algérie de 1962, lorsque la tête pensante de la révolution algérienne avait été assassiné leur permettant  de supplanter les politiques.

On n’en finit pas de contester aujourd’hui encore leurs dictature instaurée depuis bien longtemps. Sils avaient tout de même essayé de développer le pays, surtout durant les deux décennies postindépendance : « …l’Etat algérien depuis 1963 s’est patiemment attaché à reprendre le contrôle direct de ses ressources nationales : agricoles, minières, industrielles, et tout particulièrement celui des hydrocarbures. Cette tâche a été achevée en 1971. L’implantation d’une industrie lourde, dont les objectifs ne manquent pas d’ambition a été entreprise » (1).

Ou comme le dit l’étude d’André Prenant, dans sa contribution au Livre noir du capitalisme :Algérie 1830-1998 : des balbutiements du capitalisme colonial a l’entreprise monopolaire de recolonisation « mondialisée« , à la page 224-250. (Alors que tant de monde, tant d’intellectuels en Algérie décrient médisent sur les décennies postindépendance (les 18 années après l’indépendance où l’Algérie n’est guère restée liée au capitalisme international que par l’échange de 95 à 98% de ses hydrocarbures contre des importations surtout d’équipements…..) )

André Prenant (2) avance des chiffres insoupçonnés :

– Un appareil productif créé pour les besoins nationaux algériens offrant quatre fois plus d’emplois qu’avant l’indépendance ;

– La production d’énergie et avant tout d’électricité avait été multipliée par 7 ;

– La production industrielle surtout publique diversifiée avait vu sa valeur plus que triplée et satisfaire pour plus de moitié sa propre demande ;

– Celle de l’agriculture, malgré le recul de la vigne avec la fermeture de son marché subventionné, était restée constante mais pour une population presque doublée et aux exigences accrues;

– Les exportations pétrolières (8 milliards de dollars) ne comptaient que pour 15% du PIB quadruplé depuis l’indépendance et qui représentait par habitant 2,3 fois celui de la Tunisie, 4 fois celui du Maroc ;

– Scolarisation primaire portée à 75% (60% pour les filles), scolarisation moyenne à 40% et secondaire à 25%.

Toutefois leur échec avait été manifeste à partir des années quatre vingt, avec la libéralisation sauvage qui ne cesse pas encore aujourd’hui d’être dénoncée tant les ravages qu’elle fait encore subir aux couches démunies qui représentent la majorité du peuple. Ce qui avait fait dire à  Francis Jeanson avant sa mort : « Irait-on jusqu’à déceler, dans ces quelques propos, la suggestion d’une certaine différence entre les années Boumediene et les années Chadli, j’avoue que je ne songerais guère à m’en formaliser. Comment confondre la tentative de construire un Etat, quelles qu’aient pu être les erreurs commises avec un crapuleux holdup accompli par l’Etat lui-même aux dépens de la société concernée ? »

Les islamistes avaient été des 1991 les autres acteurs du conflit. Si pour certains, leurs mérites (!) étaient d’avoir combattu militairement les dérives du régime, leur projet de remplacer une dictature par une autre théocratique, n’avait pas intéressé les éveillés qui les avaient jugés des plus rétrogrades. Un pouvoir théocratique ! Cela n’aurait jamais intéressé les Algériens friands de modernité.

Faut-il donc applaudir les militaires ?

Assurément non car beaucoup les soupçonnent de combattre plutôt les démocrates dans leur lutte contre les islamistes. Dans le monde entier l’heure est à la démocratisation partout, il est dans les cordes des militaires d’aider  au changement pour le salut de tous. Mais depuis treize ans, depuis l’homme qu’ils avaient ramené en 1999 Abdelaziz Bouteflika, leur échec est de plus en plus lamentable car selon nombre d’observateurs et Ali Yahia Abdenour, membre fondateur de la première ligue algérienne des droits de l’homme, ancien moudjahid (3) : « Les clans du pouvoir s’échinent à démontrer à ceux qui ne le savent pas encore, que Bouteflika est l’homme d’Etat et de pouvoir que le monde entier leur envie. Bonjour la brosse à reluire. Le pouvoir a démontré son inefficacité non seulement dans le domaine des libertés, mais aussi dans celui de l’économie et du social, où tous les indicateurs sont à la hausse, au rouge : chômage important, la proportion des jeunes à la recherche du travail s’est aggravée et la part des diplômés ne cesse d’augmenter. Le chômage est un drame humain doublé d’un désastre économique. Les grands indicateurs économiques et sociaux sont : inflation galopante, dinar faible, hausse des prix à la consommation, pouvoir d’achat en chute libre. La situation sociale de millions d’Algériens est réduite à la pauvreté et à la précarité. Instruire, nourrir, guérir sont des verbes que le pouvoir ignore« .

De Boghni, Amokrane Nordine