Le palais royal a fini par se justifier à travers un communiqué face à l’ire des Marocains, qui sont sortis massivement dans la rue pour dénoncer la grâce accordée mardi dernier par Mohammed VI à un pédophile espagnol, condamné à trente années de prison en 2011 pour viols sur mineurs.
Comment le pédophile espagnol a-t-il pu se retrouver sur la liste de 48 ressortissants espagnols purgeant des peines dans les geôles marocaines, sur laquelle Rabat et Madrid se seraient entendus pour leur libération lors de la récente visite du roi Juan Carlos 1er ? C’est la question qui est sur toutes les langues au Maroc, où des manifestations d’envergure se déroulent depuis jeudi pour dénoncer la grâce royale accordée à ce pédophile, et qui a même pris des proportions de scandale. L’étonnement était de mise à Madrid, où l’opposition socialiste espagnole a exigé samedi une “explication immédiate” du gouvernement Rajoy en dénonçant un fait d’une “extrême gravité”. La vice-président du parti socialiste espagnol Elena Valenciano “considère d’une extrême gravité le fait qu’une personne qui a été condamnée à 30 ans pour abus de 11 enfants ait pu être graciée. Elle exige une explication immédiate du gouvernement espagnol”, indique le PSOE dans un communiqué. Elle va également déposer aujourd’hui une question orale devant le Congrès des députés pour obtenir du ministre des Affaires étrangères Jose Manuel Garcia-Margallo une “explication urgente” concernant cette décision qui a créé “un énorme émoi et une indignation dans un pays voisin et également en Espagne”. Devant ces développements et cette colère de la rue, Mohammed VI a dû annoncer samedi l’ouverture d’une enquête après que des milliers de personnes eurent exprimé leur ire dans plusieurs villes, bravant la répression policière. Un communiqué du Palais royal publié samedi soir par l’agence officielle MAP indique que le roi du Maroc a ordonné une enquête “en vue de déterminer les responsabilités et les points de défaillance qui ont pu mener à cette regrettable libération”. Le texte souligne que cette enquête devra permettre “d’identifier le ou les responsables de cette négligence afin de prendre les sanctions nécessaires”. De son côté, le ministère marocain de la Justice devra aussi “proposer des mesures de nature à verrouiller les conditions d’octroi de la grâce”, ajoute-t-on également. La même source précise que “le roi n’a jamais été informé, de quelque manière que ce soit et à aucun moment, de la gravité des crimes abjects pour lesquels l’intéressé a été condamné”.
Il est notamment affirmé qu’ “il est évident que jamais le souverain n’aurait consenti” à ce que ce prisonnier “puisse arrêter de purger sa peine, au regard de l’atrocité des crimes monstrueux commis”. Ceci étant, la grogne des Marocains ne s’est pas estompée depuis la grâce accordée mardi dernier par le roi à ce pédophile espagnol âgé d’une soixantaine d’années, condamné en 2011 à 30 ans de prison pour des viols sur onze mineurs. La plus importante manifestation s’est tenue vendredi soir à Rabat, près du Parlement, où plusieurs dizaines de personnes ont été blessées, alors que d’autres rassemblements ont aussi eu lieu à Tanger et Tétouan vendredi, ou encore à Agadir samedi. Des appels ont été lancés sur les réseaux sociaux pour de nouveaux sit-in mardi et mercredi, à Casablanca, la capitale économique, et Rabat. Des versions contradictoires circulent sur la raison de la présence de ce condamné dans la liste royale. Si les médias officiels marocains sont pour leur part restés totalement silencieux jusqu’à samedi, la presse électronique et les réseaux sociaux s’étaient en revanche rapidement fait l’écho de l’indignation de nombreux Marocains, déjà échaudés par plusieurs récentes affaires de pédophilie. Vendredi soir, des dizaines de photos et vidéos de manifestants en sang ou matraqués par la police ont été diffusées sur internet, avec des centaines de commentaires. La classe politique marocaine a fait profil bas, à l’image du gouvernement dominé par les islamistes du Parti justice et développement (PJD). Contacté jeudi par l’AFP, le ministre de la Justice Mustapha Ramid avait estimé qu’il n’était “pas habilité à commenter”, tout en précisant que le pédophile gracié serait désormais interdit d’entrée au Maroc.
M.T