Alors que les voyageurs sont sanctionnés par le débrayage des cheminots, la polémique entre le syndicat et la direction s’installe. Les travailleurs exigent le paiement de 36 mois de rappel. La direction affirme que le protocole d’accord n’évoque que 6 mois de rappel.
La grève des cheminots est déjà à son troisième jour et les syndicalistes ne semblent pas près de baisser les bras. À la gare d’Agha, les quais étaient, hier, toujours vides. Les trains avaient déserté les lieux. Avec une météo des plus défavorables, le peu de voyageurs qui se déplacent pour les longs trajets attendaient désespérément. Le miracle n’a pas eu lieu. La reprise du trafic ferroviaire n’est pas pour demain. “Il n’y a aucune correspondance vers Oran ?” demande un jeune voyageur à un agent de la SNTF. Ce dernier l’informe que les cheminots sont en grève et que la situation risque de durer. Le jeune homme se sent perdu et rebrousse chemin. Il est contraint de prendre le taxi ou le bus. Dans son cas, ils sont des milliers de voyageurs à subir la même situation depuis le débrayage entamé par les cheminots dimanche à minuit. Une mère de famille présente hier à la gare d’Agha raconte son calvaire. Avec ses deux enfants, elle a programmé de partir à l’occasion des vacances de printemps voir la famille à El-Affroun. Le projet tombe à l’eau.
“Avec une pluie pareille, nous nous retrouvons dans l’obligation de changer de moyen de transport. Nous avons les mains chargées et notre seule solution est le bus. Ça va être la misère”, s’indigne la maman qui regrette que les citoyens paient le prix fort dans ce genre de grève qui touche des domaines sensibles tel que celui des transports. À l’extérieur de la gare, d’autres voyageurs négocient avec les chauffeurs de taxi. Destination l’Oranie. Cette situation aurait permis aux taxis de gagner plus. La période des vacances scolaires fait que beaucoup d’Algérois ont prévu des déplacements à l’intérieur du pays. La grève des cheminots semble, en tout cas, faire le bonheur des taxis. Il faut savoir que les cheminots ne sont pas à leur premier mouvement de grève.
Depuis 2010, le secteur a vécu plusieurs crises similaires, où les travailleurs de la SNTF ont paralysé le trafic pour revendiquer les mêmes doléances, à savoir le rappel de 36 mois de salaire. Le représentant des travailleurs Abdelhak Benmansour nous a fait savoir que la “direction de la SNTF n’arrête pas de les mener en bateau pour payer les rappels”. De son côté, la direction peine à régler la situation à cause du manque de moyens financiers. Le porte-parole des travailleurs a affirmé que la situation perdure depuis l’augmentation du SNMG à 15 000 DA et que “l’administration a joué sur le point indiciaire”. Il a également précisé que le même problème s’est posé avec la seconde augmentation du SNMG qui est passé à 18 000 DA en 2011, ce qui a mené, selon lui, à une grève illimitée en 2012.
“Bien que le SNMG ait augmenté, l’administration a calculé selon la grille des salaires de 2010 et qui comporte plusieurs erreurs”, a tenu à souligner M. Benmansour. Et d’ajouter qu’“en 2013, l’administration avait corrigé la grille des salaires, mais encore une fois, elle a joué sur le point indiciaire”, probablement, pour éviter que la masse salariale n’augmente sensiblement. “Nous avons reçu 6 mois de rappel sur les 42 mois.
L’administration refuse de nous verser les 36 mois restants”, a rappelé M. Benmansour. Pour le représentant des travailleurs, “l’administration a affirmé durant les réunions, tenues ces deux derniers jours, qu’elle n’a pas les moyens pour honorer les rappels”. Face à cette situation, les cheminots qui rejettent cet argument campent sur leur position en continuant la protestation jusqu’à l’obtention de gain de cause. Pour sa part, la position de la direction de la SNTF est claire. Elle a déjà exprimé l’impossibilité de satisfaire cette revendication pour les 12 000 agents qui travaillent dans cette société.
Ali Zitouni, directeur des ressources humaines de la direction de la SNTF, nous a déclaré que “l’entreprise n’a pas les moyens de payer une somme pareille.” Et de préciser que les protestataires ont entamé le mouvement de grève sans préavis. “Bien que les cheminots nous aient mis devant le fait accompli, nous avons tenu une réunion avec les deux sections syndicales des gares et inspections des trains pour connaître leurs revendications”, a indiqué le DRH.
Selon ce responsable, la question des rappels est réglée depuis l’année dernière lors d’une réunion avec la Fédération algérienne des cheminots ou il a été question de payer seulement 6 mois de rappel. “Nous avons un protocole d’accord et il n’a jamais été question de payer 36 mois de rappel”, explique-t-il. Le DRH a enfin mis l’accent sur le fait que l’entreprise n’a pas les moyens de payer autant d’argent.