La grève d’Air Algérie se poursuit,Branle-bas de combat au sommet de l’État

La grève d’Air Algérie se poursuit,Branle-bas de combat au sommet de l’État
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La crise que traverse présentement Air Algérie rappelle étrangement la campagne menée, il y a quelques semaines, contre le patron de Sonatrach.

Alors que la grève du personnel de bord d’Air Algérie se poursuit, on s’active au plus haut sommet de l’État pour désamorcer cette crise. La période choisie pour déclencher ce mouvement social est très mal choisie, en raison de l’important flux d’émigrés. Déjà, en situation normale, Air Algérie avait du mal à satisfaire toute la demande. Mais cette grève est venue compliquer davantage la situation, obligeant l’État à intervenir pour venir au secours des concitoyens bloqués dans les aéroports étrangers, mais aussi pour sauver l’image de marque du pays, sachant que, par exemple, en France, le ministre des Transports est déjà monté au créneau pour appeler les autorités algériennes à faire quelque chose pour débloquer la situation.

Mesures d’urgence

Des mesures d’urgence ont été prises, à commencer par l’affrètement d’avions appartenant à des compagnies étrangères, mais aussi le renforcement de la flotte de l’ENTMV pour transporter le maximum d’émigrés par voie maritime. Et aussi, le licenciement des grévistes. Selon Mohamed-Salah Boultif, le P-DG de la compagnie Air Algérie, joint par téléphone, “la situation se normalise peu à peu”. Au premier jour de la grève, la compagnie nationale a pu assurer 40 vols sur les 186 prévus.

Ce fut un peu moins au deuxième jour. Mais hier, “la tendance était à l’amélioration. 80% des vols sur Paris ont été assurés (6 sur 10) et 15 vols sur l’international, deux vols sur l’Afrique assurés par les avions de Tassili Airlines”, selon M. Boultif. Concernant le réseau domestique, quatre vols étaient prévus hier. La compagnie nationale a procédé à des affrètements, notamment de la compagnie tunisienne Nouvel Air qui a assuré des vols sur Marseille et Paris. Air Algérie a également affrété des Boeing 777 et 737 d’une compagnie privée italienne, EOS, pour assurer des vols Alger-Milan et Alger-Paris.

En outre, Air Algérie a eu recours aux services de l’ENTMV pour transporter des voyageurs à partir de Marseille et Alicante. 350 ont pu embarquer hier de Marseille et 39 d’Alicante, tandis qu’il est prévu de transporter, aujourd’hui, entre 500 et 600 voyageurs à partir de Marseille, selon le patron d’Air Algérie. La compagnie nationale a eu recours au personnel navigant non gréviste, ainsi qu’aux contractuels et à des affrètements. Mais le P-DG de la compagnie reste ferme : “On a fait des réquisitions pour les grévistes. On a licencié les meneurs (quatre) pour grève illégale et entrave à l’exercice du droit au travail. Ceci dit, s’ils reprennent le travail, les portes du dialogue restent ouvertes.” Toutefois, M. Boultif regrette que les grévistes “refusent de revenir à la raison. Ils ont causé des dégâts à la compagnie”.

Que cache cette grève ?

Au-delà des pertes occasionnées, des désagréments causés aux voyageurs et des mesures prises en urgence, il y a lieu de se poser des questions sur les motivations réelles de cette grève. Pour certains syndicalistes au fait des réalités de la maison Air Algérie, cette grève est “un sabotage pur et simple”. À qui profite ce sabotage ? Évidemment aux compagnies concurrentes qui voudraient “se sucrer” en cette période estivale où la demande est des plus fortes.

Mais il n’y a pas que cela. Le nouveau patron d’Air Algérie, un enfant de la boîte, n’a même pas bénéficié d’un délai de grâce. Pourtant, il avait proposé une augmentation de 20% au personnel navigant commercial et s’est dit ouvert au dialogue. Mais ces derniers exigent une augmentation de plus de 100% et un statut identique à celui du personnel technique.

Air Algérie est une compagnie trop importante pour tomber entre les mains de gens irresponsables. Il est clair qu’au sommet de l’État, on a fait de mauvais choix, à une époque où chacun se permettait de placer ses hommes, sans prendre compte de leurs capacités managériales, encore moins de leur probité.

La crise que traverse présentement Air Algérie rappelle étrangement la campagne menée, il y a quelques semaines, contre le patron de Sonatrach. Il est clair que cette guerre des clans qui se déroule en sourdine comporte des risques énormes, dans la mesure où elle touche les compagnies les plus sensibles du pays et risque d’entamer durablement leur crédibilité et celle de l’État.

Il est temps, pour l’État d’en finir avec les désignations des copains, des fils du voisin et des filles du cousin aux postes-clés. L’État doit sonner la fin de la récréation, et faire confiance aux cadres compétents dont recèle le pays.

La crise actuelle d’Air Algérie n’est que la résultante d’une politique de copinage, de cooptation et de règlements de comptes dont les répercussions se traduisent sur l’économie nationale, sur l’image du pays et sur les pauvres voyageurs pris en otage. L’État prendra-t-il, enfin, conscience qu’il faudrait faire confiance aux compétences, loin de toutes considérations régionalistes, claniques ou mercantilistes ?