La gestion administrative entrave l’essor du nom de domaine « .dz »

La gestion administrative entrave l’essor du nom de domaine « .dz »

La politique d’encouragement à l’inscription en « .dz », par la gratuité à l’enregistrement et la suppression des taxes, ainsi que l’enregistrement en langue arabe, n’a pas donné les résultats visés. Pour le CERIST, c’est un problème d’hébergeurs privés, pour un expert indépendant, c’est toute la politique du nom de domaine algérien qui est à revoir.

En ce début septembre 2013, le nombre d’inscriptions au nom de domaine « .dz » est largement au dessous de la barre des dix mille. Avec seulement 5.141 inscrits, dont plus de 4.430 au niveau du CERIST et de deux autres entités publiques, la politique de développement du « .dz » patine gravement. Quand on sait que des dizaines de milliers de sites algériens sont hébergés en « .com » ou sous d’autres extensions, en raison des restrictions imposées par les autorités pour enregistrer un site Web sous le nom de domaine algérien. L’on s’interroge sur les réticences des pouvoirs publics à revoir à la baisse les conditions drastiques (surtout le registre de commerce), guidées, il faut le dire, par une peur inexpliquée de l’émergence de sites qui « dérangent ». La barre du million de sites au nom de domaine « .dz » ne sera jamais atteinte, ni fin 2013, ni même dans dix ans. La directrice de la division réseau au Centre de recherche sur l’information scientifique et technique (CERIST), Mme El Mouahab Aouaouch, reconnaît que les enregistrements en « .dz » avancent à pas de tortue. Et constate que la préférence va toujours pour le « .com », tout en admettant que cette préférence est guidée par la facilité et la rapidité des inscriptions. « C’est aussi par habitude », pense-t-elle. Qu’en est–il des facilités pour le nom de domaine national ? Notre interlocutrice précise que pour les enregistrements en « .dz », le demandeur doit fournir une pièce justifiant la propriété, à savoir une copie du registre de commerce (entité commerciale), ou une copie du dépôt de marque chez l’INAPI pour les dépôts de noms nationaux ou l’OMPI pour les dépôt de noms internationaux, ou alors une copie de décrets officiels de création d’association, d’organisation ou d’organismes institutionnels. Des sites web algériens ne peuvent donc être créés que dans ces seules ces catégories.

Selon Mme El Mouahab, l’enregistrement peut durer 24 heures, 48 heures ou plus , selon le traitement au niveau des « registrars », les organismes chargés de gérer l’attribution des noms domaines. Pour les autorités, les registrars doivent vérifier la véracité des pièces justifiant la propriété. Il est question d’une « gestion sécurisée » dans l’attributaire du « dz », alors que la création de sites en « .com », « .net » ou « .org », hébergés à l’étranger, se fait avec une déconcertante facilité. Selon notre interlocutrice, le but de ces démarches est d’avoir des sites « .dz » réellement authentifiés et sécurisés afin d’éviter l’attribution des noms de sites qui peuvent engendrer des litiges. Autre souci du CERIST, la nécessité pour les hébergeurs privés de « développer leurs infrastructures et leur compétences ». « Nous comptons seulement une dizaine d’hébergeurs qui ont des Data center, y compris Algérie Telecom ».

Le marasme des TIC détache sur le « .dz »

Pour l’expert en TIC, Younes Grar, le domaine « .dz » est une partie du développement des TIC en général en Algérie. « Vu que le secteur des TIC vit une situation de marasme, le développement du « .dz » ne peut pas connaître un meilleur sort », dit-il. « Il y a un manque de visibilité de ce qu’on veut faire du nom de domaine national et comment procéder. Dans le programme e-Algérie, il a été proposé une action pour redonner au « .dz » sa place en créant une agence qui regroupe l’ensemble des acteurs pour une prise en charge sérieuse ». Pour notre interlocuteur, la gestion du CERIST « a montré ses limites ». « L’enregistrement des noms de domaine nécessite, ajoute-t-il, une opération de sensibilisation et de marketing attractive et convaincante ». « On doit savoir vendre le « .dz ». Un certain moment les gens ne voulaient pas du « .dz » parce qu’ils pensaient que cela donnait la possibilité aux autorités algériennes de lire et de contrôler le contenu des communications email et autres. Ce qui est faux. Mais il fallait mener un travail de terrain pour expliquer et convaincre », estime l’expert. Est-ce parce qu’il est exigé un « registre de commerce » y compris pour des particuliers qui souhaitent lancer un site Web ? « Effectivement, une gestion administrative et bureaucratique du « .dz » peut ralentir son développement et faire fuir les entreprises vers les .com, .net, et .info », dit-il. Et de préciser : « Enregistrer son nom de domaine en .com peut se faire en ligne et en quelques secondes, ce qui n’est pas le cas du dz. Les gens veulent la facilité et la rapidité. La gestion du .dz doit être commerciale et non administrative. On doit pouvoir vendre le dz en proposant des offres attrayantes et intéressantes. On doit permettre aux gens d’enregistrer leurs noms de domaine en temps réel et vérifier par la suite les infos et le respect de la charte de nommage. Si on veut vendre, il faut simplifier les procédures », affirme encore Younes Grar.

Ce n’est pas une question de nationalisme mais de compétitivité !

Le CERIST estime que les hébergeurs devraient faire l’effort d’installer des serveurs ici en Algérie. S’agit-il d’une véritable contrainte ? « Je pense que c’est une contrainte technique qui fait que le dz n’attire plus. On sait bien que 95% des sites web algériens sont hébergés à l’étranger à cause de la qualité des services offerts et de leurs prix. C’est évident que si la plupart des entreprises algériennes (y compris des sociétés publiques, ndlr) hébergent à l’étranger, ce n’est pas par manque de nationalisme mais un problème de compétitivité entre les offres locales et étrangères. Donc dès qu’on exige l’hébergement en Algérie on élimine plus de 95% des sites web algériens. On peut exiger la localisation des propriétaires de nom de domaine pour les identifier. A travers le monde, je peux réserver des noms de domaines sans avoir de sites web. Il faut avoir le courage de reconnaitre que c’est cette contrainte qui a ralenti le développement du dz. Il faut créer des data centers professionnels, encourager les entreprises a investir ce créneau, réduire le prix des liens Internet, etc. Il faut être capable de proposer des offres locales d’hébergement très attractives. Et la on revient au manque de vision et de visibilité du secteur des TIC en Algérie. Que veut-on faire et comment ? », conclu notre interlocuteur.