La France a eu son 11 septembre
Après la sécurisation de Paris et le succès de la manifestation contre le terrorisme, c’est l’heure des bilans et des enseignements.
La première étape de l’après-Charlie Hebdo est inscrite sur le plan diplomatique. La France va sûrement étudier les attitudes diplomatiques dans cette épreuve qui a touché la France et revoir sa politique concernant certains pays. Première information tombée vingt-quatre heures après la gigantesque manifestation de Paris, c’est l’attitude des Israéliens à vouloir récupérer la marche de Paris. Ainsi, les médias français ont rapporté, hier, que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s’est invité lui-même à la manifestation de dimanche à Paris contre le terrorisme islamiste, alors que la Présidence française lui avait demandé de ne pas venir.
La Présidence française a répondu au gouvernement de Benjamin Netanyahu que, puisqu’il insistait, elle inviterait le président palestinien Mahmoud Abbas, ont rapporté la chaîne Channel 2 et d’autres médias. Ils expliquent le forcing israélien par la campagne en cours pour les législatives anticipées du 17 mars.
François Hollande ne voulait pas que le conflit israélo-palestinien ou la question des relations entre juifs et musulmans, par exemple, détourne l’attention du message de la manifestation, a dit Jacques Audibert à son interlocuteur, en espérant la compréhension israélienne. Netanyahu aurait dans un premier temps accepté. Paris, énervé, a alors décidé d’inviter Abbas. Les participations de Netanyahu et Abbas à la marche de Paris n’ont été annoncées que très tard samedi. Abbas avait même dit auparavant au président français regretter que certaines circonstances, à commencer par la neige, l’empêchent de prendre part, selon son ministre des Affaires étrangères Ryiad al-Malki. Si la venue des dirigeants israéliens a été poussée, la venue de Netanyahu a néanmoins créé la polémique sur le Net concernant la participation de l’Algérie à cette marche. Le ministre des Affaires étrangères Ramtane Lamamra a tout de même participé à cette marche, mais n’a pas joué des coudes pour être au-devant de la scène. L’Algérie tenait à marquer sa solidarité avec le peuple et le gouvernement français, mais n’a pas cherché à en faire la publicité. Hollande a apprécié, mais en revanche ce qui a été apprécié le moins c’est l’absence du Maroc à cette marche de solidarité avec le peuple et le gouvernement français. Le ministre des Affaires étrangères marocain, Salaheddine Mezouar, n’a finalement pas pris part à la marche contre le terrorisme dimanche à Paris «en raison de la présence de caricatures blasphématoires» du prophète dans le défilé, selon un communiqué officiel diffusé par l’ambassade marocaine.
Cette absence va sûrement créer une nouvelle tension diplomatique entre le Maroc et la France. Il est clair que la France qui a toujours joué un rôle secondaire dans la lutte contre le terrorisme international, va faire entendre sa voix pour occuper les premiers rangs de cette coalition occidentale qui a été touchée par le terrorisme à l’image des Etats-Unis, de l’Espagne ou de la Grande-Bretagne. L’Algérie, le premier pays arabe à être touché par le terrorisme, et qui a dû attendre le 11 septembre pour faire entendre sa voix, sera sûrement associé à la lutte contre le terrorisme international.
D’ailleurs, le secrétaire d’Etat américain à la Justice, Eric Holder, a annoncé la tenue d’un sommet international consacré à la lutte contre le terrorisme et «l’extrémisme violent dans le monde», le 18 février prochain à Washington. Eric Holder avait participé à la marche républicaine à Paris. Plus tôt, le ministre de l’Intérieur français Bernard Cazeneuve a fait état d’un accord des principaux pays européens et des Etats-Unis pour améliorer la coopération dans la lutte contre le terrorisme, afin d’aboutir notamment à un renforcement des contrôles aux frontières extérieures de l’UE et à l’adoption d’un fichier européen des données des passagers aériens (PNR), qui est toujours bloqué par le Parlement européen pour des questions de protection de la vie privée. Il a ajouté après une rencontre avec ses homologues américains et d’une dizaine de pays de l’UE qu’une réunion des ministres de l’Intérieur et de la Justice de l’UE aurait lieu pour coordonner les actions, les textes européens étant selon lui, insuffisants pour faire face à la menace. Selon une source européenne, cette réunion aura lieu vendredi prochain à Bruxelles.
Après l’affaire Charlie Hebdo, le gouvernement français entend revoir sa politique contre l’islamisme radical en France. Manuel Valls, le Premier ministre, a annoncé vouloir généraliser l’isolement en prison des détenus islamistes radicaux. Manuel Valls a dit également vouloir «améliorer» le système d’écoutes administratives et judiciaires qui doit être «plus performant», après les attentats ayant frappé la France, la semaine dernière. «Il faudra donner le plus vite possible encore, davantage de moyens (aux) services. Il y a sans doute des problèmes juridiques pour effectivement améliorer encore la possibilité des systèmes d’interception, parce qu’entre les écoutes administratives et judiciaires, on peut encore être plus performant». Après l’attentat contre Charlie Hebdo allons-nous vers «un Patriot Act à la française», dans le cadre d’une «réponse ferme et globale au terrorisme»? Pas encore sûr. Il faut rappeler que la loi dite «Patrioct Act» votée aux États-Unis après les attentats du 11 septembre a renforcé le pouvoir des agences de renseignement et mis en place une série de dispositions permettant entre autres, des écoutes sans aval d’une autorité judiciaire, chose impossible en France. Cette loi est dénoncée par beaucoup de défenseurs des droits de l’homme, comme attentatoire à la vie privée des Américains, mais aussi de ressortissants du monde entier, susceptibles d’être écoutés par des oreilles américaines.