La gouvernance algérienne et la jeunesse : le silence des agneaux

La gouvernance algérienne et la jeunesse : le silence des agneaux

« La jeunesse s’enfuit sans jamais revenir », Ronsard

Sans emploi, sans loisirs et sans perspectives en Algérie, les jeunes ont pour seul horizon l’Europe.

Selon des estimations crédibles, plus de la moitié des vingt et un millions d’électeurs n’ont pas la trentaine en mai 2010. Une génération venue au monde, pour les plus âgés, après l’abolition de la sinistre « autorisation de sortie du territoire nationale », un tout peu plus tard, à la perestroïka algérienne et l’ouverture vers l’Occident et la modernité, puis celle du 5 Octobre et la naissance du pluralisme politique et la liberté de la presse.

Entre la tragédie et le ludique

On ne reviendra pas sur la décennie noire qui a vu aussi grandir des franges juvéniles dans les bains de sang et dans l’insécurité totale. Qu’il est difficile de ne pas remarquer aujourd’hui au travers de comportements dans la scène familiale et publique des signes d’angoisses évidents et de disparités psychologiques fort inquiétantes.

Cette période funeste associée à la perpétuelle inconséquence dans les modèles de gouvernance qui a de temps considéré la jeunesse comme un objet ludique réformable à souhait – tel par exemple un soldat de plomb ou une petite barbie qu’on oublie pendant des années dans une boîte de chaussure en carton pâte dans le dernier tiroir d’une chiffonnière – a-t-elle, hélas, dessiné les contours d’un modelage générationnel qui ne fait pas confiance ni donne de l’importance à l’action publique et au discours officiel qui exclue carrément la jeunesse du sérieux de l’existence.

Il suffit pour cela d’examiner au degré zéro de l’observation ce que lui avait-il réservé le pouvoir lors des qualifications pour la Coupe du monde d’Afrique du Sud, disputées au Caire et à Durban au Soudan comme moyens dignes de grande campagne d’offensive guerrière pour uniquement aller applaudir une équipe de foot évidemment censée redorer le blason des couleurs nationales à un « moment crucial » pour le seul besoin personnel d’un renouvellement présidentiel, au demeurant illicite.

Si tant est que partout où il est question de jeunesse, jusqu’à l’âge de la quarantaine, il y a la relation au factice et au ludique, sans que jamais les gouvernants, qui affecte dès l’adolescence leurs progénitures dans le monde sérieux et adulte de l’Occident, ne pensent que ce « jeu » est vécu comme tragédie dans l’esprit de ses fractions de la population. Mais le jeu va au-delà de l’incurie et l’insulte – la jeunesse n’ignorant pas que le pouvoir ne la respecte pas – quand une expédition maritime périlleuse échoue parfois avec mort d’homme dans le groupe émigrant clandestinement, les gouvernants, toute honte bue, font appel au juge pour sévir.

La dignité algérienne en campagne

Mais voilà à la veille de l’ouverture de la campagne électorale dans leur pays, deux jeunes Algériens vont essayer leur chance de se fendre en Italie à partir de Tunis. Mardi passé ils prennent un vol de Tunis-Istanbul avec escale technique à Rome. Sur place, ils tentent de forcer la zone sous douane mais ils se font attraper par les services romains compétents et aussitôt mis, retour à l’envoyeur, dans un avion en destination de Tunis.

Seulement les choses ne se passent pas à l’humaine considération. Ils ont été bâillonnés et ligotés au moyen du ruban adhésif pour être transportés ainsi jusqu’à la capitale tunisienne. Un passager, cinéaste de son état, les a filmés durant tout le voyage et transmis de par le monde les images. A la suite de quoi se révolte un politique italien, Monsieur Stefano Pedica, vice-président de la Commission des affaires européennes, qui précise ne pas en rester sur la simple dénonciation avant de demander à convoquer les responsables du gouvernement devant le Parlement au nom de son parti (le Parti de l’Italie des Valeurs).

Le silence de la honte

« Nous allons vérifier le bien-fondé de ces informations rapportées par la presse et si elles se confirment, alors, la partie italienne concernée sera appelée à fournir les explications qui s’imposent en la matière. » C’est M. Amar Belani, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, qui balbutie ainsi en ayant l’air que cette histoire effleure à peine la dignité algérienne en général et celle de sa jeunesse en particulier. Alors que le locataire de la Barnaba Oriani, son excellentissime ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire, le Mouloudéen Rachid Marif, semble avoir de la super glu entre les lèvres là-dessus. N’a-t-il pas reçu il n’y a pas longtemps une grande délégation officielle italienne dans sa résidence à Rome pour lui raconter les irréversibles réformes en marche, avec elles l’émancipation de la femme et le souci majeur de l’Algérie pour le bien-être de sa jeunesse ?

Quand il était à couteaux tirés avec Abdelkader Drif pour le contrôle du Doyen comme club professionnel l’on se rappelle qu’il disait « frapper fort » avec l’aide et la collaboration parmi les plus jeunes des supporters du vieux club. Pendant que de méchantes langues disent qu’à penser aux Chnaoua crasseux, plutôt cherche-t-il depuis la promulgation de la Ligue des pros de voir comment, avec ses amis les riches aventuriers, revenir faire main basse par ricochet sur le club algérois.

En tout cas, l’Histoire en Algérie a de tout temps démontré que ce sont les jeunes sans l’aide de quiconque parmi les gouvernants, colonialistes ou autochtones, qui sont aux avant-postes pour la défense et la préservation de leur dignité.

Nadir Bacha